Noam Chomsky - Définition

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Noam Chomsky
Noam Chomsky

Avram Noam Chomsky (né le 7 décembre 1928, à Philadelphie, Pennsylvanie) est professeur honoraire de linguistique au Massachusetts Institute of Technology. Considéré comme le fondateur de la grammaire générative et transformationnelle, il est également célèbre pour son engagement politique.

La grammaire générative, qui se distingue par sa recherche des structures innées du langage naturel, est souvent décrite comme la contribution la plus importante dans le domaine de la linguistique théorique du XXe siècle. Les deux textes fondateurs de l'école générative sont : Syntactic Structures (traduit par Structures syntaxiques) en 1957 et Aspects of the Theory of Syntax (Aspect de la théorie syntaxique) en 1965 mais le lecteur pourra se faire une idée des questions théoriques dans Language and Mind (Le Langage et la pensée). Ses travaux les plus récents ont pour thème le " programme minimaliste " en sciences cognitives.

Noam Chomsky a été influencé par les idées de Thomas Kuhn sur l'évolution des théories scientifiques et par l'école structuraliste américaine (avec Zellig Harris).

Il a aussi participé au lancement de la révolution cognitive en psychologie par sa critique du Verbal Behavior (" Comportement verbal ") de Skinner, qui a remis en question l'approche comportementale de l'étude de l'esprit et du langage, qui dominait dans les années 1950. Son approche naturaliste de l'étude du langage a également eu un impact sur les philosophies du langage et de l'esprit (cf. Harman, Fodor). On lui attribue également d'avoir établi la classification des langages formels par leur pouvoir de génération, dite hiérarchie de Chomsky.

Chomsky est connu non seulement pour ses travaux en linguistique, mais aussi largement pour son activisme politique et sa critique de la politique étrangère de plusieurs pays, notamment celle du gouvernement américain, ainsi que pour ses analyses des médias. Chomsky se définit lui-même comme un anarchiste socialiste, un sympathisant de la mouvance anarcho-syndicaliste (il fait partie de l'IWW), et il est souvent considéré comme une figure intellectuelle incontournable de la gauche américaine.

Entre 1980 et 1992, selon le Arts and Humanities Citation Index (un index de citations dépouillant la documentation sur les arts et les sciences humaines), Chomsky a été l'une des sources universitaires les plus citées.

Plusieurs documentaires lui ont été consacrés, notamment : Chomsky, les médias et les illusions nécessaires (Manufacturing Consent) et Noam Chomsky : pouvoir et terreur. Entretiens après le 11 septembre, réalisé par John Junkerman et sorti en 2003.

Biographie

Chomsky est né à Philadelphie en Pennsylvanie. Son père William Chomsky était un spécialiste de l'hébreu originaire d'une ville d'Ukraine plus tard détruite par les nazis. Sa mère, Elsie Chomsky (née Simonofsky) venait de la future Biélorussie mais, contrairement à son mari, elle grandit aux États-Unis et parlait " l'anglais de New-York ". Leur première langue était le yiddish, mais Chomsky dit qu'au sein de sa famille il était tabou de le parler. Sa famille vivait alors dans une sorte de " ghetto juif " partagé en deux entre un côté " yiddish " et un autre " hébreu ". Sa famille vivait au sein de ce dernier et l'a élevé " immergé dans la culture et la littérature hébraïques ".

Vers l'âge de huit ou neuf ans, Chomsky passait chaque vendredi soir à lire de la littérature hébraïque[1]. Plus tard, il enseigna l'hébreu. En dépit de cela, et de tout le travail linguistique effectué durant sa carrière, il avoua : " la seule langue que je parle et écris correctement est l'anglais ".

Chomsky se rappelle son premier article, écrit à l'âge de dix ans, sur la menace de l'expansion du fascisme après la chute de Barcelone. À partir de douze ou treize ans, il se rapprocha des idées anarchistes[2].

À partir de 1945, il étudie la philosophie et la linguistique à l'Université de Pennsylvanie, auprès des philosophes C. West Churchman et Nelson Goodman et du linguiste Zellig Harris. L'enseignement d'Harris comprenait sa découverte des transformations en tant qu'analyse mathématique de la structure du langage (fonctions mathématiques d'un sous-ensemble à un autre dans l'ensemble des phrases). Par la suite, Chomsky explique qu'elles sont des opérations de la production d'une grammaire hors-contexte. Les idées politiques de Harris furent également déterminantes quant à l'orientation future de Chomsky.

