La poussée d'Archimède est la force particulière que subit un corps plongé en tout ou en partie dans un fluide (liquide ou gaz) soumis à un champ de gravité.
Cette force provient de l'augmentation de la pression du fluide avec la profondeur (effet de la gravité sur le fluide, voir l'article hydrostatique) : la pression étant plus forte sur la partie inférieure d'un objet immergé que sur sa partie supérieure, il en résulte une poussée globalement verticale orientée vers le haut.
Cette poussée définit la flottabilité d'un corps.
Archimède est un savant grec qui vécut à Syracuse (Sicile) de 287 av. J.-C. à 212 av. J.-C.. Il est connu pour ses multiples travaux scientifiques, théoriques ou pratiques, que ce soit en mathématique ou bien en physique. Parmi ces derniers, son Traité des corps flottants jette les bases de ce qui sera plus tard la science nommée hydrostatique. C'est notamment dans cet ouvrage qu'il étudie avec rigueur l'immersion d'un corps, solide ou fluide, dans un autre, de densité inférieure, égale. Le théorème qui portera plus tard le nom du savant y est ainsi énoncé (ce théorème fut ensuite démontré au XVIe siècle).
Vitruve rapporte que le roi Hiéron II de Syracuse (306-214) aurait demandé à son jeune ami et conseiller scientifique Archimède (âgé alors de 22 ans seulement) de vérifier si une couronne d'or, qu'il s'était fait confectionner comme offrande à Jupiter, était totalement en or ou bien si l'artisan n'y avait pas mis de l'argent. La vérification avait bien sûr pour contrainte de ne pas détériorer la couronne. La forme de celle-ci était en outre trop complexe pour effectuer un calcul du volume de l'ornement. Archimède aurait trouvé le moyen de vérifier si la couronne était vraiment en or, alors qu'il était au bain public, en observant comment des objets y flottaient. Il serait alors sorti dans la rue en s'écriant le célèbre " Eurêka " (j'ai trouvé).
Ce que constate Archimède au bain public est que, pour un même volume donné, les corps n'ont pas le même poids apparent, c'est-à-dire une masse par unité de volume différente. On parle de nos jours de masse volumique. L'argent (masse volumique 10 500 kg·m-3) étant moins dense que l'or (masse volumique 19 300 kg·m-3), il a donc une masse volumique plus faible. De là, Archimède déduit que si l'artisan a caché de l'argent dans la couronne du roi, alors elle a une masse volumique plus faible. Ainsi fut découverte la supercherie du joaillier.
Pour répondre à la question du roi Hiéron, Archimède a donc pu comparer les volumes d'eau déplacés par la couronne et une masse d'or identique. Si les deux déplacent le même volume d'eau, leur masse volumique est alors égale et on peut en conclure que les deux sont composées du même métal. Pour réaliser l'expérience, on peut imaginer plonger dans un récipient rempli à ras-bord la masse d'or. Une certaine quantité d'eau débordera alors du récipient. Ensuite, on retire l'or et on le remplace par la couronne à étudier. Si la couronne est bien totalement en or, alors l'eau ne débordera pas. En revanche, si sa densité est plus faible, de l'eau supplémentaire débordera.
Cette méthode présente deux inconvénients. Le premier est qu'elle ne fait ici intervenir en rien le principe d'Archimède. Le second problème est qu'avec des conditions réalistes, en raison de la forme de la couronne et de la densité de l'or, la hauteur d'eau déplacée est très faible (inférieur au millimètre). Il est donc peu probable qu'Archimède ait pu tirer des conclusions significatives à partir d'une telle expérience.
Une méthode plus réaliste est la suivante. En disposant sur chaque bras d'une balance la couronne d'un côté et son poids égal en or, l'équilibre est initialement obtenu. Ensuite, on peut immerger les deux bras dans de l'eau. Si la couronne et l'or ont la même masse volumique, alors la poussée d'Archimède sera égale sur les deux bras de la balance et l'équilibre sera respecté. Si la couronne ne contient pas uniquement de l'or, alors elle subira une poussée d'Archimède plus importante et un déséquilibre sera alors visible.
Le traité des corps flottants contient d'autres propositions relatives au théorème d'Archimède :
Dans un champ de gravité uniforme, la poussée d'Archimède PA est toujours donnée par la formule suivante :
où M f est la masse du fluide contenu dans le volume V déplacé, et g la valeur de la pesanteur.
Si la masse volumique ρ du fluide est elle aussi uniforme, on aura :
ou encore, si l'on considère uniquement les grandeurs des forces :
La poussée d'Archimède PA s'exprimera en newton (N) si la masse volumique ρ est en kg/m³, le volume de fluide déplacé V en m³ et la valeur de la pesanteur g en N/kg (ou m/s²).
Considérons un fluide au repos. Délimitons, par une expérience de pensée, un certain volume de forme quelconque au sein de ce fluide. Ce volume est lui aussi au repos : malgré son poids, ce volume ne tombe pas. Cela signifie donc que son poids est rigoureusement équilibré par une force, égale et opposée, qui le maintient sur place, et qui ne provient que de l'extérieur. Remplaçons maintenant, toujours dans notre expérience de pensée, ce volume par un corps quelconque : la force qui maintenait le fluide est toujours là, elle n'a aucune raison d'avoir changé : elle est toujours égale et opposée au poids de fluide déplacé. C'est la force d'Archimède.
