L'alchimie occidentale est née dans l'ancienne Égypte gréco-romaine à Alexandrie entre le Ie siècle av. J.-C. et le IIIe siècle.
« En ce qui concerne la substance même de l'alchimie gréco-égyptienne, A.-J. Festugière a montré qu'elle était née de la rencontre d'un fait et d'une doctrine. Le fait est l'art du bijoutier et du teinturier fantaisie, c'est-à-dire l'art de reproduire à meilleur compte l'or, l'argent, les pierres précieuses et la pourpre. La doctrine est une spéculation mystique centrée sur l'idée de sympathie universelle. »
L'alchimie est liée à la philosophie hermétique, qu'on peut définir comme « une vision du monde fondée sur les correspondances et 'sympathies' unissant macrocosme et microcosme ». Il ne faut cependant pas confondre les deux, les textes philosophiques du Corpus Hermeticum ne parlant pas d'alchimie. Des textes, à la fois hermétiques et alchimiques, apparaissent dès le IIe ou Ier siècle av. J.-C.. Sont-ils égyptiens pour autant ? Selon Garth Fowden, « dans le cas de l'alchimie, les anciens Égyptiens sont connus pour s'être intéressés à l'origine et à la nature des pierres précieuses et des métaux, et les textes alchimiques grecs de l'Antiquité tardive contiennent diverses allusions à l'Égypte et à ses traditions, mais nous n'y trouvons rien d'analogue à l'évolution, sans solution de continuité, de la magie pharaonique à la magie gréco-égyptienne. Le même discours vaut pour l'astrologie. » L'égyptologue François Daumas est d'un avis opposé : il voit un lien entre la pensée égyptienne et l'alchimie gréco-égyptienne, à travers la notion de pierre, pierre à bâtir ou pierre philosophale. Les Égyptiens avaient une conception dynamique de la pierre. Dans un des Textes des pyramides (513 a), un lapis-lazuli croît comme une plante. Dans une inscription à Abou Simbel, datant du règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), le dieu Ptah, créateur du monde, dit comment les déserts créent des pierres précieuses.
Deux sources principales de textes de cette époque ont été conservées : deux recueils sur papyrus, conservés à Leyde et à Stockholm datés de 300 après J.-C. et un corpus constitué à l'époque byzantine. Les textes les plus anciens sont des œuvres de Bolos de Mendès, et des citations ou courts traités mis sous des noms de personnages célèbres, mythologiques ou divins (Hermès, Isis, Moïse...) ou réels (Jamblique, Marie la Juive...). Dans ces textes, écrits avant 300, l'aspect spéculatif de l'alchimie n'est pas forcément présent et les recettes font plus penser à des recettes techniques. Le premier alchimiste de cette période serait peut-être Bolos de Mendès, dit le Pseudo-Démocrite. Il vivait vers 100 av. J-C ou 200 av. J.-C. on lui attribue le traité Questions naturelles et mystiques. Il s'agit de recettes d'atelier, reposant sur la loi des sympathies et des antipathies, pour fabriquer les quatre objets de l'alchimie d'alors : l'or, l'argent, le pourpre (porphyre), les pierres précieuses. Il semble que le livre date "sous sa forme actuelle" du Ier siècle, mais il pourrait remonter à Bolos. Sénèque attribue à Démocrite (donc peut-être à Bolos de Mendès le Pseudo-Démocrite) des réussites alchimiques ou simplement métallurgiques, notamment le moyen d'amollir l'ivoire ou de convertir par la cuisson certaines pierres en émeraude.
Marie la Prophétesse (dite aussi Marie-la-juive) est vraisemblablement la première femme alchimiste de l'histoire. La légende dit qu'elle aurait initié le grand Zozime après un premier refus, prétextant qu'elle ne saurait initier un non juif à l'art divin Cf. Bernard Husson, Berthelot). En revanche, avec Zosime de Panopolis (aussi nommé Zosime le panopolitain), la technique se double d'une mystique et d'une symbolique. Zosime reste le fondateur canonique de l'alchimie gréco-égyptienne. Il vivait, comme sans doute Bolos, à Alexandrie mais aux environs de l'an 300. Ses recettes alchimiques ainsi que ses principes feront autorité. Deux autres auteurs de cette période sont restés célèbres pour leurs commentaires ou leurs recettes; Olympiodore l'Alchimiste, qui est peut-être Olympiodore le Jeune (un recteur de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie, en 541) et Synésius, qui est peut-être Synésios de Cyrène. Olympiodore le Jeune, au VIe siècle, sur l'analogie planètes-métaux, donne un système de correspondances, qui sera classique en alchimie : or-Soleil, argent-Lune, plomb-Saturne, électrum-Jupiter, fer-Mars, cuivre-Vénus, étain-Mercure.
