Le transformisme est une théorie biologique dont l'histoire remonte à l'époque où Jean-Baptiste de Lamarck énonça sa fameuse théorie sur l'évolution des espèces.
Elle désigne aujourd'hui indifféremment toute théorie impliquant une variation (ou transformation) des espèces au cours de l'histoire géologique. On peut en cela l'opposer au fixisme, et donc au créationnisme et à ses différentes variantes (théorie des créations ponctuées, par exemple)
En plus de la problématique scientifique du grand âge de la terre causant plusieurs conflits inévitables avec l’interprétation littérale de la Bible, une autre grande problématique irrésolue à cette époque fut la question des fossiles et l’extinction des formes de vie. En effet, avec l’intensification des études, il était devenu évident que de nombreuses espèces fossiles étaient différentes des espèces vivantes d’aujourd’hui. Mais la problématique devient inévitable lorsque l’on découvrit au XVIIIe siècle des mammifères fossilisés, tel que les mastodontes en Amérique du Nord et les mammouths en Sibérie.
Pour plusieurs théologiens naturels déistes les extinctions étaient inconcevables, car le concept de plénitude ne s’accordait pas avec ces dernières, Dieu ayant créé toutes les espèces vivantes possibles ne permettrait pas que l’une d’elles disparaisse. Pour les autres naturalistes majoritairement théistes, la problématique des extinctions n’était pas plus claire, puisque Dieu ne pouvait intervenir sur terre et modifier ou créer quoi que ce soit. Il devait alors soit postuler une loi établie dès la création du monde expliquant la constante extinction d’espèces anciennes et apparition de nouvelles espèces au cours du temps géologique ou tout simplement nier ces dernières. On tenta alors plusieurs hypothèses au cours du XVIIIe et du XIXe siècle.
Une explication très populaire voulait que les extinctions d’espèces aient été causées par le Déluge ou une quelconque catastrophe. Cependant, le fait que plusieurs espèces disparues furent aquatiques discréditait cette théorie. Malgré tout c’est dans une voie semblable, le catastrophisme, que plusieurs naturalistes, tel que Georges Cuvier (1769-1832) ou Louis Agassiz (1807-1873), tentèrent d’expliquer le phénomène des extinctions. Une seconde explication était que les espèces supposées éteintes pouvaient survivre ailleurs dans quelque région encore inexplorée du globe. Finalement, certains expliquèrent les extinctions en disant qu’elles avaient été l’œuvre de l’homme surtout dans le cas du mammouth et du mastodonte.
Il a fallu attendre que Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) énonce sa théorie transformiste pour qu’une nouvelle hypothèse vienne s’inscrire dans l’histoire. En effet, Lamarck était lui aussi concerné par le problème des extinctions. Et c’est en introduisant les données géologiques et le facteur temps, dû au grand âge de la terre, qu’il cerna la faille de la théologie naturelle. Selon lui, on ne pouvait plus maintenir l’idée selon laquelle les organismes ont été créés parfaitement adaptés à leur environnement, puisque la terre s’était continuellement modifiée. Conséquemment, les espèces, se devant d’être en équilibre avec leur environnement pour survivre, devaient aussi changer, car les adaptations, dans de telles conditions de changements géologiques, ne pouvaient être maintenues que si les organismes s’ajustaient constamment aux circonstances, c’est-à-dire évoluaient. Il rejetait ainsi la notion de pré-adaptation pour une adaptation par transmission des acquis. Par le fait même, les extinctions devenaient un pseudo problème puisque finalement les espèces fossilisées que l’on croyait éteintes existaient encore, elles avaient tout simplement changé dans de telles proportions qu’on ne les reconnaissaient plus, excepté lorsque l’on pouvait suivre dans une série ininterrompue de fossiles une évolution se déroulant de manière extrêmement lente.
Et c’est précisément de cette manière que plusieurs historiens expliquent le revirement de positions que Lamarck effectue entre son Discours d’ouverture pour son cours annuel sur les invertébrés en 1799 et celui de 1800. En effet, Lamarck, alors essentialiste, adopta des positions fixistes dans ses travaux pendant une trentaine d’année avant de modifier radicalement, vers 55 ans, sa vision du monde, et à devenir le premier fervent défenseur du transformisme en France, théorie à cette époque radicalement révolutionnaire et à contre-courant. Qu’est-ce qui pourrait expliquer le revirement de paradigme de Lamarck en 1800 ?
Selon Ernst Mayr (1904-2005), le fait est qu’à la fin des années 1790, Lamarck accepta de prendre en main la collection d’invertébrés du Muséum de Paris, à la mort de son ami Jean-Guillaume Bruguière (1750-1798), et que cette collection impressionnante contenait à la fois des mollusques récents et d’autres fossilisés. Lors de ces études sur cette collection, Lamarck réalisa que plusieurs espèces actuelles de moules et de mollusques possédaient des ressemblances étonnantes avec certaines espèces fossiles considérées éteintes.