En 1949, Chomsky se marie avec la linguiste Carol Schatz. Ils ont deux filles, Aviva (née en 1957) et Diane (1960), ainsi qu'un fils, Harry (1967).

Chomsky soutient sa thèse de linguistique à l'université de Pennsylvanie en 1955. Il poursuit les travaux commencés pendant sa thèse durant les quatre années suivantes qu'il passe à Harvard en tant que Harvard Junior Fellow. Dans son mémoire, il commence à développer certaines de ses idées qu'il approfondit dans son livre de 1957, Structures syntaxiques, peut-être son travail le plus connu dans le domaine de la linguistique.

Chomsky rejoint ensuite le Massachusetts Institute of Technology en 1955 et est nommé professeur dans le Département de langues modernes et de linguistique (de nos jours, le Département de linguistique et de philosophie) en 1961. Entre 1966 et 1976, il est titulaire de la chaire Ferrari P. Ward de langues modernes et linguistique. En 1976, le titre très rare d’Institute Professor lui est décerné. Chomsky a enseigné sans interruption au MIT durant ces cinquante dernières années.

C'est à cette époque que Chomsky s'engage publiquement en politique : il devient l'un des principaux opposants à la guerre du Viêt Nam avec la publication en 1967 de son essai Responsabilités des Intellectuels dans la New York Review of Books. Depuis, Chomsky est connu pour ses opinions politiques, qu'il présente dans ses nombreux livres et lors de conférences tenues dans le monde entier. Ses critiques talentueuses de la politique étrangère américaine et de la légitimité du pouvoir américain en font une figure controversée. Chomsky est très apprécié à l'extrême gauche mais est l'objet de nombreuses critiques de la part des libéraux américains (mouvance équivalente des gauches sociales-démocrates en Europe) et de la droite américaine, notamment en raison de ses commentaires sur les attentats du 11 septembre 2001.

La prononciation originale de ses prénoms et nom est /avram noam 'xomskij/. En anglais, on prononce en général /'æv?æm 'n??m 't??mpski/ (   anglais) ou /'æv?æm 'no?m 't?ampski/ avec un accent américain, qui est la manière dont Chomsky prononce ([[:media:| ]][[:media:|  américain]] ).

L'adjectif éponyme chomskyen a été créé pour désigner ses idées, mais ce terme est peu apprécié par Chomsky lui-même.

Contributions à la linguistique

Syntactic Structures (Structures syntaxiques) est une suite de son livre Logical Structure of Linguistic Theory (1955, 75) (Structure logique de la théorie linguistique) dans lequel il introduisait la grammaire générative. La théorie considère que les expressions (séquences de mots) ont une syntaxe qui peut être caractérisée (globalement) par une grammaire formelle ; en particulier, une grammaire hors-contexte étendue par des règles de transformation. Les enfants sont supposés avoir une connaissance innée de la grammaire élémentaire commune à tous les langages humains (i.e. ce qui présume que tout langage existant en est une sorte de restriction). Cette connaissance innée est souvent appelée grammaire universelle. Il est soutenu que la modélisation de la connaissance de la langue par une grammaire formelle explique la " productivité " de la langue : avec un jeu réduit de règles de grammaire et un ensemble fini de termes, les humains peuvent produire un nombre infini de phrases, y compris des phrases que personne n'a précédemment dites.

The Principles and Parameters approach (P&P) (L'Approche des principes et des paramètres), développée dans les Conférences (Pise, 1979), publiées plus tard sous le titre Lectures on Government and Binding (LGB) se réclament fortement de la grammaire universelle : les principes grammaticaux sous-tendant les langages sont innés et fixés, les différences entre les divers langages dans le monde peuvent être caractérisées en termes de paramètres programmés dans le cerveau (tel le paramètre d'élision, pro-drop parameter, qui indique quand un sujet explicite est toujours requis, comme en anglais, ou s'il peut être élidé, comme en espagnol) souvent comparés à des commutateurs (d'où le terme de principes et paramètres utilisé pour qualifier cette approche). De ce point de vue, un enfant qui apprend une langue a seulement besoin d'acquérir les items lexicaux nécessaires (mots, morphèmes grammaticaux et les tournures idiomatiques) et fixer les valeurs appropriées des paramètres, ce qui peut être fait sur quelques exemples clés.