Les alchimistes alexandrins utilisaient quatre types de techniques pour « produire » de l'or, techniques consignées dans des recettes :
Un certain nombre de traités arabes médiévaux de magie, d’astrologie ou d’alchimie sont attribués à Balînâs Tûwânî (Apollonius de Tyane). Au VIe siècle, en lien avec ce mage pythagoricien, le Livre du secret de la Création. Kitâb sirr al-Khaleqa donne en arabe le texte de la Table d’émeraude, qui joue un rôle essentiel dans la tradition hermético-alchimique.
L'alchimie arabe naît en 685 quand, dit la légende, le prince Khâlid ibn al-Yazîd commande au moine Marianus (ou Morienus), élève de l'alchimiste Étienne d'Alexandrie (vers 620), la traduction en arabe de textes alchimiques grecs ou coptes.
Au VIII-Xe siècle apparaît le Corpus Jabirianum, attribué à Jâbir ibn HayyânJâbir ibn Hayyân, dit Geber (vers 770), pose comme première triade celle du corps, de l'âme et de l'esprit. Il insiste sur l'élixir comme remède et panacée, et l'élixir n'est pas seulement minéral. Geber pose aussi un septénaire, celui des sept métaux : or (Soleil), argent (Lune), cuivre (Vénus), étain (Jupiter), plomb (Saturne), fer (Mars), vif-argent (Mercure) ; un autre septénaire, celui des opérations : sublimation, distillation ascendante ou descendante (filtration), coupellation, incinération, fusion, bain-marie, bain de sable. L’argyropée est une étape, non une chute : elle s’intègre dans l’œuvre. Les quatre Éléments et les quatre Qualités sont autonomes. Dans toute substance des trois règnes il est possible d’augmenter, de diminuer la proportion, voire de faire disparaître le chaud, le froid, etc. et ainsi d'obtenir une tout autre substance.
On attribue à Geber la découverte de l'acide nitrique, obtenu en chauffant du salpêtre KNO3 en présence de sulfate de cuivre (CuSO4⋅5H2O) et d'alun (KAl(SO4)2⋅12H2O), et de l'acide sulfurique (le vitriol), et l'eau régale. Il a également isolé l'antimoine et l'arsenic de leurs sulfures (stibine et orpiment/réalgar).
Râzî (860-923), appelé Rhazès en Occident, a laissé un Livre des secrets. Kitâb al-asrâr de grande influence.
L'encyclopédie des Frères de la pureté (Ikhwân as-Safâ, 963) contient une section sur l'alchimie.
Le philosophe Algazel (Al-Ghazâlî 1058-1111) parle d'une alchimie de la félicité (kimiyâ es-saddah).
L'alchimie arabe, qui a son apogée entre le IXe siècle et le XIe siècle, va largement et rapidement se diffuser dans l'Occident chrétien sous la forme de traductions latines, à partir du milieu du XIIe siècle. L'une des tout premières est le Morienus : Robert de Chester, en 1144, traduit en latin un livre arabe de Morienus Romanus, le Liber de compositione alchemiae quem edidit Morienus Romanus qui dit : "Puisque votre monde latin ignore encore ce qu'est Alchymia et ce qu'est sa composition, je l'expliquerai dans ce livre. Alchymia est une substance corporelle composée d'une chose unique, ou due à une chose unique, rendue plus précieuse par la conjonction de la proximité et de l'effet." Vers la même époque Hugues de Santalla traduit le Livre du secret de la création attribué à Balinous (le nom arabe d'Appolonius de Tyane qui comprend la première version latine de la Table d'émeraude). Et le franciscain Gérard de Crémone (~1114-~1187) traduit le liber divinitatis de septuaginta ('livre des septantes) de Geber (dont la plupart des textes qui lui seront ensuite attribués sont des créations latines) et des textes faussement attribués à Rhazès.
