Un essai du Sieur Grisbiche:
La cuisine est un sport à haut risque, ma stupidité s’est chargé de me le rappeler.
Je n’aurais jamais cru que six malheureuses asperges puissent jouer les cent turions…
Elles s’étaient pourtant laissé éplucher docilement et n’avaient pas renâclé pour plonger dans l’eau bouillante salée.
Après, ça se gâte. Je pose un plat sur la plaque à côté du feu où elles cuisent, le recouvre d’un torchon, et extrais avec la pince une asperge afin de la piquer de la pointe d’un couteau pour vérifier sa cuisson.
C’est bon, la chair en est encore légèrement al dente, il me faut toutes les sortir à l’instant. J’entreprends de rapprocher plat et casserole : moins de fatigue et moins d’eau répandue.
Mais voilà, je tiens de la main gauche à la fois le bord du plat et le couteau que je n’ai pas pris la peine de lâcher dans ma précipitation, de la main droite j’empaume à la fois la queue de la casserole et la pince.
Bon, je ne suis pas clair… Bien, comme l’a dit le pince-oreille de champs de bataille, un bon piètre crobar vaut mieux qu’un long baratin.
Alors voici :
L’on remarquera que, tel la baronne de La-Tronche-en Biais, je cuisine le petit doigt en l’air.
Mais tel n’est pas mon propos, revenons à mes asperges…
Je tire le plat vers moi. Geste malheureux ! J’ai oublié que la pointe du couteau est dirigée vers moi.
Je sens le surin commencer à vouloir m’entrer dans le lard. Mais c’est que ça fait mal ! Je réagis par un sursaut qui me fait renverser la moitié de l’eau bouillante, heureusement sur le dessus du fourneau et non sur mon doux abdomen.
Que serait-il advenu si j’avais choisi une arme plus acérée… J’imagine Mme Grisbiche me découvrant allongé sur le carrelage, saigné et ébouillanté, au milieu de taches boudinesques, et s’exclamant : « Il est encore plus khon mort que vivant ! ». Oui je l’imagine harcelée sans ménagement par un policier en mal d’avancement se refusant à admettre la thèse de l’accident.
« Et ces champignons qui trainent, non contente de l’éventrer, de l’ébouillanter, vous l’avez aussi empoisonné. Vous êtes un monstre, Madame ! »
Dieu soit loué, je m’en tire avec une égratignure.. Les asperges sommeillent en toute sérénité sur la couche que je leur ai préparée.
Quant aux champignons, ce sont des morilles. Elles vont atterrir sur une poêle bien chaude, dans moult beurre et un peu d’huile d’olive, en compagnie d’une petite poignée de cive ciselée et de lardons découpés dans une mince tranche de ventrèche. Puis ce mélange va être versé sur des œufs brouillés.
Pour cuire les œufs brouillés, j’ai utilisé la technique prônée par Gordon Ramsey, qui consiste à disposer les œufs non battus avec le morceau de beurre dans le récipient de cuisson (une petite sauteuse bombée) avant de poser épisodiquement sur la flamme tout en brassant avec une maryse.
Je dois dire que cette méthode fonctionne à merveille !
Bien entendu, j’ai été très prudent en procédant au transfert dans les assiettes. Et, chat échaudé craignant l’eau froide, Grisbiche piqué craint toute pointe. Je me suis bien gardé d’orienter vers moi toute extrémité acérée, fusse-t-elle celle d’un brin de ciboulette. Des fois que je me la soit mise dans l’œil, maladroit comme je suis !...Dommage que les images soient inaxessibles...