Les partisans de cette conception arguent du fait que la vitesse avec laquelle les enfants apprennent des langues est inexplicablement rapide, à moins que les enfants n'aient une capacité innée pour apprendre des langues. Les étapes semblables que suivent tous les enfants à travers le monde quand ils apprennent des langues, et le fait que les enfants commettent des erreurs caractéristiques quand ils apprennent leur première langue, tandis que d'autres types d'erreur apparemment logiques ne se produisent jamais (et, selon Chomsky, elles devraient être attestées si le mécanisme d'apprentissage utilisé était général plutôt que spécifique à une langue) est également perçu comme une raison de l'innéïté.

Plus récemment, dans son Minimalist Program (1995) (Programme minimaliste), tout en conservant le concept central des " principes et des paramètres ", Chomsky tente une révision importante des machines linguistiques impliquées dans le modèle de LGB, les dépouillant de tout sauf des stricts éléments nécessaires, tout en préconisant une approche générale de l'architecture de la faculté du langage humain qui souligne les principes de l’économie et de la conception optimale, revenant à l'approche dérivationelle de la génération, en opposition avec la majeure partie de l'approche représentative du classique P&P .

Les idées de Chomsky ont eu une forte influence sur l'étude de l'apprentissage d'une langue par les enfants, bien que des chercheurs qui travaillent dans ce domaine aujourd'hui ne soutiennent pas les théories de Chomsky et avancent souvent les processus d'émergence ou les théories connexionnistes, ramenant la langue à un cas particulier des processus généraux du cerveau.

Grammaire générative

L’approche chomskyenne de la syntaxe, souvent qualifiée de grammaire générative, est contestée, surtout en dehors des États-Unis, mais bénéficie d’une certaine popularité. L’analyse de Chomsky, largement abstraite, repose en grande partie sur l’examen minutieux de l’interface entre constructions et ruptures grammaticales dans le langage (à rapprocher des cas pathologiques, qui jouent un rôle similaire en mathématiques). De telles analyses grammaticales ne peuvent être réalisées finement que dans notre langue maternelle et les linguistes qui s’y intéressent se consacrent donc souvent à leur propre langue pour des raisons pratiques. Il s’agit généralement de l’anglais, du français, de l’allemand, du néerlandais, de l’italien, du japonais ou du mandarin. Cependant, comme le fait remarquer Chomsky :

" La première application de cette approche a porté sur l’hébreu moderne, étudié de manière relativement précise vers 1949-50. La seconde, au milieu des années 1950, concernait un idiome américain indigène, le Hidatsa : elle fut la première grammaire générative exhaustive. Le turc fit l’objet de la première thèse de doctorat, au début des années 1960. Ces travaux furent ensuite adaptés à un large panel de langues. Le MIT devint de fait le centre international d’étude des langues aborigènes australiennes par l’approche générative […] grâce aux travaux de Ken Hale, qui est également à l’origine de l’un des plus ambitieux programmes de recherche sur les langues indigènes américaines ; en fait, le premier programme faisant intervenir des indigènes, amenés à l’université pour se former à la linguistique afin qu’ils puissent travailler sur leurs propres langues, de manière bien plus profonde que tout ce qui avait jamais pu être réalisé auparavant. Cela s’est poursuivi par la suite et est devenu un travail de référence sur la collection de langues la plus variée du point de vue typologique. " 

La théorie de la grammaire générative se révèle parfois peu pertinente pour analyser des langues jamais étudiées auparavant. Cette approche a connu de nombreuses évolutions au fur et à mesure que le nombre de langues étudiées augmentait. La thèse des invariants (ou universaux) linguistiques connaît pourtant un soutien de plus en plus important ; dans les années 1990, Richard Kayne a par exemple suggéré que toutes les langues sous-tendent une structure Sujet-Verbe-Objet, ce qui aurait paru peu plausible dans les années 1960. L’une des principales motivations d’une approche alternative comme l’approche typologico-fonctionnelle (souvent associée à Joseph Greenberg) est de confronter les hypothèses d’invariances linguistiques à l’étude du plus grand nombre possible de langues, de classer les écarts constatés et d’en induire des lois théoriques. Bien qu’elle ait déjà été appliquée à un grand nombre de langues, l’approche de Chomsky est trop méticuleuse et nécessite une connaissance trop pointue des langues étudiées pour répondre à une telle méthodologie.