Supposons un cube d'arête a entièrement immergé dans un liquide, sa face du haut étant horizontale et située à une profondeur z1 > 0 (le sens positif est vers le bas).
Dans le cas d'un liquide incompressible au repos soumis à un champ de pesanteur uniforme, la pression absolue p vaut
où po est la pression atmosphérique et p h la pression hydrostatique.
À une profondeur z, la pression hydrostatique correspond au poids P d'une colonne de liquide (que l'on peut imaginer cylindrique) de hauteur z et de base A, divisé par la base. Or
où m est la masse de la colonne, zA son volume, ρ la masse volumique (supposée uniforme) du liquide et g l'accélération de la gravité, ce qui donne
La pression absolue vaut donc
Par symétrie, les forces de pression exercées sur les quatre faces verticales du cube s'annulent deux à deux.
La force F 1 exercée vers le bas sur la face du haut, d'aire A = a 2, vaut
La force F2 exercée vers le haut sur la face du bas, située à la profondeur z2 = z1 + a, vaut
La résultante F de toutes les forces de pression vaut donc
où V = a 3 est le volume du cube, c'est-à-dire en l'occurrence le volume immergé, et M f la masse du fluide contenu dans un volume V. La grandeur de la force résultante est donc bien égale à celle du poids M f g du volume de fluide déplacé ; cette force étant négative, elle est bien orientée verticalement vers le haut.
Il est possible de généraliser la démonstration précédente à un volume de forme quelconque. Il suffit de décomposer la surface bordant le volume en une infinité d'éléments infinitésimaux dS supposés plans, puis de faire la somme, à l'aide du calcul intégral, de toutes les forces infinitésimales df exercées sur chaque élément de surface.
Supposons un volume quelconque
On cherche à déterminer la résultante des forces de pression exercées sur le volume :
Par définition de la pression
où
Pour les besoins de la démonstration, considérons maintenant l'intégrale
Selon le théorème de flux-divergence,
Or, d'après l'une des formules de Leibniz de l'analyse vectorielle,
Et puisque la divergence d'un champ vectoriel uniforme est nulle, on a
Par conséquent,
On en déduit donc que
Or, d'après la loi fondamentale de l'hydrostatique,
D'où
La résultante des forces de pression est donc égale en grandeur au poids du volume de fluide déplacé, mais orientée dans le sens contraire du poids, c'est-à-dire vers le haut.
Immergeons entièrement un solide de volume V, de masse m et de masse volumique ρ dans un fluide de masse volumique ρf uniforme, puis relâchons-le à partir du repos. Au départ, la vitesse étant nulle, deux forces seulement agissent sur le solide : son poids Fp (vers le bas) et la poussée d'Archimède Fa (vers le haut).
Le rapport des masses volumiques est en l'occurrence équivalent à celui des densités.
Dans les deux cas où le solide n'est pas en équilibre, son mouvement ultérieur est déterminé par trois forces : son poids, la poussée d'Archimède (opposée au poids) et une force de frottement visqueux Ff (opposée à la vitesse).
Selon la deuxième loi du mouvement de Newton, on a alors :
où a est l'accélération du solide.
Comme la force de frottement visqueux n'est pas constante, mais qu'elle augmente avec la vitesse, l'accélération diminue graduellement, de sorte que le solide atteint[1] plus ou moins rapidement une vitesse limite, lorsque la résultante des forces est nulle.
Considérons un solide de volume V et de masse volumique ρS flottant à la surface d'un liquide de masse volumique ρL. Si le solide flotte, c'est que son poids est équilibré par la poussée d'Archimède :
La poussée d'Archimède étant égale (en grandeur) au poids du volume de liquide déplacé (équivalent au volume V i immergé), on peut écrire :
Le volume immergé vaut donc
Puisque V > V i , il s'ensuit que ρS < ρL .
Application au cas d'un iceberg :
Considérons un morceau de glace pure à 0 °C flottant dans de l'eau de mer. Soit ρS = 0,917 kg/dm3 et ρL = 1,025 kg/dm3 (on aurait ρL = 1,000 kg/dm3 pour de l'eau pure à 3,98 °C). Le rapport ρS / ρL (c’est-à-dire la densité relative) est de 0,895, si bien que le volume immergé V i représente près de 90% du volume total V de l'iceberg.
Tout se passe comme si la poussée d'Archimède s'appliquait au centre de carène, c'est-à-dire au centre de gravité du volume de fluide déplacé[2].
Cette caractéristique est importante pour le calcul de la stabilité d'un sous-marin en plongée ou d'un aérostat à faible altitude : sous peine de voir l'engin se retourner, il est nécessaire que le centre de carène soit situé au-dessus du centre de gravité.
Pour ce qui est d'un navire ou d'un aérostat en haute altitude, en revanche, le centre de carène est souvent situé au-dessous du centre de gravité (par exemple pour une planche à voile). Cependant, lorsque la pénétration de l'objet dans le fluide évolue, le centre de carène se déplace, créant un couple qui vient s'opposer au mouvement. La stabilité est alors assurée par la position du métacentre, qui est le point d'application des variations de la poussée. Ce métacentre doit se trouver au-dessus du centre de gravité.
De façon anecdotique, on peut remarquer que les concepteurs d'aérostats et de sous-marins doivent s'assurer simultanément de deux types d'équilibres pour leurs engins.