Un service public est une activité considérée comme étant d'intérêt général. Cette notion faisant appel à une appréciation pouvant être élargie ou rétrécie à volonté, elle ne permet pas de donner une définition parfaite et objective du service public. En réalité est service public ce que la puissance publique définit politiquement comme tel, dans le but soit de lui appliquer des règles spécifiques, soit de l'intégrer directement dans le secteur public.
Les activités d'un service public sont donc soumises sur certains points à un régime juridique spécifique. Mais pour compléter la distinction entre service public et secteur public, on notera qu'une collectivité publique (État, collectivité territoriale) a le choix entre
Concernant les fonctions de service public remplies par le secteur public, on distingue de ce fait :
La raison généralement avancée dans ce dernier cas est un besoin d'intérêt général essentiel ou stratégique dont la nature est considérée non compatible avec le fonctionnement normal du marché. Sont citées par exemple certaines infrastructures uniques ou essentielles, nécessaires au fonctionnement des entreprises publiques comme privées : routes, voies ferrées principales, ports, troncs communs de réseaux téléphonique fixe)...
Dans l'Europe médiévale, la majeure partie de la population étaient des serfs, dominés par le seigneur. Celui-ci assurait la protection contre les invasions, et percevait en échange un impôt en nature. Néanmoins, certaines actions des rois (charité, hôpitaux) échappent à ce concept. Le colbertisme marque également un souci de faire intervenir l'état.
Avec le siècle des Lumières est née la notion de contrat social, qui se concrétisa à la Révolution française : le dirigeant n'est alors plus vu comme un maître, mais comme un organisateur à qui l'on a délégué la gestion et l'administration des biens communs. L'impôt sert alors à assurer cette gestion.
En France, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les missions de service public sont fréquemment effectuées par des entreprises privées. Vers la Seconde Guerre mondiale, des entreprises publiques sont créées pour effectuer une partie importante du service public (comme par exemple la SNCF en 1938), des entreprises privées continuant à assurer un service public par délégation.
Certaines activités ont toujours été assumées par l'État ou ce qui en tenait lieu au Moyen Âge, le roi. C'est pour cette raison qu'on les nomme fonctions régaliennes. Ainsi :
Ces fonctions sont généralement considérées comme difficiles à sous-traiter à des sociétés privées, même en faisant abstraction des problèmes éthiques que poserait une telle sous-traitance.
Néanmoins, la fixation de ce qui relève du domaine public, du secteur privé, ou d'une éventuelle combinaison des deux, relève d'un certain arbitraire et varie d'ailleurs selon les pays. Elle évolue aussi dans le temps en fonction de décisions politiques où interviennent à des degrés divers :
L'évolution de la société peut aussi faire émerger le besoin de nouveaux services publics, comme elle peut en rendre certains inutiles.
L'expression service public correspond à une notion particulièrement développée en France pour des raisons historiques, même si elle désigne souvent, au pluriel, les administrations et certaines entreprises publiques.
La notion de " service public " est internationale et très bien développée dans le monde anglo-saxon. On peut trouver beaucoup d'informations et de rapports sur les liens entre services publics et privatisations sur les sites Public Services International et Center for Public Services
En France, " service public " peut désigner autant le concept général, objet de cet article, qu'un type de service, par exemple la distribution de l'électricité, ou même l'entreprise qui assure ce service, par exemple EDF (Électricité De France). L'ouverture des monopoles publics, sous la pression de l'Union européenne, devrait contribuer à clarifier ces notions (cf. le Livre blanc sur les services d'intérêt général).
Note : la plupart des exemples cités sont issus du contexte français.
On confond souvent le " service public " avec les grandes " entreprises publiques " nationales comme la SNCF ou EDF. Or, un service public peut :
On a tendance également à confondre service public et monopole. Or de nombreux services publics sont exercés dans un cadre concurrentiel : par exemple les communications électroniques, l'audiovisuel... Dans certains cas, il y a effectivement monopole quand le service utilise des infrastructures qu'il serait trop onéreux, voire absurde de dupliquer pour introduire la concurrence : cela correspond à une situation de monopole naturel. C'est le cas par exemple du réseau ferroviaire, des réseaux de transport et de distribution de l'électricité, de la distribution du courrier ... La legislation et la jurisprudence européenne parlent dans ce cas de droits exclusifs et spéciaux.
L'Union européenne, dans ses traités, ne mentionne explicitement le service public que dans le cadre des transports (article 73 CE). La législation et la jurisprudence européennes utilisent habituellement des concepts jugés plus précis et indépendants du pays :
Il n'existe pas de réglementation des SIG dans leur ensemble au niveau européen. Le terme ne désigne d'ailleurs parfois que les seuls SIG non marchands. Les SIG restent donc de la compétence des États membres ou des collectivités locales. La Commission a toutefois reconnu que les services d'intérêt général " sont au cœur du modèle européen de société " (communication du 26 septembre 1996).