La hiérarchie de Chomsky

Chomsky s’est rendu célèbre en étudiant différentes sortes de langages formels et leur capacités respectives à intégrer des caractéristiques intrinsèques du langage humain. La hiérarchie de Chomsky décompose les grammaires formelles en catégories de pouvoir d’expression croissant, c’est-à-dire en groupes successifs pouvant chacun générer une variété de langages plus large que le groupe précédent. Il est intéressant de noter que, d’après Chomsky, certains aspects du langage humain nécessitent de recourir à une grammaire formelle plus complexe (en termes de hiérarchie chomskyenne) que pour d’autres. Par exemple, alors que le groupe des langages réguliers est suffisamment puissant pour modéliser la morphologie de la langue anglaise, il ne l’est pas assez pour en modéliser la syntaxe.

Au-delà de son intérêt dans le domaine linguistique, la hiérarchie de Chomsky s’est également révélée pertinente en informatique, en particulier pour la construction des compilateurs et interpréteurs.

Son célèbre ouvrage Principes de phonologie générative (The Sound Pattern of English, 1968), écrit en collaboration avec Morris Halle, est aujourd’hui considéré comme dépassé, même s’il a été réimprimé récemment. Chomsky ne publie plus de travaux de phonologie.

Contribution à la psychologie

Les travaux linguistiques de Chomsky ont eu une influence majeure sur la psychologie et son orientation fondamentale durant le XXe siècle. Pour Chomsky, la linguistique est une branche de la psychologie cognitive, de véritables compétences en linguistique impliquent une compréhension concomitante des aspects du processus mental et de la nature humaine. Sa théorie de la grammaire universelle est vue par beaucoup comme un défi direct aux théories comportementalistes établies et a eu des conséquences majeures dans la compréhension de l'apprentissage du langage par les enfants et sur ce qu'est exactement la capacité d'interpréter le langage.

Beaucoup des principes les plus fondamentaux de cette théorie ne sont pas acceptés par certains cercles de pensée (même si ce n'est pas le cas des théories les plus importantes basées sur les principes et paramètres décrits ci-dessus).

En 1959, Chomsky publie une critique marquante du livre de Burrhus Skinner Verbal Behavior dans lequel Skinner donne une explication spéculative et comportementaliste du langage. Le comportement linguistique y est défini comme un comportement appris, avec pour conséquence caractéristique d'être transmis par le comportement déjà appris par d'autres individus ; cette théorie apporte une vision globale du comportement communicatif, bien plus large que celle généralement admise par les linguistes. L'approche de Skinner diffère considérablement de la plupart des théories linguistiques traditionnelles sur la mise en valeur des circonstances dans lesquelles le langage est utilisé ; par exemple, demander de l'eau a pour lui une utilisation fonctionnellement différente que d'associer l'eau au mot eau, ou encore que d'avoir à répondre à quelqu'un qui demande de l'eau… Ces utilisations fonctionnellement différentes demandant chacune une explication différente, l'approche contraste fortement avec les notions traditionnelles du langage et l'approche psycholinguistique de Chomsky qui se concentre sur les représentations mentales des mots et les mots acquis qui, une fois appris, peuvent apparaître dans toutes les fonctions.

La critique de Chomsky dans son article de 1959, bien que touchant aux différentes fonctions verbales, se résume plus largement à une attaque de la base même de l'approche de Skinner, à savoir la psychologie comportementale. L'essence des arguments de Chomsky est que l'application des principes comportamentalistes, issus de la recherche animale, n'a aucun sens lorsqu'il s'agit de l'appliquer à des humains hors d'un laboratoire, et que pour comprendre un comportement complexe il faut avant tout reconnaître qu'il y a dans le cerveau des entités inobservables qui en sont fondamentalement responsables.

Cet article de Chomsky de 1959, qui remet en cause le comportementalisme radical de Skinner, a lui-même été fortement critiqué entre autres dans un article intitulé On Chomsky’s Review of Skinner’s Verbal Behavior de Kenneth MacCorquodale en 1970. Ces différentes critiques notent des faits importants généralement non reconnus hors de la psychologie comportementale et estiment que Chomsky ne comprend ni la psychologie comportementale dans son ensemble ni comment le radicalisme comportementaliste de Skinner diffère des autres variantes comportementalistes et qu'il fait des erreurs embarrassantes. Ils indiquent aussi que les personnes les plus influencées par cet article de Chomsky étaient déjà substantiellement d'accord avec lui et ne l'ont peut-être même pas lu.

