Animaux dans le Proche-Orient ancien - Définition

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Introduction

Le Proche-Orient ancien offre un intérêt particulier pour l’étude du monde animal et de ses interactions avec l’espèce humaine, dans la mesure où c’est dans cette espace qu’apparaissent les premiers cas de domestication d’animaux (à partir du XIIe et surtout du IXe millénaires av. J.-C), et les premiers textes relatifs aux rapports entre hommes et animaux (dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C.), qui portent un éclairage plus profond sur des relations déjà documentées pour les périodes postérieures par des restes archéozoologiques, artefacts et représentations figurées. Ce sont ces diverses sources qui nous permettent d’étudier ce sujet, profondément renouvelé ces dernières années par diverses recherches, aussi bien en archéozoologie que sur les aspects symboliques des relations hommes/animaux.

Liliane Bodson a proposé une typologie des rôles et fonctions des animaux dans l’Antiquité :

  • des rôles matériels et pratiques (fourniture de produits et prestations de services) ;
  • des fonctions socio-affectives ;
  • des rôles dans la pensée sociale et symbolique (les connaissances relatives au monde animal, et les utilisations symboliques des animaux).

Ces différents points permettent d’aborder le monde animal sous ces différents aspects, avant tout dans ses relations avec l’être humain. Il s’agit donc en premier lieu de voir les animaux par l’approche zoologique, avant de s’intéresser aux divers aspects des interactions entre animaux et humains, du matériel au symbolique.

Poids en forme de lion, bronze, Suse, époque achéménide, VIe-IVe siècle.

Les animaux du Proche-Orient ancien

Le sud-ouest asiatique est une vaste zone zoologique de transition, assurant la liaison entre différents espaces continentaux (Europe, Asie, Afrique). Les espèces attestées vont de celles caractéristiques du monde tempéré au nord, jusqu’au monde subtropical à l’extrême sud. En l’absence de grand changement naturel, c’est le développement de sociétés complexes dans le Proche-Orient durant la période protohistorique qui a apporté des changements dans le monde animal de cette région, lors du processus de « néolithisation », qui voit les premières expériences de domestication des animaux, qui entraînent une coupure entre animaux domestiqués et animaux non domestiqués.

Les animaux domestiques

Le processus de domestication

Selon D. Helmer, la domestication est « le contrôle d'une population animale par l'isolement du troupeau avec perte de panmixie, suppression de la sélection naturelle et application d'une sélection artificielle basée sur des caractères particuliers, soit comportementaux, soit culturels. Les animaux deviennent la propriété du groupe humain et en sont entièrement dépendants ». Elle se distingue de l'apprivoisement, qui ne concerne qu'un seul individu d'une espèce sauvage.

Le processus de domestication des animaux n'est pas aisé à identifier. Il débute au Néolithique, après les premières expériences de domestication d'espèces végétales. Les recherches en archéozoologie (trouvailles de restes d'animaux sur des sites archéologiques) permettent de mieux connaître ce phénomène. Il s'agit d'étudier si un animal est plus présent qu'un autre, ce qui peut indiquer qu'on l'a domestiqué (mais ce peut être un exemple de chasse sélective), si son anatomie a été modifiée par la domestication (généralement les animaux domestiques deviennent plus petits que l'espèce sauvage d'où ils sont issus). Identifier la date d'une première domestication est donc compliqué, mais vu que l'on se situe à des périodes très reculées, la datation est de toute manière très vague. Identifier un lieu ou une région de domestication est également une tâche difficile, dans la mesure où une nouvelle découverte peut rapidement modifier nos connaissances. De plus, on tend à penser qu'il a pu exister plusieurs foyers de domestication pour une même espèce, sur un vaste espace, et que les hommes ont parfois pu domestiquer plusieurs races d'origine pour une même espèce.

Les raisons de la domestication des animaux ont donné lieu à plusieurs hypothèses, qui rejoignent celles ayant été développées pour expliquer la « révolution néolithique ». Une idée répandue est que la domestication est une conséquence du réchauffement du climat après la fin de la dernière période glaciaire, provoquant une diminution des ressources disponibles pour les groupes humains (plantes et animaux), qui auraient alors cherché à contrôler celles-ci pour s'assurer une meilleure utilisation. Mais elle semble de moins en moins probable. Les animaux n'ont pas forcément été domestiqués pour leur viande, car la chasse semble rester le moyen le principal pour en obtenir jusque vers le VIIIe millénaire. Selon J.-D. Vigne, il faut peut-être replacer la domestication des animaux dans un contexte qui voit l'homme changer ses conceptions vis-à-vis de la nature, et se rendre compte qu'il peut chercher à la contrôler, à la dominer. Cela rejoint les théories développées par J. Cauvin, qui fait du Néolithique une période de « révolution des symboles ».