Effectivement, il était souvent possible de ranger les fossiles des couches anciennes et récentes du tertiaire selon une série chronologique se terminant par une espèce actuelle. Dans le cas où le matériel était complet, il était même possible d’établir des séries phylétiques virtuellement sans rupture. La conclusion devint inévitable que de nombreuses séries phylétiques avaient subi un changement lent et graduel au cours du temps.
Ainsi, pour Lamarck, le changement évolutif était donc la seule réponse logique au problème des extinctions. Il eut donc le mérite d’être le premier à élaborer une théorie scientifique systématique de l’évolution de la vie qui formule, en postulant l’origine de la vie sur terre suite à une génération spontanée, une progression graduelle des organismes les plus simples vers les plus complexes ou organisés – soit l’homme dans la vision de Lamarck - pour expliquer les transformations des êtres vivants. Ainsi, l’image linéaire de la Grande Chaîne des Êtres est, pour une première fois, remplacé par celles d’un arbre buissonnant, car Lamarck postule deux principaux troncs évolutifs, l’un pour le règne végétal, l’autre pour le règne animal. Cependant, le processus de branchement pour Lamarck est un processus d’adaptation et non pas, comme dans le cas de Charles Darwin (1809-1882) et des évolutionnistes ultérieurs, un processus capable à lui seul de produire la diversité chez les espèces.
Lamarck considérait que l’on avait besoin d’une théorie afin d’expliquer deux phénomènes bien connus en biologie. Le premier était que les animaux montrent une série graduée de perfectionnement, allant des animaux les plus simples jusqu’à ceux dotés de l’organisation la plus complexes. L’autre phénomène qu’il tentait d’expliquer était l’étonnante diversité des organismes. Dans sa Philosophie zoologique, qu’il publia en 1809, Lamarck discerne fort bien ce qui sépare sa conception de celle du fixisme et du créationnisme. Il formule ainsi deux lois qui, en réalité, ne sont que deux hypothèses intuitives censées rendre compte du mécanisme fondamental du processus évolutif.
La première loi était la capacité des être vivants, suite à l’emploi plus fréquent et soutenu d’un organe quelconque, de développer peu à peu cet organe en fonction de l’emploi qu’on lui réserve, et à l’opposé, de détériorer progressivement les facultés d’un organe si ce dernier n’est pas utilisé. Ainsi en simplifiant, la fonction crée l’organe. Il est intéressant de noter que cette loi d’usage et de non-usage d’un organe était une observation couramment admise à l’époque de Lamarck, et qu’il ne fit que l’exagérer. Dans sa deuxième loi, Lamarck postule sa fameuse thèse de l’hérédité des acquis qui consiste en la possibilité de transmettre à notre descendance les changements organiques ou morphologiques acquis au cours de notre vie en rapport avec la première loi. Lamarck utilisa, pour supporter sa théorie de l’évolution, des exemples aujourd’hui célèbres, tel que l’allongement du cou de la girafe dû à une utilisation soutenu ou l’atrophie des yeux des taupes sous l’influence du milieu.
Suite au développement de sa théorie, Lamarck, en plus de résoudre le problème des extinctions, nota que son explication transformiste était logique pour une autre raison encore. En effet, on savait que la terre avait toujours changé, durant sa longue existence. Mais, puisqu’une espèce se devait d'être en harmonie avec l'environnement pour survivre et son l’environnement changeait constamment, les espèces devaient alors aussi changer afin de maintenir l'équilibre. Lamarck venait de découvrir la faille de la théologie naturelle et du créationnisme en introduisant le facteur du temps géologique de la terre. Il était possible d’imaginer que Dieu avait créé des organismes vivants parfaitement adaptés à leur environnement, mais uniquement dans un monde statique. Cependant, comment des espèces pouvaient-elles rester parfaitement adaptées à un environnement continuellement changeant ? Uniquement, si elles se transformaient en s’adaptant au milieu.
La France dû attendre l’apparition de la théorie transformiste de Lamarck pour qu’un véritable débat sur l’évolutionnisme éclate. Contrairement à Buffon (1707-1788) qui tempérait ses positions, Lamarck n’avait pas peur de l’affrontement. Malheureusement, il en subit durement les conséquences lorsqu’il passa, sans répondre, les dernières années de sa vie martelées par les attaques de Cuvier discréditant sa théorie. Cependant, heureusement pour le transformisme, la mort de Lamarck ne marqua pas la fin de l’évolutionnisme en France, car en 1825, le zoologiste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), fondateur de la tératologie, science étudiant les monstres de la nature, se déclare, dans la lignée de Lamarck, évolutionniste.
Malgré le fait que le transformisme du Saint-Hilaire soit différent du transformisme de Lamarck avec lequel on ne doit pas le confondre, on y retrouve toujours l’idée de l’hérédité des acquis. Geoffroy Saint-Hilaire participera au transformisme principalement dans ce que l’on appellera la controverse des " crocodiles " de Caen contre Cuvier, le célèbre paléontologiste champion du fixisme à l’époque.