Il a été dit que la critique de Chomsky envers la méthodologie de Skinner a posé les jalons de la révolution cognitive, mouvement de la psychologie américaine des années 1950 à 1970 qui est passée du comportementalisme à une approche cognitive. Dans son livre de 1966 Cartesian Linguistics et dans d'autres travaux, Chomsky explique que l'étude des facultés du langage humain est devenue un modèle pour les études dans d'autres domaines de la psychologie. La majorité des nouvelles conceptions émises sur le fonctionnement de l'esprit sont issues d'idées formulées par Chomsky.

Parmi celles-ci, trois idées clés :

  • L'esprit est cognitif, c'est-à-dire qu'il contient des croyances, des doutes, etc. La conception passée ne prenait pas en compte ce côté cognitif, ne reconnaissant que des relations logiques du style " Si tu me demandes si je veux X, je te répondrai oui ". Au contraire, Chomsky explique que la façon commune de comprendre l'esprit comme ayant des croyances ou encore des états mentaux non conscients est l'approche à privilégier ;
  • Une grande partie de ce que l'esprit d'un adulte peut faire est innée. Même si aucun enfant ne naît avec la capacité de parler directement, tous naissent avec la capacité d'acquisition du langage qui leur permet d'apprendre le langage rapidement dans leurs premières années.
Nombre de psychologues ont étendu cette thèse à d'autres domaines que le langage, en contradiction avec la vision du nouveau-né en tabula rasa ;
  • L'architecture de l'esprit est modulaire. L'esprit est composé d'un ensemble d'interactions, de sous-systèmes spécialisés (modules) avec un flot limité d'intercommunication. Cette théorie contraste fortement avec l'ancienne conception selon laquelle chaque part d'information peut être accessible par tous les autres processus cognitifs (par exemple, on ne peut pas annuler l'effet d'une illusion optique même si on sait consciemment que c'est une illusion d'optique).

Point de vue sur la critique de la culture scientifique

Chomsky rejette formellement le post structuralisme et les critiques postmodernes de la science :

" J’ai passé une grande partie de ma vie à travailler sur des questions comme celles-ci, en utilisant les seules méthodes que je connaisse, celles condamnées ici comme “science”, “rationalité”, “logique” et ainsi de suite. J’ai donc lu ces articles en espérant qu’ils pourraient m’aider à " transcender " ces limites ou peut-être me suggérer une voie complètement différente. Je crains d’avoir été déçu. Peut-être à cause de mes propres limites. Régulièrement, les discours polysyllabiques sur les thèmes du post structuralisme et du post modernisme me tombaient des mains ; ce que j’en comprends relève souvent de l’évidence ou de l’erreur mais ça n’est qu’une fraction du décompte des mots. Il est vrai qu’il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas : en particulier les articles des publications actuelles dans les domaines des maths ou de la physique. Mais il y a une différence. Dans ce dernier cas, je sais comment faire pour les comprendre et j’ai déjà procédé de la sorte lorsque cela m’intéressait particulièrement. De plus, je sais que les spécialistes de ces domaines peuvent en expliquer le contenu en se plaçant à mon niveau, de manière à ce que je puisse éventuellement en acquérir une compréhension au moins partielle. En revanche, personne ne semble capable de m’expliquer en quoi le dernier post-ci-ou-ça ne relève pas essentiellement du truisme, de l’erreur et du baragouin ; quant à le découvrir par moi-même, je ne sais pas comment procéder. " 

Chomsky note que les critiques de la " science masculine blanche " sont très semblables aux attaques antisémites et idéologiques menées par les nazis pour dénigrer les travaux scientifiques des chercheurs juifs :

" En fait, toute cette histoire de “science masculine blanche” me rappelle, je le crains, la “physique juive”. Peut-être est-ce encore le fait de mon manque de discernement mais, quand je lis un article scientifique, je suis incapable de dire si son auteur est blanc ou encore s’il est masculin. Il en va de même pour les discussions professionnelles en classe, au bureau ou n’importe où ailleurs. Je doute fort que les étudiants, amis et collègues non-blancs et non-masculins avec lesquels je travaille aient plus de considération que moi pour la doctrine selon laquelle leur manière de raisonner diffère de celle de la “science masculine blanche” en raison de leurs “culture, genre et race”. Je devine que “surprise” ne sera pas exactement le mot approprié pour décrire leur réaction[3]. " 

Noam Chomsky a beaucoup influencé Jean Bricmont, le co-auteur avec Alan Sokal des Impostures intellectuelles qui a co-dirigé avec Julie Franck en janvier 2007 un Cahier de L'Herne (ouvrage collectif) consacré au linguiste.

