Un point de Lagrange (noté Li), ou point de libration, est une position de l'espace où les champs de gravité de deux corps en orbite l'un autour de l'autre, et de masses substantielles, se combinent de manière à fournir un point d'équilibre à un troisième corps de masse négligeable, tel que les positions relatives des trois corps soient fixes.
En mécanique céleste, il est un sujet qui a passionné de nombreux mathématiciens : c'est le problème dit des trois corps. Newton, après avoir énoncé sa loi qui exprime que " les corps s'attirent avec une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance de leurs centres ", a cherché à décrire le comportement de trois corps sans y parvenir. Il faut attendre le mathématicien Joseph-Louis Lagrange qui, en 1772, étudia le cas d'un petit corps, de masse négligeable, soumis à l'attraction de deux plus gros : le soleil et une planète par exemple. Il découvrit qu'il existait des positions d'équilibre pour le petit corps, des endroits où toutes les forces se compensent.
Un objet de faible masse situé exactement en ces points n'en bouge plus et tourne de concert avec la planète autour du soleil, ce sont les cinq points de Lagrange, c'est-à-dire cinq positions relatives de l'espace différentes.
Si on donne en exemple les points de Lagrange du système Soleil-Terre, ces cinq points sont notés et définis comme suit :
Fait remarquable, ces deux derniers points ne dépendent en rien des masses relatives des deux autres corps.
Pour les trois premiers points de Lagrange, la stabilité n'apparaît que dans le plan perpendiculaire à la ligne occupée par les deux masses. Par exemple, pour le point L1, si on déplace un objet perpendiculairement à la ligne entre les deux masses, les deux forces gravitationnelles vont jouer pour le ramener vers la position initiale. L'équilibre est stable. En revanche, si on le déplace vers une des deux masses, alors le champ de celle-ci va l'emporter sur l'autre et l'objet tendra à se rapprocher encore plus. L'équilibre est instable. Pour les points L4 et L5, la stabilité est obtenue grâce aux forces de Coriolis qui agissent sur les objets s'éloignant du point.
Étant données les questions de stabilité évoquées plus haut, on ne trouve pas d'objet naturel autour des points L1, L2 et L3 dans le système solaire. Cependant, ils représentent tout de même un intérêt pour les réalisations scientifiques, car ils permettent des économies de combustible pour le contrôle d'orbite et d'attitude. Ceci n'est pas valable pour le point L3, du fait de son éloignement de la Terre dont la seule application était que les auteurs de science-fiction et de bande dessinée aimaient y placer une Anti-Terre d'autant plus utopique que la masse de cette planète-jumelle y était bien trop élevée par rapport à la théorie énoncée plus haut. En revanche, des missions spatiales utilisent L1 et L2 : c'est le cas de la sonde SoHO (Solar and Heliospheric Observatory) une station d'observation du Soleil située au point L1.
L4 et L5 étant stables, on y trouve de nombreux corps naturels. Dans le système Jupiter-Soleil, plusieurs centaines d'astéroïdes, appelés astéroïdes Troyens, s'y agglutinent (près de 1800 en avril 2005). On en compte quelques-uns dans les systèmes Neptune-Soleil et Mars-Soleil. Curieusement, il semblerait que le système Saturne-Soleil ne soit pas en mesure d'en accumuler, à cause des perturbations joviennes. On trouve également des objets à ces points dans le système Saturne-satellites de Saturne : Saturne-Téthys avec Télesto et Calypso aux points L4 et L5, et Saturne-Dioné avec Hélène au point L4 et Pollux au point L5. Dans le système Terre-Soleil, il n'y a pas d'objet connu de grande taille aux points Troyens, mais on y a découvert une légère surabondance de poussière en 1950. De légers nuages de poussière sont également présents pour le système Terre-Lune; cela a fait renoncer à y placer un télescope spatial comme le projet en avait été envisagé. Le satellite S.O.H.O occupe depuis 1995 le point L1 à 1,5 million de km de la Terre. Depuis 2001, le voisinage du point L2 est occupé par le satellite WMAP, chargé d'étudier le fond diffus cosmologique. Il sera rejoint par les satellites Planck Surveyor et Herschel en 2007 ou 2008.