Un calendrier non grégorien !

Biologie, géologie, histoire naturelle, etc...

Modérateur : Modérateurs

protagoras

Un calendrier non grégorien !

Message par protagoras » 13/05/2020 - 18:07:54

Bonjour,
Lors d'un long séjour à Phnom Pen, je suis allé à la bibliothèque du Palais Royal pour me renseigner à propos du calendrier cambodgien dont un ami Khmer m'en avait mis l'eau à la bouche dès qu'il m'en eut dit quelques mots.
J'ai fini par dégotter un vieux bouquin bilingue et ai pu ainsi me lancer dans l'aventure.
Je ne me doutais pas de ce que j'allais trouver !
Voici mes notes retrouvées dans ma bibliothèque dont le désordre illustre la croissance de l'entropie :

Le calendrier cambodgien.
Le calendrier cambodgien présente une grande complexité parce qu’il a subi les influences les plus diverses et qu’il combine dans un apparent désordre des éléments incohérents, mais avec un peu d’habitude, on finit par s’y retrouver à condition de connaître les sources de ses éléments.
Le calendrier cambodgien est un calendrier luni-solaire d’origine Hindoue. L’année est solaire et commence avec l’entrée du soleil ans le signe du Bélier correspondant à notre zodiaque ; les mois sont lunaires et comptent alternativement 29 ou 30 jours. En vue de remédier au décalage entre cette année lunaire de 354 jours et l’année solaire de 365 jours et éviter que le nouvel an, c’est-à-dire le début de l’année solaire, passe successivement par tous les mois, on ajoute un mois intermédiaire en doublant le mois de Asathou huitième mois.
Le nouvel an cambodgien tombe toujours, sauf de rares exceptions, le 13 avril. L’intervalle entre deux débuts d’années (chaul chnam) équivalent à une année solaire, correspond à une de nos années de 365 jours, et le jour de l’an tombe régulièrement sur la même date du calendrier grégorien à un ou deux jours près. Pourquoi maintenant le nouvel an cambodgien tombe-t-il dans le cinquième mois (chêt) de l’année cambodgienne et éventuellement dans le début du sixième (pisat) et non dans le premier ? Ou, ce qui revient au même, pourquoi le mois dans lequel tombe le nouvel an est-il numéroté cinq et non un ? C’est parce que cette numérotation des mois a une source différente : elle est d’origine siamoise et correspond à une année lunaire commençant vers le solstice d’hiver, et non a une année solaire vers l’équinoxe du printemps. On notera que contrairement aux Siamois qui ne désignent les mois que par leur numéro et ignorent dans l’usage parlé les noms des mois lunaires Hindous tirés des constellations parcourues par la Lune.
Voyons maintenant la question des éres.
La grande ère Mahasakrach qui commence en 621 de l’ére bouddhique ou 79 de l’ére chrétienne, porte dans l’Inde le nom Skarâja ou ére du roi Skas. Les Sakas, c’est-à-dire les Scythes, à la suite de leurs invasions dans l’Inde dans le dernier siècle avant l’ère chrétienne ont laissé dans le nord ouest du pays plusieurs dynasties, dont l’une, celle Kshatrapas ou Satrapas, a fondé l’ère de 79 en commémoration d’un événement dont l’origine n’est pas certaine. Cette ère des rois Sakras s’est répandue dans toute l’Inde.
La petite ère, Cholasakrach, qui commence en 1881 de l’ère bouddhique, est d’origine birmane.
Le calendrier cambodgien est plein de fantaisies dues à ce qui précède.
En plus du millésime exprimé dans une des deux ères bouddhiques grande ou petite, chaque année porte le nom d’un des douze animaux du cycle duodénaire et d’un numéro d’ordre dans un cycle de 10 ans. La combinaison de ces deux cycles constitue un grand cycle de 60 jours , d’origine extrêmement ancienne, sans doute babylonienne au bout duquel le même animal est associé au même numéro de la décade, 60 étant le plus petit commun multiple de 10 et de 12. Ce qu’il y a de remarquable c’est que, tout en adoptant ce système qui semble bien avoir été introduit dans leur pays par les Chinois, les Cambodgiens n’ont pas gardé les noms chinois des années cycliques, mais ne leur ont pas donné non plus des noms tirés de leur propre langue : les noms des années comptées dans la décade sont hindous, et ceux des animaux sont empruntés à un dialecte indéterminé apparenté à l’annamite ou au muong.
Enfin, pour mettre le comble à cette complication, non seulement l’année ne change pas son millésime et ses deux noms cycliques le même jour. Le millésime et l’année comptée dans le cycle de dix ans changent deux ou trois jours après le jour du nouvel an ou thngai-chaul , au jour dit hngait-long-sak. Mais le nom de l’animal du cycle duodénaire change au premier jour du cinquième mois ou mois de chét quel que soit la date du nouvel an. De telle sorte que pendant cette période l’année conserve son ancien millénaire et son ancien numéro dans la décade, mais porte déjà le nom du nouvel animal cyclique.
Le calendrier cambodgien se présente ainsi comme une sorte de bric à brac qui a précieusement conservé d’antiques traditions hindoues, mais y a surajouté toute sortes d’éléments d’origines siamoises, chinoises, birmanes sans chercher à les fondre en un ensemble harmonieux.

Cordialement.

NB. Il y a longtemps de cela, c'est pourquoi apparaît le mots Siam et non Thaïlande.

Répondre