La domestication est de toute manière un processus très long, progressif, et donc a pu se produire en plusieurs endroits successifs, sur plusieurs siècles. Les espèces domestiquées sont souvent des espèces très chassées auparavant, et on présume que la domestication a pu être précédée d'une chasse sélective, privilégiant un certain type de gibier, dont on a progressivement cherché à organiser les déplacements, l'alimentation, les lieux de reproduction, sur un territoire précis. Mais une espèce très chassée comme la gazelle n'a jamais été domestiquée. La domestication a pu également se produire après la capture d'animaux, que les groupes humains ont continué à contrôler.

La domestication est indissociable d'un processus de sélection des espèces par les hommes. Les animaux domestiqués ne sont pas des concurrents alimentaires potentiels pour les hommes, excepté le chien (ou le chat, peu attesté dans le Proche-Orient ancien), qui joue lui le rôle spécifique de compagnon des humains. La sélection précède la domestication, et elle se poursuit après, l'homme contrôlant la reproduction des bêtes. Sur le long terme, cela entraîne des modifications des espèces domestiquées, notamment morphologiques et anatomiques (par exemple la perte de cornes par les moutons), et leur éclatement en plusieurs races.

Les animaux domestiques du Proche-Orient ancien

Statuette en bronze représentant un taureau, Mésopotamie, IIIe millénaire.

Le premier animal domestiqué est le chien, sans doute dès la fin du paléolithique : on trouve des chiens enterrés avec des hommes à partir de la période natoufienne (12000 - 10000), à Aïn Mallaha (Levant). Le Néolithique est la grande période de domestication d'animaux. Les ovins et les caprins sont domestiqués peut-être dès vers 9000. La chèvre apparaît suite à la domestication du bouc vivant dans les terrains hauts allant de l'Anatolie au Pakistan. La première attestation de chèvres domestiquées serait à Ganj-i Dareh, dans le Zagros, vers 8000. Le mouton est domestiqué à partir du mouflon, vivant dans les régions sèches de l'Anatolie orientale et du nord de l'Iraq et de l'Iran actuels, au plus tard au VIIe millénaire. Le cochon est domestiqué vers la même période, à partir du sanglier sauvage. Ce n'est que plus tard que les premiers bovins sont domestiqués, sans doute en Anatolie : l'auroch est à l'origine des bovins domestiques les plus courants (Bos taurus : vaches, bœufs, taureaux). On trouvait également des buffles domestiques en Mésopotamie. Les équidés domestiqués au Proche-Orient sont les ânes, issus de l'onagre (ou hémione). Les chevaux apparaissent dans les sources mésopotamiennes et syriennes vers la fin du IIIe millénaire et le début du IIe, et leur utilisation se répand dans la seconde moitié du IIe millénaire. Les premières traces de chat dont la condition domestique ne fait pas de doute remontent à l'Égypte du Moyen Empire, mais cet animal a peut-être été domestiqué bien avant, comme le montre la découverte d'une sépulture d'un chat à Chypre remontant au VIIIe millénaire. Il reste peu présent dans les sources du Proche-Orient ancien, à la différence de l'Égypte antique. Le dromadaire est domestiqué vers le milieu du IIIe millénaire ou au début du suivant, sans doute en Arabie, et il se répand au Proche-Orient au Ier millénaire. Le chameau de Bactriane est sans doute domestiqué vers la même époque, mais son histoire antique est très mal connue.

Quant aux volailles, on sait désormais que la poule est domestiquée en Asie du sud-est vers 6000, et arrive en Mésopotamie au plus tard au IIIe millénaire. Concernant les pigeons, oies, colombes et canards, attestés très tôt autour des habitats néolithiques, on ne dispose pas de suffisamment de sources pour savoir si on en élevait couramment, et donc si certains avaient été réellement domestiqués. Les abeilles sont un cas de figure identique. Leur miel est probablement exploité très tôt durant la préhistoire, mais l'homme ne cherche à les contrôler qu'à partir du IIIe millénaire, en Égypte. On trouve une mention de l'apiculture dans les Lois hittites.