Le passage du Kitâb al-Shifâ’ (vers 1020), dans lequel Avicenne s'oppose à l'alchimie, est traduit en latin sous le titre De congelatione et conglutinatione lapidum De la congélation et de la conglutination de la pierre), par Alfred de Sareshel vers 1190. Mis en annexe du livre IV des Météorologiques, dans lequel Aristote discute de la nature et de la formation des métaux qui, il sera attribué à ce dernier, et influencera tant les alchimistes que leurs opposants. L’or est fait de Mercure et de Soufre combinés sous l’influence du Soleil. Une phrase célèbre retient les esprits :
Cette vague de traductions se poursuit au XIIIe siècle et de nombreux textes arabes sont mis sous le noms d'autorités antiques, philosophes comme Socrate, Platon, Aristote Galien, Zosime de Panopolis (latinisé en Rosinus, et lui effectivement alchimiste), ou figures mythiques comme Hermès Trismégiste, Appolonius de Tyane, Cléopatre...
Avec ce corpus traduit de l'arabe, outre un certain nombre de termes techniques comme alambic ou athanor, l'alchimie latine va hériter de ses principales thématiques et problématiques : l'idée que les métaux se forment sous la Terre sous l'influence des planètes à partir de soufre et de mercure, et que l'alchimie vise à reproduire, accélérer ou parfaire ce processus ; l'analogie entre alchimie et médecine, sous la forme de l'élixir - la connotation religieuse, le dieu créateur étant vu comme le modèle de l'alchimiste - la question de la diffusion ou du secret de la connaissance alchimique.
Plusieurs traditions sont représentées dans ces textes : des traités pratiques et clairs, parmi lesquels ceux issus de l'école de Geber et de Rhazès, et le De anima in arte alchemia attribué à Avicenne, qui reflètent une véritable recherche expérimentale, des traités de recettes reprenant la forme du Secretum Secretorum (attribué à Rhazès et traduit par Philippe de Tripoli vers 1243, et des textes allégoriques dont le Morienus, la Turba philosophorum et la Tabula Chemica de Senior Zadith (Ibn Umail). Le Pseudo-Geber (Paul de Tarente, auteur de La somme de perfection. Summa perfectionis, 1260), le Pseudo-Arnaud de Villeneuve (Rosarius, av. 1332), Gérard Dorn (Clavis totius philosophiae chymisticae, 1566) reprendront l'idée de mêler pratique et allégorie.
Vers 1210, le savant Michael Scot écrit plusieurs traités alchimiques : Ars alchemiae, Lumen luminum. Il est le premier à évoquer les vertus médicales de l’or potable ; Roger Bacon (Opus majus, 1266 ; Opus tertium, 1270), le Pseudo-Arnaud de Villeneuve (Tractatus parabolicus, vers 1330), le paracelsien Gérard Dorn (De Thesauro thesaurorum omnium, 1584) poursuivront dans ce sens.
Vers 1250, Albert le Grand admet la transmutation, il établit l’analogie entre la formation du fœtus et la génération des pierres et métaux. Il défend la théorie du soufre et du mercure. Il est sans doute l'auteur de Alkimia ou de Alkimia minor, mais pas des autres traités, tels que Semita recta, ou Le composé des composés. Compositum de compositis. Thomas d'Aquin n'est pas alchimiste, quoiqu'on lui attribue le magnifique L'aurore à son lever (Aurora consurgens), qui présente l'alchimie comme une quête de régénération spirituelle, intérieure, qui date de 1320.
Roger Bacon s'est intéressé à l'alchimie dans son Opus minus (1267), dans son Opus tertium, dans son commentaire au Secret des secrets (1275-1280) qu'il croit à tort d'Aristote ; mais Le miroir d'alchimie (Speculum alchimiae) date du XVe s. : il est d'un Pseudo-Roger Bacon. Roger Bacon (Opus majus, 1266) soutient que la médecine des métaux prolonge la vie et que l’alchimie, science pratique, justifie les sciences théoriques (et non plus l’inverse) : le premier, il voit le côté double (spéculatif et opératoire) de l'alchimie.