L'Union européenne s'intéresse en revanche de près aux SIEG, plusieurs fois mentionnés dans les traités (art. 16, 73, 86, 87 CE), sans toutefois les définir très précisément. La Commission et la Cour de justice tentent de concilier, dans le cadre des SIEG, le respect des missions de service public avec le principe de libre concurrence, principe fondamental de la politique économique de l'Union européenne. C'est dans ce cadre que la Commission mène une politique de libéralisation des principaux services dits " d'intérêt économique général " (SIEG). Les principaux secteurs concernés sont : l'énergie (gaz et électricité), les transports (tous modes), les services postaux et les télécommunications.
Elle veille tout particulièrement à ce que les financements de service public par les États ne faussent pas le jeu de la concurrence, en particulier sur les points suivants :
Certains services ont été reconnus comme services d'intérêt général par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. À titre d'exemple, la Cour a reconnu comme SIEG (dans certaines conditions précises) :
Pour permettre l'introduction de la concurrence dans les services, la Commission pousse à la scission de la gestion des infrastructures (lorsque celles-ci relèvent d'un monopole naturel) de l'exploitation des services, tous les exploitants devant se voir reconnu un droit d'accès égal à l'infrastructure. C'est ce qui a été fait pour les télécommunications (au niveau de la boucle locale, sans que soit imposée la séparation des activités de réseau et de fourniture), l'énergie (gaz et électricité), les chemins de fer, les ports et aéroports.
Le financement des SIEG est laissé à l'appréciation des États : il peut provenir soit d'une redevance perçue auprès des usagers, soit d'une compensation de service public allouée par l'État, soit d'une péréquation entre activités rentables et non rentables de l'exploitant, soit de ressources commerciales complémentaires (exemple des ressources publicitaires pour la télévision), soit d'une combinaison de ces différentes ressources.
En France, les activités de service public peuvent être classées en trois catégories :
Quand ils assurent conjointement des services du secteur marchand (voir infra), les organismes publics correpondants relèvent à la fois du droit administratif et du droit commercial.
Les établissements publics, dit industriels et commerciaux qui assurent certains de ces services, quelquefois conjointement à des services non marchands, relèvent à la fois du droit administratif et du droit commercial.
L'organisation des services publics en Allemagne (Daseinsvorsorge) est géographique et non sectorielle : alors que, en France, une entité nationale gère en général de manière centralisée le service public d'un secteur donné (avec des exceptions comme la gestion de l'eau), ce sont des entreprises municipales (Stadtwerke) qui gèrent un ensemble de services publics de plusieurs secteurs différents.
Dès le début du XIXe siècle les collectivités locales ont commencé à fournir des services publics sans intervention de l'État. Elles ont confié par la suite la gestion de ces services à des établissements publics. La gestion de ces services publics s'est organisée de manière transversale à plusieurs secteurs afin de bénéficier par exemple d'un accès plus aisé aux sources de financement.
L'intérêt principal d'un service public assuré par un État est qu'il fournirait un service que ne pourraient rendre dans les mêmes conditions des acteurs privés. En revanche, la gestion publique de certains secteurs économiques peut conduire à des monopoles d'État pouvant, selon les libéraux, nuire à l'émulation et l'efficacité : le service rendu serait de moindre qualité et plus cher que s'il était soumis à la concurrence . Toutefois, un monopole d'État pourrait à l'inverse être avantageux pour l'usager (consommateur ou client dans le secteur privé) dans la mesure où le but de la structure d'État n'est pas d'être rentable, de gagner de l'argent, mais de fournir un service d'une certaine qualité pour la collectivité.
Certains voient comme avantage du monopole public la suppression des coûts de concurrence (publicité, doublons). Les ressources seraient ainsi occupées à améliorer le service par la recherche et l'investissement, du fait d'un compromis sur le prix du service s'il est facturé directement (il pourrait dans certaines situations être financé par le budget de l'État ou être intégré dans la partie socialisée du salaire). L'émulation peut venir de la coopération avec des services publics étrangers.
Certains attribuent à la pensée libérale de graves menaces sur les services publics, celles-ci visant à les restreindre et les soumettre à la concurrence. Cette volonté, mais aussi le souci des États de ne pas dépendre d'entreprises qui appartiendraient à d'autres États, ni de se trouver face à une concurrence déloyale de ceux-ci, se traduit par des traités internationaux, comme l'AGCS qui conduit à la suppression progressive par commun accord des gouvernants de certains types de services publics. Selon cet accord, ces privatisations sont irréversibles.
Une autre question concerne le périmètre géographique d'un service public ce qui est lié à la question de la régionalisation et des zones économiques transnationales (Union européenne), voire mondiale.