Expérience de Marlan Scully - Définition

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L’expérience de Marlan Scully[1] est une expérience de mécanique quantique qui constitue une extension de celle d'Alain Aspect et des fentes de Young en y introduisant ce qui semble être une rétroaction implicite dans le temps.

Schématiquement, deux dispositifs similaires aux fentes de Young sont installés en cascade.

On sait que l'incertitude quantique concernant le passage (éventuel !) de particules par l'une ou l'autre fente

  • n'est levable que par un processus de détection,
  • et subsiste en l'absence de celle-ci non seulement en tant que connaissance de l'expérimentateur, mais bien en tant qu'état du système.

L'idée de Marlan Scully est de ne décider l'intervention de cet observateur qu'au dernier moment, alors que la particule (*) a déjà franchi la première série de fentes.

Les équations de la mécanique quantique imposent à la particule d'avoir vérifié lors du premier passage des conditions qui ne sont pourtant stipulées que postérieurement, par intervention ultérieure du détecteur ou non. En d'autres termes, cette intervention du détecteur semble modifier le passé de la particule.

L'observation confirme pour le moment ce résultat prévu, mais Marlan Scully ne se prononce pas pour le moment sur les enseignements que l'on peut ou non en tirer. John Wheeler se montre moins réservé et tient à ce sujet des propos actuellement controversés sur la modification du passé par des processus d'observation (à moins, selon une autre interprétation du même phénomène, qu'il ne s'agisse d'une définition du présent par le résultat de l'observation de phénomènes passés — voir la théorie d'Everett).

(*) Stricto sensu, il est en fait abusif de parler de particule tant que celle-ci n'a pas été détectée, mais cette formulation, bien qu'un peu inexacte, permet de mieux visualiser les choses.

Description de l'expérience

Experience de Sculley

L'expérience est plus simple qu'il n'y paraît. Le dispositif va être décrit progressivement, afin de bien faire apparaître les idées derrière chaque élément de l'expérience.

Décrivons d'abord la première partie du dispositif : si nous remplaçons les appareils B et C par de simples miroirs, nous nous retrouvons avec une variante de l'expérience des fentes de Young : le miroir semi-réfléchissant A provoque une interférence " du photon avec lui-même " et provoque une figure d'interférence en I. Il est important de bien comprendre l'expérience de Young avant de tenter de comprendre celle-ci.

En fait, en B et en C, sont placés des " convertisseurs bas ". Un " convertisseur bas " est un appareil qui, à partir d'un photon en entrée, crée deux photons en sortie, corrélés, et de longueur d'onde double par rapport au photon en entrée. Étant corrélés, toute mesure effectuée sur un des deux photons de sortie nous renseigne sur l'état de l'autre photon. Par définition, un des deux photons en sortie sera appelé " photon signal " et l'autre " photon témoin ". Il est important aussi de souligner que le " convertisseur bas " ne détruit pas l'état quantique du photon : il n'y a pas de " mesure " et l'état des deux photons en sortie respecte l'état de superposition du photon en entrée.

Maintenant, imaginons qu'il n'y ait pas de miroir semi-réfléchissant en D et en E. Ne pourrait-on pas détecter par quel chemin ( " par B " ou " par C ") est passé le photon initialement émis ? Si le détecteur J se déclenche, c'est que le photon est passé par B, si c'est K, c'est que le photon est passé par C. Les " photons signaux " se comportant de la même manière que s'il y avait des miroirs en B ou en C, la figure d'interférence ne devrait-elle pas apparaître, tout en nous renseignant sur le chemin pris par le photon ? (ce serait en contradiction avec l'expérience de Young)

En fait, non. La " mesure " effectuée par un des détecteur J ou K détruit l'état quantique des photons " signal " et " témoin " (ceux-ci étant quantiquement corrélés, voir paradoxe EPR), et aucune figure d'interférence n'apparaît en I. Nous retrouvons bien les résultats de l'expérience de Young.