Point de vue sur les médias

Dans ses ouvrages Illusions Nécessaires et La Fabrique de l'opinion publique, Chomsky s’attache à mettre en évidence les processus par lesquels les médias tendent à enfermer les sociétés démocratiques dans un carcan idéologique. Sa critique porte sur le fonctionnement global de l'institution médiatique dans ses rapports avec les pouvoirs économique et politique. Chomsky montre comment les médias noient la masse électorale sous un flot d’informations beaucoup trop dense pour servir de support de réflexion et qui converge, en définitive, vers des analyses à sens unique, fondées sur des présupposés que l’on évite soigneusement de remettre en question. C’est en particulier à travers l’analyse du traitement médiatique des conflits armés que Chomsky dévoile la dépendance des médias envers les pouvoirs économique et politique. En cherchant à démythifier la prétendue neutralité des médias, Chomsky entend œuvrer pour l’émancipation intellectuelle de la société. Chomsky lui-même récuse la critique qui lui a été faite d'être guidé par une théorie du complot. Cependant, cette critique persiste; en témoigne une controverse en France au sein de la revue ContreTemps (n°17, septembre 2006, éditions Textuel), participant de la gauche altermondialiste et radicale, entre le politiste Philippe Corcuff, critiquant Chomsky (voir (lien)), et le politiste Gilbert Achcar, prenant sa défense (voir (lien)).

Influence de Chomsky dans d’autres domaines

Les modèles chomskyens ont été utilisés comme base théorique dans plusieurs autres domaines. La hiérarchie de Chomsky est souvent enseignée en informatique fondamentale pour l’éclairage qu’elle donne des différents types de langages formels. Cette hiérarchie peut aussi être considérée en termes mathématiques[4] et a suscité l’intérêt des spécialistes de combinatoire, en particulier. Nombre d’arguments de la psychologie évolutionniste sont dérivés de ses travaux de recherche.

Niels Kaj Jerne, lauréat du prix Nobel de médecine en 1984, a utilisé le modèle génératif de Chomsky pour expliquer le système immunitaire humain, faisant le lien entre structures grammaticales et protéiques. Le discours de Jerne à la remise du Nobel s’est intitulé " la grammaire générative du système immunitaire ".

Opinions politiques

Noam Chomsky au forum social mondial de 2003
Noam Chomsky au forum social mondial de 2003

Noam Chomsky a toujours été engagé politiquement. Il a exprimé de nombreuses opinions sur la politique et les affaires internationales, notamment dans ses livres. Elles ont été largement citées, publiées et font l'objet de débats. On peut notamment retenir :

  • qu'il pense que le mot terrorisme est une étiquette facile pour des gouvernements qui ont été incapables de reconnaître la dimension terroriste de leurs propres activités[5] ;
  • qu'il déploie un large spectre de critiques bien informées mais parfois impopulaires contre le gouvernement américain[6] ;
  • que, bien qu'il critique largement ses applications concrètes, il soutient un socialisme libertaire à vocation mondiale[7] ;
  • qu'il développe des points de vue que l'on peut globalement qualifier d'anti-guerre : il fut contre la guerre du Viêt Nam (il est membre du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l'Agent Orange et au procès de New York (CIS) conduit par André Bouny) et contre toutes les guerres menées par les États-Unis depuis[6] ;
  • qu'il défend la liberté d'expression, notamment dans les médias de masse[8] [9] [10] ;
  • qu'il critique largement la politique d'Israël vis-à-vis des Palestiniens et le soutien des États-Unis à cette politique[11] ;
  • qu'il est pour la partition du Kosovo entre serbes et albanais dans le but de couper les racines de la haine, comme l'intellectuel serbe Dobrica ?osi? (voir le magazine NIN de mai 2006 Le partage du Kosovo : la solution ? en serbe latin, NIN, 11.5.2006).

