Affaire de la station de métro Charonne - Définition

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Introduction

Inauguration de la place du 8 février 1962, allocution de Bertrand Delanoë, maire de Paris, Paris, France

À l'appel du Parti communiste français et d'autres organisations de gauche, une manifestation est organisée à Paris le 8 février 1962, pour dénoncer les agissements de l'OAS ainsi que la guerre d'Algérie. Étant donné le contexte des plus tendus et l'état d'urgence décrété en avril 1961, cette manifestation est interdite. Avec l'accord du ministre de l'intérieur Roger Frey et du président de la République Charles de Gaulle, le préfet Maurice Papon donne l'ordre de réprimer cette manifestation. Parmi les manifestants qui essayèrent de se réfugier dans la bouche de la station de métro Charonne, huit personnes y trouveront la mort, étouffées ou à la suite de fractures du crâne, ainsi qu'une neuvième à l'hôpital, des suites de ses blessures.

Contexte

Les manifestations contre la guerre d'Algérie en 1960

Jusqu'en 1960, les manifestations contre la guerre d'Algérie ne rassemblaient que quelques centaines de participants, pour l'essentiel, des intellectuels qui dénonçaient la torture et les méthodes expéditives de l'armée française en Algérie. Si beaucoup de ces intellectuels ont rejoint le PSU, à cette époque, la première force anticolonialiste est le Parti communiste français, mais, selon les mots de Jean-Jacques Becker, « sans conteste partisan de l'indépendance de l'Algérie, … il soutient le combat mais ne s'y identifie pas ».

Après la Semaine des barricades à Alger, en 1960, les centrales syndicales, CGT, CFTC, FO, FEN surmontent leurs divergences pour jouer alors un rôle de premier plan dans le mouvement pour la paix en Algérie. Après l'échec des pourparlers de Melun menés dans l'été 1960 entre le gouvernement français et le GPRA, le syndicat étudiant UNEF prend l'initiative de contacter les organisations syndicales pour organiser de vigoureuses manifestations pour inciter le gouvernement à reprendre les négociations. La première manifestation d'une certaine ampleur a lieu le 27 octobre 1960. Un meeting avait été autorisé à la salle de la Mutualité à Paris, mais des milliers de personnes, surtout des étudiants, qui ne peuvent pénétrer dans la salle se heurtent aux forces de police. Des cortèges qui se forment dans le quartier latin sont dispersés à coup de matraquage. Les violences policières touchent également des passants et des journalistes. Selon Jean-Paul Brunet, la répression de cette manifestation révèle la partialité des forces de police qui réagissent beaucoup plus mollement face à des partisans de l'Algérie française.

L'évolution de la situation politique jusqu'en novembre 1961

Au cours des trois premiers trimestres de l'année 1961, l'évolution politique est caractérisée en janvier par la ratification par 75,2 % de votants de la politique d'autodétermination proposée par de Gaulle, en avril par le Putsch des Généraux en Algérie, et enfin par l'ouverture de négociations avec le GPRA à Évian en mai, puis à Lugrin en juillet. De ce fait, les manifestations convoquées pour ne pas laisser retomber l'élan du 27 octobre ne rassemblent que quelques centaines de participants vite dispersés par la police. Les manifestations connaissent plus de succès en automne avec la rupture apparente des négociations entre le gouvernement et le GPRA.

La répression des manifestations des partisans de la paix ne représente qu'un aspect mineur des activités des forces de l'ordre, qui sont engagées dans un conflit frontal avec la fédération de France du FLN. Des policiers sont assassinés par le FLN. Le 5 octobre, dans le département de la Seine, le préfet de police Maurice Papon décrète un couvre-feu pour tous les « Français musulmans d'Algérie » (FMA). La fédération de France du FLN appelle à une manifestation illégale le 17 octobre pour protester contre ce couvre-feu. La répression est d'une extrême violence et causera la mort de plusieurs dizaines de FMA à Paris et en banlieue.

La répression de la manifestation du 17 octobre provoque dans les milieux de gauche un mouvement d'indignation mais qui ne n'engendre aucune riposte massive.

La montée de l'OAS et la reprise des manifestations

À partir de novembre 1961, les manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes reprennent, à l'initiative du PSU, le 1er novembre, des jeunesses communistes et des étudiants du PSU, le 18 novembre, du Mouvement de la Paix le 29 novembre. Pour déjouer les plans de la police, le PSU a mis au point une tactique basée sur des faux points de rendez-vous avec diffusion du vrai point de rendez-vous par des canaux internes une demi-heure seulement à l'avance.