Maintenant, considérons le dispositif complet, représenté par la figure. Le photons témoins ont une chance sur deux d'être réfléchis par les miroirs D et E. Dans ce cas ils arrivent en F et il n'y a alors plus moyen de savoir si le photon est passé par B ou par C. En effet, que le photon vienne de E ou de D, il a dans les deux cas une chance sur deux d'être détecté en H ou en G. Cependant, si le miroir F n'était pas là, alors il serait aussi possible de connaître le chemin du photon émis, et la figure d'interférence serait également détruite.

Ce miroir F est la " gomme quantique " imaginée par Sculley : il détruit l'information permettant de savoir par quel chemin est passé le photon. Dans ce cas, si l'information est détruite, peut-on restituer la figure d'interférence en I ? Nous allons voir la réponse, mais auparavant, il y a encore quelques détails à expliquer.

C'est ici qu'il faut être attentif : si on ne fait rien de particulier, avec le miroir en F, il n'apparaît pas de figure d'interférence en I.

Cependant, si on corrèle les impacts de photons en I avec les détections des détecteurs G, H, K, J, pour ne faire apparaître en I que les photons signaux dont les photons témoins ont été détectés par G et H alors la figure d'interférence apparaît.

C'est maintenant qu'intervient le " choix retardé " mis en œuvre dans l'expérience : le miroir F et les détecteurs G et H peuvent être extrêmement éloignés de l'interféromètre I sans rien changer à l'expérience. Autrement dit, l'impact des photons en I peut être enregistré bien avant que le premier photon n'atteigne F !

Or, nous l'avons vu, si le miroir F n'est pas présent, aucune figure d'interférence ne peut apparaître en I, cela serait en contradiction formelle avec les lois quantiques. Si le miroir F est présent, alors il est possible de faire réapparaître la figure d'interférence, cela a été vérifié. Mais, au moment ou nous choisissons de placer un miroir en F ou non le résultat en I peut déjà être enregistré depuis longtemps.

Pour dire les choses autrement : placer le miroir en F ou non ne change rien dans le résultat enregistré en I.

Ou le change-t-il ? Dans ce cas, il faudrait admettre une rétroaction dans le passé. Nous allons voir dans le chapitre " interprétation " que cette expérience ne mène pas nécessairement vers cette conclusion.

Enjeux et interprétations

L'aspect le plus spectaculaire de cette expérience est l'interprétation que l'on fait a posteriori de la figure d'interférence en I. Tant que l'on n'a pas reçu les informations de corrélation en provenance des détecteurs G et H (qui peuvent être, disons, à cent années-lumière !), il est impossible de déterminer si la figure en I contient ou non une figure d'interférence.

Si cela était possible, cela voudrait dire que l'on pourrait recevoir des messages du futur ! Par exemple, si, en même temps que le photon, on émettait un message en destination du physicien qui manipule le miroir en F (à cent années-lumière de là) lui demandant si, par exemple, la théorie des cordes est exacte ou non, et de placer le miroir en F si oui (et ne ne pas le placer si non), alors il serait possible de savoir immédiatement si la théorie des cordes est valable ou non en décryptant la figure en I.

On pourrait alors véritablement parler de " rétroaction en provenance du futur ". Mais tel n'est pas le cas. Certaines interprétation hâtives et sensationnalistes laissent penser cela, mais on voit clairement que ce n'est pas aussi simple.

En effet, force est de constater que la figure en I contient une information indécryptable qui dépend de quelque-chose qui se passe dans le futur. Mais elle ne peut être décryptée qu'avec des informations " classiques " qui ne peuvent être connues, au plus tôt, que dans un délai qui annule le bénéfice de la rétroaction temporelle (par exemple, dans le cas de l'interrogation d'un physicien à 100 années-lumière, on connaîtrait la réponse à la question que - au mieux - 100 ans plus tard).

En fait, ce résultat, bien que spectaculaire, n'est pas plus surprenant (ni moins) que les résultats déjà connus des expériences EPR. En effet, dans ces expériences, l'effondrement d'un côté du dispositif provoque immédiatement l'effondrement de l'autre côté, aussi éloigné soit-il. Mais on ne peut s'en rendre compte qu'avec l'envoi d'une information classique (évitant de pouvoir communiquer à une vitesse supérieure à celle de la lumière).

Mais l'effet est plus frappant encore que dans l'expérience EPR, et nous pose avec une force plus grande encore la question : qu'est-ce que le temps ?

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