Un cloître (ou anciennement cloistre, ou clouastre) est une cour entourée de murs et de galeries établies à côté des églises cathédrales, collégiales et monastiques. Dès les premiers temps du christianisme, des cloîtres furent élevés dans le voisinage immédiat des églises. La forme des cloîtres en plan est généralement celle d'un carré. Les abbayes possédaient deux cloîtres : l'un près de l'entrée occidentale de l'église, l'autre à l'orient derrière l'abside. Le premier donnait accès dans les réfectoires, les dortoirs, la salle capitulaire, la sacristie, le chauffoir, les prisons ; c'était le cloître des religieux dans lequel tous pouvaient circuler. Le second était particulièrement réservé à l'abbé, aux dignitaires et aux copistes; plus retiré, plus petit que le premier, il était bâti dans le voisinage de la bibliothèque, de l'infirmerie et du cimetière.
Dès le IXe siècle, les synodes s'étaient occupés de la clôture des chapitres des cathédrales. Il est nécessaire, disent ces assemblées, que les évêques établissent des cloîtres à proximité des églises cathédrales, afin que les clercs vivent suivant la règle canonique, que les prêtres s'y astreignent, ne délaissent pas l'église, et n'aillent point habiter ailleurs. Il est dit aussi qu'un dortoir et un réfectoire doivent être bâtis dans l'enceinte de ces cloîtres.
" La diversité des demeures et des offices dans le cloître, dit Guillaume Durant, signifie la diversité des demeures et des récompenses dans le royaume céleste ". " Car dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures ", dit le Seigneur. Et, dans le sens moral, " le cloître représente la contemplation dans laquelle l'âme se replie sur elle-même, et où elle se cache après s'être séparée de la foule des pensées charnelles, et où elle médite les seuls biens célestes. "
Dans ce cloître, il y a quatre murailles, qui sont le mépris de soi-même, le mépris du monde, l'amour du prochain et l'amour de Dieu. Et chaque côté a sa rangée de colonnes... La base de toutes les colonnes est la patience. Dans le cloître, la diversité des demeures, c'est celle des vertus.
La disposition la plus habituelle du cloître d'abbaye est celle-ci : une galerie adossée à l'un des murs de la nef, avec une entrée sous le porche et une entrée au voisinage de l'un des transepts ; une galerie à l'ouest à laquelle viennent s'accoler les bâtiments des étrangers, ou des magasins et celliers ayant des entrées sur le dehors; une galerie à l'est donnant entrée dans la sacristie, dans la salle capitulaire et dans les services ecclésiastiques; la dernière galerie, opposée à celle longeant l'église, communique au dortoir et au réfectoire. Les cloîtres des cathédrales étaient entourés de maisons servant de demeure aux chanoines; quelquefois, ceux-ci mangeaient en commun. Les écoles étaient adossées à la galerie de l'ouest proche de l'entrée de l'église. Nous devons ajouter ici qu'habituellement, les cloîtres des abbayes sont bâtis du côté méridional de l'église, tandis que ceux des cathédrales sont le plus souvent au nord[1]. L'orientation du midi est de beaucoup la plus agréable dans notre climat, et il n'est pas surprenant que les religieux l'aient adoptée pour leur cloître. Mais dès une époque très reculée, les évêques avaient naturellement pris cette situation comme la meilleure, et le côté nord des cathédrales restait seul pour bâtir les cloîtres.
Les dispositions des cloîtres d'abbayes ne furent guère modifiées jusqu'au XVIe siècle ; tandis que les cloîtres des cathédrales, au contraire, subirent de notables changements, par suite des usages des chapitres plus variables que ceux des religieux réguliers. On continuait à désigner sous la dénomination de cloître des cathédrales, des amas de construction qui n'avaient plus rien, dans leur ensemble ou leurs détails, des dispositions que nous avons indiquées au début de cet article. Ainsi, par exemple, le cloître de Notre-Dame de Paris, du temps de Louis le Gros, se composait de maisons canoniales bâties dans son enceinte, et de plusieurs autres au-dehors. Ce prince, avant de monter sur le trône, fit abattre une partie de ces maisons sises hors du cloître, mais qui jouissaient cependant des mêmes franchises que celles de l'intérieur; il répara ce tort fait au chapitre le jour de son mariage.
Au commencement du XIVe siècle, le cloître de Notre-Dame de Paris, qui s'étendait, au nord et à l'est de la cathédrale, jusqu'au bord de la Seine, renfermait trente-sept maisons. Ces maisons étaient dotées de terres et de rentes, mais elles étaient en même temps grevées de charges nombreuses et très variées; aussi les chanoines cherchaient-ils les moyens de diminuer, autant que faire se pouvait, l'étendue de ces charges par des bénéfices étrangers à leur état. Ils vendaient du vin en détail, ouvraient même des tavernes, louaient partie des locaux qui leurs étaient affectés; aussi les statuts capitulaires suppriment expressément ces abus, ce qui prouve qu'ils existaient. Ils défendent aussi à tout chanoine de laisser passer la nuit dans la maison claustrale " à aucune femme, religieuse ou autre, à l'exception de sa mère, de sa sœur, de sa parente au troisième degré, ou d'une femme de haut rang qu'on ne peut éconduire sans scandale ". Ces statuts s'élèvent à plusieurs reprises, pendant les XIIIe et XIVe siècles, contre les abus résultant de la présence des femmes dans le cloître des chanoines. Le cloître de Notre-Dame de Paris, comme la plupart de ceux des grandes cathédrales, était donc plutôt une agglomération de maisons comprises dans une enceinte fermée, qu'un cloître proprement dit. Cependant, nous verrons tout à l'heure que les maisons capitulaires n'excluaient pas les galeries de cloîtres dans certaines églises cathédrales. Les cloîtres de cathédrales conservaient ainsi souvent la physionomie d'un quartier ayant son enceinte particulière, ses rues et ses places.
Les dispositions générales des cloîtres de cathédrales ou de monastères étant connues, nous nous occuperons seulement des édifices auxquels ce nom est particulièrement resté, c'est-à-dire des galeries couvertes bâties dans le voisinage des églises.
Il est à croire que les premiers cloîtres n'étaient que des portiques, dans le genre des portiques antiques, c'est-à-dire des appentis en charpente portés sur des colonnes dont la base reposait sur le sol. Nous avons cherché vainement à découvrir à quelle époque la disposition si connue de l’impluvium romain fut modifiée pour adopter celle que nous voyons admise dans les cloîtres les plus anciens. Il dut y avoir une transition qui nous échappe, faute de monuments décrits ou bâtis existant encore. Car il est une démarcation bien tranchée entre l'impluvium roman et le cloître chrétien de nos contrées, c'est que, dans le premier, les rangées de colonnes portent directement sur le sol et que l'on peut passer de la galerie dans le préau entre chaque entre-colonnement ; tandis que, dans le second, les piles ou colonnes sont toujours posées sur un socle, bahut ou appui continu qui sépare la galerie du préau, et qui n'est interrompu que par de rares coupures servant d'issues. Cette disposition et le peu de hauteur des colonnes caractérisent nettement le cloître en occident, et en font un monument particulier qui n'a plus de rapport avec les cours entourées de portiques des Romains.
Source : Viollet-le-Duc