À la suite de l'échec du putsch des généraux en avril 1961, un certain nombre de militaires entrés dans la clandestinité se sont alliés à des activistes pied-noirs pour constituer l'Organisation armée secrète (OAS), surtout active en Algérie, mais qui commence à s'implanter en métropole à partir du mois de juin. Les forces de gauche s'efforcent alors de mettre sur pied des manifestations puissantes à la fois pour stimuler le processus de paix et pour exiger une attitude plus résolue contre l'OAS.

La manifestation du 19 décembre convoquée en région parisienne par la CGT, la CFTC et l'UNEF entre dans le cadre d'une « journée d'action contre l'OAS et pour la paix en Algérie ». La préfecture de police a accepté le principe d'un rassemblement place de la Bastille, mais s'oppose à tout cortège. Le directeur général de la police municipale fera état de 20 000 manifestants. Parmi ceux-ci, certains refusent d'obtempérer aux ordres de dispersion donnés par la police et sont chargés. De jeunes manifestants ripostent. On comptera parmi les forces de l'ordre une quarantaine de blessés. La presse du 20 décembre, y compris France Soir et Paris Jour, est frappée par la généralisation de la violence policière. Parmi la centaine de blessés dénombrés chez les manifestants, on compte deux tiers de femmes.

La presse de droite comme L'Aurore ou Le Figaro reprennent l'argumentaire gouvernemental et désignent les unités de choc du Parti communiste comme responsables de la violence de la manifestation. Des journaux comme Le Monde ou Combat relèvent la contradiction du gouvernement à vouloir « sévir contre les adversaires de l'OAS tout en prétendant la combattre ». Pour Jean-Paul Brunet, le système policier dont les méfaits s'illustreront à Charonne est en place dès le 19 décembre et au sommet de l'État, de Gaulle tient à symboliser un large rassemblement n'excluant d'un côté que l'OAS et les fanatiques de l'Algérie française et, de l'autre, les communistes et leurs alliés. En ces années, précise Brunet, de Gaulle assume seul la politique générale du pays, mais aussi ses modalités pratiques et, plus particulièrement, l'interdiction des manifestations.

Au début de l'année 1962, sous l'impulsion d'André Canal, l'OAS multiplie les attentats en région parisienne. Le 4 janvier, un commando en voiture mitraille l'immeuble du Parti communiste, place Kossuth, blessant grièvement un militant au balcon du 2e étage. La manifestation communiste de protestation du 6 janvier se déroule sans incident notable. Dans la nuit du 6 au 7 janvier, c'est le domicile de Jean-Paul Sartre qui est l'objet d'un plasticage. Le 24 janvier, on compte 21 explosions dans le département de la Seine, visant des personnalités ou des organisations supposées hostiles. Ces actions de l'OAS renforcent la confiance que les Français portent à de Gaulle. En décembre 1961, un sondage montre que l'OAS ne bénéficie d'une certaine sympathie qu'auprès de 9 % d'entre eux. Avec le recul de l'Histoire, il est apparu que l'OAS-Métropole n'a jamais eu une réelle stratégie de prise de pouvoir mais, en ce début de l'année 1962, les plasticages qui se multipliient laissent entrevoir la menace d'une guerre civile et comme l'analyse Brunet, les contemporains hostiles à l'OAS n'ont que l'alternative d'une confiance passive en de Gaulle ou la mobilisation militante dont l'efficacité reste à démontrer. Au lendemain de Charonne, le 15 février, un article signé Regulus dans L'Express tentera d'expliquer que la politique du gouvernement et plus particulièrement du ministre de l'Intérieur Roger Frey est sous-tendue par l'idée que l'armée ne basculera que si le pouvoir apparaît incapable de faire face à la menace communiste dénoncée par l'OAS.

Le 15 janvier, le PSU crée le GAR (Groupe d'action et de résistance), structure clandestine qui rassemble quelques centaines de militants et qui couvre les murs de Paris de son sigle. Le 26 janvier, plusieurs formations politiques de gauche parmi lesquelles la SFIO, le Parti radical, la LICRA consituent un « Comité national d'action contre l'OAS et pour une paix négociée ». Le 5 février, au cours d'une conférence de presse, de Gaulle stigmatise ces « agitateurs qu'il faut réduire et châtier » tout en relativisant leur action. Il ajoute que c'est au gouvernement de faire face à la situation.

De fait, un quadrillage policier est mis en place dans Paris, ce qui n'empêche que, dans l'après-midi du 7 février, dix charges plastiques explosent au domicile de diverses personnalités : deux professeurs de droit, Roger Pinto et Georges Vedel, deux journalistes, Pierre Bromberger, du Figaro, et Vladimir Pozner, blessé grièvement, deux officiers, le sénateur communiste Raymond Guyot dont la femme est blessée. Un dernier attentat qui vise André Malraux défigure une fillette de 4 ans, Delphine Renard.

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