Les animaux sauvages

Parmi les ongulés non domestiqués, les hippotragues sont surtout représentés par les oryx, divisés en deux sous-espèces dans le Proche et le Moyen Orient (scimitar et arabe). Les antilopinés (gazelles) sont divisés en diverses espèces vivant dans les biomes arides et semi-arides de l’Afrique du Nord jusqu’à l’Asie centrale et l’Inde. On remarque qu’elles sont beaucoup chassées par les sociétés du Natoufien : s’agit-il d’une chasse sélective, ou d’une pré-domestication qui n’a pas abouti ? Les caprinés non domestiqués comprennent le bouquetin (ibex), le bouc, ou encore le mouflon. Les bovinés sauvages (auroch, bison) vivant dans les régions basses du Proche et du Moyen-Orient durant l'Antiquité ont disparu aujourd'hui.

Statuette en bronze représentant un cerf, Alacahöyük (Turquie), fin du IIIe millénaire.

Les cervidés sont présents dans les terrains végétaux, ouverts, tempérés. Trois espèces sont indigènes au Proche et Moyen Orient : le cerf, aujourd’hui présent en Turquie, au Caucase, et dans le nord de l’Iran ; le chevreuil, le plus petit du groupe, vivant aux mêmes endroits ; et le daim, de taille moyenne, divisé en deux sous-espèces vivant dans deux zones différentes (européenne/anatolienne et mésopotamienne/perse).

On trouvait également un type d’éléphant syrien, dans les terres basses et forêts ouvertes de Syrie et même d’Iran, jusqu’au début du Ier millénaire. Il était apparemment proche de l’éléphant asiatique, si l’on se fie aux représentations dont on dispose. Des hippopotames vivaient encore au sud du Levant jusqu'au Ier millénaire.

Les carnivores les plus importants non domestiqués sont les loups. D’autres canidés non domestiqués étaient présents : des chacals, ainsi que diverses espèces de renards. Parmi les félins, le chat sauvage eurasiatique est sans doute le plus répandu. Des lions vivaient durant l'Antiquité dans les régions basses du Proche-Orient ; on n'en trouve plus de nos jours. Le tigre de la Caspienne vivait au nord de l’Iran et en Afghanistan, jusqu’au début du XIXe siècle. On trouve toujours des léopards dans des régions montagneuses et collinaires du Proche-Orient. L’ours brun est également un des résidents des forêts de l’Asie du sud-ouest.

On dispose de peu de renseignements sur les rongeurs et chauves-souris, pourtant les mammifères les plus nombreux en individus. Certains rongeurs émergent avec la sédentarisation, la mise en place de l’économie agricole : la souris domestique apparaît au Natoufien en Palestine, à partir de souris sauvages. La souris épineuse est très courante dans les régions sèches. On trouvait également des castors, aujourd’hui en voie de disparition avec le recul de la forêt.

Il faut également mentionner les mammifères marins : phoque de la Caspienne, phoque moine de la Méditerranée ; le dugong dugon se rencontre dans le Golfe Persique, et parfois dans la Mer Rouge ; les cétacés également, les dauphins sont beaucoup mentionnés dans les sources antiques (en Méditerranée, Mer Rouge, Golfe Persique).

Boîte à fard en forme de canard, XIIIe siècle av. J.-C., Minet el-Beida (Syrie).

Parmi les oiseaux, il faut distinguer les espèces résidentes des espèces migrantes. Il a déjà été dit plus haut que rien ne démontre vraiment que le pigeon, l'oie ou la colombe aient été domestiqués, pas plus que le canard. On trouvait encore des autruches au Levant et en Arabie durant l'Antiquité. Beaucoup d'espèces migrantes survolent l'Eurasie pour aller hiverner au Proche-Orient, en Afrique du Nord ou en Asie du Sud.

Les insectes les plus mentionnés dans les textes du Proche-Orient ancien sont les criquets, notamment le criquet pèlerin, et les sauterelles, mais on trouve aussi mention des abeilles, papillons, libellules, mouches et autres moustiques. Plus de 70 espèces de scorpions sont répertoriées actuellement dans l'aire géographique concernée, et il devait en aller de même dans le passé. Les poissons sont peu représentés par l'archéologie, et également dans les textes. Des reptiles apparaissent dans certains textes, avant tout les serpents. Les gastropodes, notamment le murex, sont plus facilement identifiables par leurs restes. Notons enfin que les textes mésopotamiens font référence aux crustacés, notamment les crevettes.

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