Chomsky a largement critiqué d'autres aspects du gouvernement américain, de la société et des médias. Il s'est également très engagé intellectuellement avec ses pairs académiciens. Il a bénéficié d'une large audience internationale, tant pour ses écrits et discours académiques que politiques.

Critiques de Noam Chomsky

À cause de la nature problématique de certains de ses écrits politiques et de sa pensée, Noam Chomsky a suscité de nombreuses critiques. Ses positions les plus discutées concernent l’affaire Faurisson[9]. Ancien professeur de littérature à l'université de Lyon, Robert Faurisson fut suspendu de ses fonctions à la fin des années 1970 et poursuivi parce qu'il avait, entre autres, nié l'existence des chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale. Une pétition pour défendre sa liberté d'expression fut signée par plus de cinq cents personnes, dont Chomsky. Pour répondre aux réactions violentes que suscita son geste, Chomsky rédigea alors un petit texte dans lequel il expliquait que reconnaître à une personne le droit d'exprimer ses opinions ne revenait nullement à les partager. Il donna son texte à un ami d'alors, Serge Thion, en lui permettant de l'utiliser à sa guise. Or Thion le fit paraître, comme " avis ", au début du mémoire publié pour défendre Faurisson. Chomsky n'a cessé de rappeler qu'il n'avait jamais eu l'intention de voir publier son texte à cet endroit et qu'il chercha, mais trop tard, à l'empêcher[12].

Aux États-Unis, la plupart des critiques sont émises contre ses écrits politiques sur la puissance militaire et la politique américaine[13] ainsi que son travail fondamental mais controversé en linguistique[14] [15].

Prix académiques, titres honorifiques et récompenses

Selon l’Arts and Humanities Citation Index (un index de citations dépouillant la documentation sur les arts et les sciences humaines), entre 1980 et 1992, Chomsky a été cité comme source plus souvent que n'importe quel enseignant vivant et était la huitième source la plus citée en général.

Chomsky fut invité à donner de prestigieuses conférences dans de nombreuses universités : cycle de conférences sur John Locke à l'université d'Oxford (printemps 1969), conférence commémorative sur Bertrand Russell à l'université de Cambridge (janvier 1970), conférence commémorative Nehru à New Delhi (1972), conférence Huizinga à Leiden (1977), conférence commémorative Davie sur la liberté académique à Cape Town (1997), et bien d'autres…

Noam Chomsky a reçu de nombreux diplômes honorifiques des plus éminentes universités du monde. Il est membre de l'Académie américaine des arts et des sciences ainsi que de l'Académie nationale américaine des sciences. De plus, il appartient à d'autres associations et sociétés privées aux États-Unis et ailleurs, et est notamment récipiendaire du prix de la contribution scientifique de l'Association américaine de psychologie. Il reçu aussi le prix Kyoto, la médaille Helmholtz, le prix de la paix Dorothy Eldridge, la médaille Benjamin Franklin en sciences cognitives et de l'information. Il fut deux fois vainqueur du prix Orwell accordé par le Conseil américain des professeurs d'anglais pour ses " éminentes contributions à la sincérité et la clarté du langage public[16]. "

Chomsky fut reconnu plus grand intellectuel vivant par le sondage 2005 sur les grands intellectuels mondiaux, publié par le magazine britannique Prospect. Il réagit simplement en disant " Je ne fais pas très attention aux sondages[17]. "

Œuvre

Linguistique

Bibliographie complète sur sa page personnelle au MIT (en anglais)

  • Aspect de la théorie syntaxique (Seuil, 1971, ISBN 2020027402) [références]
  • Questions de sémantique (Seuil, 1975, ISBN 2020027488)
  • Structures syntaxiques (Seuil, 1979, ISBN 2020050730)
  • Théories du langage - Théories de l'apprentissage : le débat entre Jean Piaget et Noam Chomsky (Seuil, 1979, ISBN 2-02-005273-3) : Recueil du débat épistémologique sur la nature du langage organisé par Jacques Monod regroupant divers horizons scientifiques
  • Langue, linguistique, politique: dialogues avec Mitsou Ronat (Flammarion, 1992, ISBN 2-08-081261-0) : présentation générale des idées scientifiques et politiques de Chomsky
  • Réflexions sur le langage (Flammarion, 1997, ISBN 2080810464)
  • Le Langage et la pensée (Petite bibliothèque Payot, 2001, ISBN 2228882690)
  • De la nature humaine (Aden, 2006)

