Affaire Louis Mailloux - Définition

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Introduction

L'affaire Louis Mailloux est une série d'événements violents assimilés à une jacquerie ayant secoué la ville de Caraquet, au Nouveau-Brunswick (Canada), en janvier 1875.

La loi 87, votée en 1871, vise à réformer le système d'éducation public de la province, en abolissant entre autres les écoles confessionnelles et améliorant le financement. Cette loi cause la Question des écoles du Nouveau-Brunswick qui, durant quatre ans, occasionne de nombreux problèmes politiques dans la province et dans le reste du Canada.

Caraquet devient l'une des villes ayant la plus forte opposition. La situation précaire d'une partie de la population, exacerbée par le contrôle d'une minorité de marchands anglophones, dégénère en janvier 1875. Plusieurs émeutes et manifestations, liées ou non entre elles et à la question scolaire, ont lieu. La police intervient à l'aide d'une milice et est plus tard rejointe par l'armée. Le 27 janvier, une fusillade a lieu dans la maison d'André Albert. Deux personnes, John Gifford et Louis Mailloux, y trouvent la mort.

Après une enquête expéditive, plusieurs procès sont organisés pour les émeutes et la mort de John Gifford, ignorant ainsi Louis Mailloux. Ces procès sont teintés de parti pris, de vices de procédures et de coups de théâtre. Au final, toutes les accusations sont rejetées dans l'affaire et les accusés sont libérés, cependant les événements auront déchiré la province.

Plus d'un siècle plus tard, les opinions sur ces événements sont toujours mitigées et causent des controverses. Par contre, l'affaire Louis Mailloux est bien présente dans la culture acadienne et a donné lieu à plusieurs œuvres musicales et théâtrales.

Contexte

Contexte politique

État de l'éducation au Nouveau-Brunswick

L'éducation publique au Nouveau-Brunswick a suivi une lente évolution depuis son implantation en 1819. Le réseau faisait face à un problème de financement, d'accès et de qualité, en plus d'un manque d'intérêt de la population. La Loi des écoles de paroisse de 1858 tente de rendre l'éducation plus accessible et d'en augmenter la qualité, en plus d'instaurer l'élection de trois syndics (commissaires) scolaires au niveau des paroisses civiles. Des imprécisions dans la loi causent une prolifération des écoles confessionnelles dans la province. Par ailleurs, le financement des écoles reste la responsabilité des parents des élèves inscrits, signifiant que les populations plus pauvres ont tendance à avoir une mauvaise éducation. Pendant plusieurs années, la Confédération canadienne, le Chemin de fer Intercolonial, la fin du Traité de réciprocité canado-américain et les Raids féniens monopolisent la politique du Nouveau-Brunswick, au détriment de l'éducation.

Loi des écoles communes

Édifice de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, à Fredericton.

En 1869, le premier ministre George Edwin King prépare un projet de loi destiné à réformer le système d'éducation de la province. Face à l'opposition des principaux journaux catholiques, soit Le Moniteur acadien et The Morning Freeman, et aussi pour éviter de perdre le pouvoir, King retire son projet juste avant l'élection de 1870 et est réélu. Le projet de loi est réintroduit à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick en 1871. La Loi 87, ou Loi des écoles communes, (officiellement Common School Act en anglais), instaure les commissions scolaires et une taxe scolaire, rend les écoles non confessionnelles et interdit les symboles religieux. Malgré l'opposition de certains députés et une bataille médiatique, le projet de loi est adopté le 5 mai 1871.

Question des écoles du Nouveau-Brunswick

Le premier ministre du Canada John A. MacDonald en 1868, archives nationales du Canada.

Un mouvement se forme pour protéger les écoles catholiques, avec comme chefs de file les évêques Sweeney et Rogers. L'affaire se déplace à la Chambre des communes du Canada. Le premier ministre John A. Macdonald refuse de défendre les catholiques, prétextant le partage des pouvoirs qui garantit le contrôle de l'éducation aux provinces. Les députés sont divisés à ce sujet, un amendement de la Constitution est proposé et le gouvernement du Nouveau-Brunswick sous-entend quitter la Confédération si le débat continue. Une motion de défiance est lancée contre Macdonald, mais n'a pas d'effet et les députés conservateurs du Québec, le parti du premier ministre, se rangent derrière leur chef. À l'élection de 1872, les conservateurs perdent 7 députés au Québec, dont George-Étienne Cartier, mais Macdonald est tout de même reporté au pouvoir. Cette élection favorise le nationalisme québécois, avec entre autres la victoire d'Honoré Mercier. Ce dernier livre le 14 mai 1873 un discours patriotique pour la cause des catholiques du Nouveau-Brunswick, qui rallie la plupart des députés Canadiens français. Une motion proposée par John Costigan demande d'envoyer l'affaire devant le Comité judiciaire du Conseil privé, à Londres. La motion est votée le 15 mai 1873, qui, avec le Scandale du Pacifique, force Macdonald à donner le pouvoir au Parti libéral d'Alexander Mackenzie. Lors de l'élection de 1874, Honoré Mercier n'est pas autorisé à être candidat libéral, malgré sa défense des catholiques. Le gouvernement de Mackenzie sort vainqueur de l'élection et écarte aussitôt Anglin du débat, en le nommant Président de la Chambre des communes ; aucun catholique du Nouveau-Brunswick n'est à présent membre du cabinet. De plus, le Discours du Trône ne fait aucunement mention de la Question des écoles. Le 17 juillet 1874, les membres du Comité judiciaire du Conseil privé déterminent qu'ils n'ont rien à voir avec l'application de la Loi 87.