Pour le Pseudo-Roger Bacon :
« L'alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine Médecine ou élixir, laquelle étant projetée sur les métaux imparfaits, leur donne la perfection dans le moment même de la projection. »
Les deux principes ou Substances étaient le Soufre et le Mercure, un troisième s'ajoute dès la Somme de la perfection (Summa perfectionis) (1260) : l'Arsenic. L'ouvrage est attribué à l'Arabe Geber (Jâbir ibn Hayyân), mais il est du Pseudo-Geber, ou Geber latin, Paul de Tarente.
Les auteurs les plus caractéristiques sont Arnaud de Villeneuve (1245-1313), Denis Zachaire, le Pseudo-Lulle (début du XVe siècle), le chanoine George Ripley, le prétendu Bernard le Trévisan.
L'année 1330 est la date de La nouvelle perle précieuse (Pretiosa margarita novella), de Petrus Bonus, qui est un discours théologique. L'auteur distingue recherche scientifique et illumination divine. Il est le premier à faire une lecture alchimique des grands mythes antiques, comme la Toison d’or, Pan, les métamorphoses d'Ovide, Virgile, etc. ; il sera suivi par Augurelli, Pic de la Mirandole, G. Bracesco + 1555, Dom Pernéty. Petrus Bonus soutient la théorie du mercure seul. Le premier, il compare la pierre philosophale au Christ : si le processus du Grand Oeuvre correspond à la vie humaine (conception, gestation, naissance, croissance, mort), il correspond aussi aux mystères de la religion chrétienne (incarnation et passion du Christ, Jugement dernier, mystère de la Sainte-Trinité, etc.).
Vers 1350 Rupescissa (Jean de Roquetaillade) (De consideratione quintae essentiae) assimile élixir et alcool, comme un cinquième Élément, une quintessence donc, qui peut prolonger la vie. Il dit que l’on peut extraire cette quintessence de toutes choses, du sang, des fruits, du bois, des fleurs, des plantes, des métaux. D’où certains remèdes. Il fait une alchimie distillatoire, car, pour lui, la quintessence est un distillat extrêmement puissant qui peut s’extraire de l’alcool distillé mille et une fois. Cette théorie de la quintessence introduit l’idée du « principe actif » possédant au centuple les mêmes propriétés que les simples, dont Galien avait détaillé les effets bénéfiques sur le plan humain.
L'Église catholique n'a jamais condamné pour hérésie l'alchimie en tant que telle. Les condamnations ne sont faites que dans des cadres limités : celle des faux-monnayeurs et des magiciens, la discipline interne aux ordres mendiants (franciscains et dominicains), et au XVIIe la dénonciation des libertins. L'idée de cette condamnation n'apparaît qu'avec les occultistes du XIXe.
En 1273, 1287, 1289, 1323, 1356 et 1372, les chapitres généraux des dominicains intiment aux frères de remettre à leurs supérieurs les écrits d'alchimie ou (en 1321) de les détruire. En 1295, la législation des franciscains leur interdit de détenir, lire, écrire des livres d'alchimie.
Élie de Cortone, Gérard de Crémone, Roger Bacon, Jean de Roquetaillade sont des franciscains.
Dans le Tractatus parabolicus du Pseudo-Arnaud de Villeneuve (milieu du XIVe s.), pour la première fois, l’image du Christ (sa vie, sa Passion, et sa résurrection) est comparée à la pierre philosophale. L'alchimie devient, dès lors, chrétienne. Le Pseudo-Lulle : "De même que Jésus-Christ a pris la nature humaine pour la délivrance et la rédemption du genre humain, prisonnier du péché par la suite de la désobéissance d'Adam, de même, dans notre art, ce qui est souillé criminellement par une chose est relevé, lavé et racheté de cette souillure autrement, et par la chose opposée." Toujours à la même époque (1350), Jean de Roquetaillade établit le lien entre Grand Œuvre et Passion du Christ.
Le poème L'ordinaire d'alchimie (1477) de Thomas Norton.