Politique, médias, économie

  • La Washington connection et le fascisme dans le tiers monde (avec Edward Herman, J-E Hallier, 1981, ISBN 2862970522), 2 tomes
  • Écrits politiques (1977-1983) (Acratie, 1984)
  • Réponses inédites à mes détracteurs parisiens (Spartacus, 1984, ISBN 2902963084)
  • Responsabilités des intellectuels (Agone, 1998, ISBN 2910846083)
  • Propagande, médias, démocratie (avec Robert W. McChesney, Ecosociété, 2000, ISBN 2923165101)
  • 11-9 : autopsie des terrorismes (Serpent à Plumes, 2001, ISBN 2842613236)
  • La conférence d'Albuquerque (Allia, 2001, ISBN 284485057X)
  • De l'espoir en l'avenir : entretiens sur l'anarchisme et le socialisme (Agone, 2001, ISBN 2910846865)
  • De l'espoir en l'avenir : propos sur l'anarchisme et le socialisme (Agone, 2001, ISBN 2910846865)
  • Deux heures de lucidité : conversations avec Noam Chomsky (Les Arènes, 2001, ISBN 2912485126)
  • Élections 2000 : réflexions sur la démocratie américaine & Les schémas du vote et de l'abstention (Sulliver, 2001, ISBN 291119974X)
  • Instinct de liberté : anarchisme et socialisme (Agone, 2001, ISBN 2-910846-50-4)
  • 11 septembre 2001, La fin de 'La fin de l'histoire' (avec Naomi Klein, Jean Bricmont et Anne Morelli, Aden, 2001 ISBN 2960027329)
  • La Loi du plus fort : mise au pas des États voyous (avec Ramsey Clark, Edward W. Said, Le Serpent à plumes, 2002, ISBN 2842613473)
  • Le Pouvoir mis à nu (Ecosociété, 2002, ISBN 2921561611)
  • Propaganda : un texte fondateur sur la communication moderne (Danger public, 2002, ISBN 2866454537)
  • De la propagande (Fayard, 2002, ISBN 226403761X)
  • De la guerre comme politique étrangère des États-Unis (Agone, 2002, ISBN 2748900375)
  • Le Bouclier Américain et la déclaration des droits de l'Homme (Serpent à Plumes, 2002, ISBN 2842613511)
  • La Loi du plus fort : Mise au pas des états voyous (Serpent à Plumes 2002, ISBN 2842613473)
  • Le Profit avant l'homme (Fayard, 2003, ISBN 2213615691)
  • La Fabrique de l'opinion publique: la politique économique des médias américains (Le Serpent à plumes, 2003, ISBN 284261416X)
  • Pirates et empereurs : le terrorisme international dans le monde actuel (Fayard, 2003, ISBN 2213616434)
  • Pouvoir et terreur : entretiens après le 11 Septembre (Le Serpent à plumes, 2003, ISBN 2842614356)
  • Sur le contrôle de nos vies (Allia, 2003, ISBN 2844851320)
  • Dominer le monde ou sauver la planète ? (Fayard, 2004 - réédition en 10-18, coll. "Fait et cause", 2005, ISBN 226404229X)
  • Politicamente Incorrecto avec Thierry Meyssan, postface de Fidel Castro (Ciencias sociales, 2004, ISBN 959-06-0640-7)
  • Comprendre le pouvoir (tome 1) (Aden, 2005, ISBN 2930402032)
  • Comprendre le pouvoir (tome 2) (Aden, 2006)
  • Le bien commun ????
  • Israël, Palestine, États-Unis : Le triangle fatidique (Ecosociété, 2006, ISBN 2923165195)
  • Les États manqués[18], 2007

Filmographie

  • 1992 : La fabrication du consentement (Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media) de Mark Achbar et Peter Wintonick (Canada, sous le titre Necessary illusions)
  • 2003 : Noam Chomsky : pouvoir et terreur. Entretiens après le 11 septembre (Distorted Morality — America's War On Terror?, Power and Terror: Noam Chomsky in Our Times) de John Junkermann (Japon, sous le titre Chomsky 9.11)
  • 2003 : Noam Chomsky: Rebel Without a Pause (TV) de Will Pascoe
  • 2003 : The Corporation (film documentaire canadien écrit par Joel Bakan, Mark Achbar et Jennifer Abbott)
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