Entretemps, l'opposition catholique au Nouveau-Brunswick est réprimée.

Contexte socioéconomique

Société caraquetoise

Caraquet, vers 1900.

La ville de Caraquet a été fondée par deux principaux groupes de pionniers : les premiers, des Acadiens rescapés du Grand Dérangement, s'établirent à l'ouest de la ville à partir de 1757. Ils pratiquent surtout l'agriculture, une activité encouragée par le clergé. Le second groupe, établi à l'est de la ville, est composé de rescapés de la bataille de la Ristigouche, de gens originaires de Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, pour la plupart d'origine normande, ainsi que de quelques Micmacs. Ceux-ci pratiquent surtout la pêche et contribuent à la plus grande partie de l'approvisionnement en nourriture de la ville.

Pendant environ 50 ans, les deux groupes se détestent et aucun mariage n'est célébré entre les deux groupes de familles fondatrices. Au début du XIXe siècle, la présence des pêcheurs attira un troisième groupe d'habitants, anglophones et protestants cette fois, provenant du Royaume-Uni et de Jersey. Le nombre augmente à l'arrivée de la Charles Robin Company en 1837. Les marchands s'installent dans le centre de la ville et construisent magasins, hangars et grandes maisons, des quais et autres infrastructures portuaires. En 1871, lors de l'éclatement de la question des écoles, Caraquet compte 3 111 habitants, dont 79 anglophones.

Malgré leur faible nombre, les marchands anglo-protestants profitent de leurs liens avec la majorité anglophone de la province pour occuper différents postes gouvernementaux. Les marchands installent aussi un système de double monopole auprès des pêcheurs, qui sont payés avec des jetons pouvant uniquement être échangés dans les magasins de la compagnie. Lorsque le pêcheur n'a plus de jetons durant l'hiver, il achète à crédit. Les pêcheurs étant obligés de choisir entre les Robin, Rive, Young et Fruing qui utilisent tous la même méthode, ce qui crée une dépendance des habitants de l'est de la ville. C'est pour cette raison que le clergé encourage la population à pratiquer l'agriculture.

Élites caraquetoises

Robert Young, marchand et homme politique influent.
Joseph Pelletier, curé.

Vers la fin du XIXe siècle, le Caraquetois le plus influent est Robert Young (1834-1904), établi en ville depuis 1851 pour diriger la succursale de l'entreprise de son père, James Young, de Tracadie. Young épouse Sarah Hubbard le 23 décembre 1857. Il est élu à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick en 1861 puis réélu en 1865 et 1866. Il ne se présente pas à l'élection de 1870, où Théotime Blanchard et Napier l'emportent. Young est nommé au Conseil législatif en 1867 et reste président jusqu'en 1883. Young est un fervent opposant à la Confédération canadienne et a appuyé sans succès John Meahan contre Timothy Anglin dans Gloucester, ce dernier étant venu à l'invitation du curé Joseph Pelletier.

James G.C. Blackhall (1827-1910) est né à Caraquet, de parents écossais. À la mort de son père John, survenue en 1857, il hérite de toutes ses fonctions civiles et devient alors juge de paix, maître des postes, officier des douanes, coroner, etc.

Philippe Rive est né à Saint-Pierre, à Jersey, en 1838. Il a émigré à Caraquet pour ouvrir un commerce de pêche et devient de plus consul de Norvège. Il épouse l'institutrice Catherine Dwyer, de Rexton, le 15 novembre 1876.

Joseph Pelletier est né en 1828 à Kamouraska, au Québec. Ordonné prêtre en 1853, il arrive à Caraquet en 1869. Il ouvre un couvent en 1874, dont il offre la direction à la Congrégation Notre-Dame de Montréal. Il est l'un des principaux opposants à la Loi 87 et fait la promotion d'un système d'écoles séparées pour la minorité catholique, comme ce qu'il se fait déjà au Québec pour la minorité protestante.

Théotime Blanchard est un instituteur né à Caraquet en 1844. Il est élu à l'Assemblée législative en 1870 et appuie le curé Pelletier. Il incite les citoyens de sa ville à ne pas payer la taxe scolaire.

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