Denis Zachaire déclare avoir réussi à transmuter du mercure en or le jour de Pâques 1550 :
Quand Rodolphe II de Habsbourg est empereur (1576-1612), la capitale de l'alchimie est Prague. Les adeptes de l'époque y convergent : Heinrich Khunrath (auteur d'un admirable Amphitheatrum sapientiae aeternae, 1602), Oswald Croll, Michael Maier (auteur de l’Atalante fugitive, 1618).
Le fameux ouvrage sur Nicolas Flamel, Le livre des figures hiéroglyphiques, qui donne une interprétation alchimique de l'arche du cimetière des Innocents à Paris, n'a pas été écrit par Nicolas Flamel, qui ne fit jamais d'alchimie. Le livre est daté de 1399, mais il ne fut édité en 1612, il n'a pu être écrit que vers 1590, peut-être par l'écrivain François Béroalde de Verville (1558-1612). Il développe la notion d' ars magna, une mutuelle délivrance de la matière et de l’esprit par la réalisation de l’œuvre, à la fois spirituelle et physique.
Paracelse, comme l'a montré un de ses éditeurs, Johann Huser, n'a rien écrit d'alchimique au sens courant du terme (transmutation des métaux, production d'or), puisqu'il se concentre sur l'utilisation médicale et l'aspect philosophique. Dans son Opus paragranum (1533), il substitue aux quatre Éléments les trois Substances (tria prima) que sont le Soufre, le Mercure et (c'est Paracelse qui l'ajoute) le Sel ; il assimile le processus de digestion à l’alchimie, science des cuissons et des maturations.
Avec Gérard Dorn (Clavis totius philosophiae chymisticae, 1566), Jacques Gohory (Compendium, 1568), Cesare Della Riviera (Le monde magique des héros, 1603) naît une alchimie spéculative, sans pratique opératoire. Elle se prolonge par certaines œuvres de Giordano Bruno ou de Jean d'Espagnet. Une correspondance s'établit entre les stades du Grand Œuvre et les étapes d’une transmutation spirituelle.
De grands alchimistes marquent encore cette époque dont le Pseudo-Basile Valentin, le Cosmopolite (Alexandre Seton ? Michel Sendivogius ? ), l'Anglais Eyrénée Philalèthe (George Starkey).
1616 : Les noces chymiques de Christian Rosencreutz, de Jean Valentin Andreae. L'alchimie est ici spirituelle, allégorique, et surtout relève de la Rose-Croix.
En 1677 paraît à La Rochelle un livre singulier, dû à Jacob Saulat : Mutus liber. Livre muet : "toute la philosophie hermétique est représentée en figures hiéroglyphiques", en fait quinze planches, sans texte, qu'Eugène Canseliet éditera et commentera. Le livre semble tenir la rosée pour un élixir.
Robert Boyle qui croit à la possibilité de la transmutation des métaux, met en doute, dans The Sceptical Chymist (1661), la théorie des quatre éléments ainsi que celle des trois principes paracelsiens (soufre, mercure et sel), et introduits l'idée d'élément chimique comme élément indécomposable, et non transformable en un autre élément.
De 1668 à 1675 Isaac Newton pratique l’alchimie.
En 1722, le médecin et naturaliste français Étienne-François Geoffroy, inventeur du concept d'affinité chimique ne croit pas à la transmutation, mais ne pense pas possible de démontrer son impossibilité :
« L'Art [alchimique] n'a jamais fait un grain [d'or] d'aucun des métaux imparfaits [plomb, étain, fer, cuivre, mercure], qui selon les alchimistes sont de l'or que la Nature a manqués. Il n'a seulement jamais fait un caillou. Selon toutes les apparences, la Nature se réserve toutes les productions. Cependant, on ne démontre pas qu'il soit impossible de faire de l'or, mais on ne démontrera pas non plus qu'il soit impossible qu'un homme ne meure pas." »
En 1783, Lavoisier décompose l'eau en oxygène et hydrogène.
Le comte de Saint-Germain, célèbre en France entre 1750 et 1760, prétendait être immortel et capable de produire ou de purifier des pierres précieuses.
Au XIXe siècle, les quelques alchimistes résiduels sont considérés comme des curiosités, vestiges d'une époque révolue.
Ceux qui pratiquent l'hyperchimie (Tiffereau, Lucas, Delobel, Jollivet-Castelot) veulent faire de l'alchimie de façon strictement chimique. Théodore Tiffereau fabrique de l'or à Mexico en 1847, et Gustave Itasse, un chimiste, découvre que cet or possède « toutes les propriétés de l'or natif mais diffère de celui-ci par quelques propriétés chimiques n'appartenant pas en propre à un autre métal. »
Certains francs-maçons, (Jean-Marie Ragon 1781 - 1862, Oswald Wirth 1860-1943), lient étroitement l'alchimie mystique et la maçonnerie ésotérique.
En 1926 paraît un ouvrage intitulé Le mystère des cathédrales, écrit par un inconnu usant d'un pseudonyme, un certain Fulcanelli. Ce même auteur fait publier quelques années après un autre ouvrage, Les Demeures philosophales. Fulcanelli deviendra au cours du XXe siècle une légende. Canseliet, qui aurait été son élève, va venir souffler le chaud et le froid sur ce personnage, qui, selon la légende, aurait bénéficié du "don de Dieu", l'immortalité (il aurait été vu en Espagne âgé de 113 ans) : "Eh bien, quand je l'ai revu, il avait 113 ans, c'est-à-dire en 1952. J'avais à cette époque 53 ans. J'ai vu un homme sensiblement de mon âge. Attention, je précise, Fulcanelli en 1922 et même avant, c'était un beau vieillard, mais c'était un vieillard." Fulcanelli et Canseliet ont publié quelques ouvrages d'une érudition titanesque au regard de l'alchimie, véritable synthèse de toute la connaissance alchimique et qui suffiraient par eux-mêmes selon les plus fidèles partisans. Sont également auteurs contemporain, Roger Caro, fondateur de l'Église universelle de la nouvelle alliance, Kamala Jnana et Jean Clairefontaine, qui d'ailleurs ne constituent peut être qu'une seule et même personne. Richard Caron fait état d'un regain d'intérêt notoire à partir du début XXe siècle. "On voit s'intéresser à l'alchimie non seulement des occultistes de tous horizons, mais également des écrivains, une certaine partie de la bourgeoisie qui fréquentait les salons littéraires, et particulièrement le milieu médical qui depuis la fin du siècle précédent a fait soutenir, dans ses facultés, un grand nombre de thèses en médecine."
Pour Fulcanelli, l'alchimie est ésotérique, l'archimie et la spagyrie exotériques. L'alchimie est "la science hermétique", "une chimie spiritualiste" qui "tente de pénétrer le mystérieux dynamisme qui préside" à la "transformation" des "corps naturels". L'archimie poursuit à peu près un des buts de l'alchimie ("la transmutation des métaux les uns dans les autres"), mais elle utilise "uniquement des matériaux et des moyens chimiques", elle se cantonne au "règne minéral". La spagyrie est "l'aïeule réelle de notre chimie". "Les souffleurs, eux, étaient de purs empiriques, qui essayaient de fabriquer de l'or en combinant ce qu'ils pouvaient connaître de l'alchimie (bien peu de chose!) et des secrets spagyriques."
En 1953 René Alleau publia aux éditions de Minuit un ouvrage fondamental : Aspects de l'alchimie traditionnelle avec une préface d'Eugène Canseliet. C'est d'ailleurs Alleau qui, en 1948, prononça une série de conférences sur l'alchimie auxquelles assista André Breton, et qui eurent un profond retentissement sur le chef de file des surréalistes. On doit au même auteur la collection Bibliothica hermetica.
Selon Serge Hutin :
« Les alchimistes (…) étaient des 'philosophes' d'un genre particulier qui se disaient dépositaires de la Science par excellence, contenant les principes de toutes les autres, expliquant la nature, l'origine et la raison d'être de tout ce qui existe, relatant l'origine et la destinée de l'univers entier. »
selon René Alleau (1953)
« Il convient surtout de considérer l'alchimie comme une religion expérimentale, concrète, dont la fin était l'illumination de la conscience, la délivrance de l'esprit et du corps (…). Ainsi l'alchimie appartient-elle plutôt à l'histoire des religions qu'à l'histoire des sciences. »