Un logiciel libre se dit d'un logiciel qui donne à toute personne, qui en possède une copie, le droit de l'utiliser, de l'étudier, de le modifier et de le redistribuer. Ce droit est souvent donné par une licence libre. Richard Stallman a formalisé la notion de logiciel libre dans la première moitié des années 1980 puis l'a popularisée avec le projet GNU et la Free Software Foundation (FSF).
Depuis la fin des années 1990, le succès des logiciels libres suscite un vif intérêt dans l'industrie informatique et les médias[1]. Les logiciels libres sont souvent présentés comme la principale alternative aux logiciels propriétaires, notamment ceux de l'éditeur Microsoft. Le logiciel libre le plus connu est Linux, un système d'exploitation.
Il ne faut pas confondre les logiciels libres avec les logiciels gratuits (freewares), ni avec les sharewares, ni avec des logiciels tombés dans le domaine public.
De même, les libertés données par un logiciel libre sont beaucoup plus étendues que le simple accès aux sources, ce qu'on appelle souvent logiciel Open Source ou "à sources ouvertes". Toutefois, la notion formelle de logiciel Open Source telle qu'elle est définie par l'Open Source Initiative est très proche de celle de logiciel libre.
Les opérateurs des premiers ordinateurs produits en série prirent l'habitude de former des groupes d'utilisateurs pour partager leurs expériences : SHARE pour IBM, DECUS pour Digital Equipment Corporation, etc. En effet, il n'y avait alors pas de ressource pour se former, en dehors des formations données par les fabricants. Ces groupes étaient soutenus par les fabricants eux-mêmes et des modifications de logiciels étaient échangées. À cette époque, le matériel informatique était considéré comme la source de revenu, le logiciel n'étant que des réglages permettant d'en tirer le meilleur parti. L'accès au code source était normal. Jusque dans les années 1970, des logiciels comme Unix étaient fréquemment échangés dans les milieux professionnels et universitaires, sans que les informaticiens ne prennent les licences très au sérieux.[2][3] En outre, jusqu'aux années 1970, il n'était pas encore tout à fait clair que le droit d'auteur s'applique aux logiciels.
À la fin des années 1970, l'avènement de la micro-informatique change le paysage informatique et donne une place de choix aux éditeurs de logiciels qui s'orientent vers la vente de licences d'utilisation. Un exemple parfois cité pour illustrer ce tournant est une lettre ouverte de Bill Gates aux hobbyistes pour les enjoindre de cesser de copier illicitement les logiciels[4]. Les logiciels commencent à être vendus indépendamment du matériel sous la forme de programmes compilés en langage machine directement exécutables et les utilisateurs n'ont plus accès au code source. Il devient impossible, voire interdit, d'étudier, de corriger ou d'améliorer les logiciels acquis. En cas de bogue, l'acheteur se retrouve totalement dépendant du bon vouloir de l'éditeur du logiciel. Enfin, la copie, une opération naturelle avec un ordinateur, devient en règle générale interdite (par défaut, le droit d'auteur interdit la copie).
Au début des années 1980, les logiciels disponibles uniquement sous des conditions restrictives deviennent la règle, et les logiciels jusqu'alors librement échangés se retrouvent souvent intégrés dans des produits commerciaux qui ne peuvent plus être partagés.
Richard Stallman, alors chercheur au laboratoire d'intelligence artificielle du Massachusetts Institute of Technology, ressent profondément ce changement lorsque les collègues, avec qui il travaillait et échangeait des logiciels jusqu'ici, sont engagés à leur tour pour produire des logiciels qu'ils ne pourront plus partager. En 1983 il crée donc le projet GNU, qui a pour objectif de construire un Unix dont la totalité des logiciels est librement partageable. Parallèlement aux travaux de développement engagés, Richard Stallman fonde la Free Software Foundation. Afin de donner une assise solide à son projet, Richard Stallman définit précisément la notion de logiciel libre. Et il rédige avec l'aide d'Eben Moglen la licence publique générale GNU (GPL). C'est ainsi qu'il fixe un cadre juridique et encourage le développement du logiciel libre. Le but des logiciels libres est de permettre le partage complet de l'information, d'où la référence à la liberté[5].
Si Richard Stallman considère bien sûr que les logiciels jusqu'alors librement partageables sont libres, il inclut également les logiciels sous copyleft dans les logiciels libres. L'invention du copyleft, mis en œuvre par la licence publique générale GNU, permet de résoudre deux exigences apparemment paradoxales : permettre le libre partage d'un logiciel, tout en empêchant son intégration dans des produits non partageables. Les logiciels libres sous copyleft sont donc disponibles sous une licence qui inclut un nombre important de clauses visant à empêcher toute possibilité de rendre le logiciel moins libre en le redistribuant. Ainsi la GPL exige entre autres que toute redistribution se fasse exactement sous les conditions de la GPL, tant pour le logiciel original que pour les modifications qui auraient été faites, en garantissant l'accès au code source complet pendant plusieurs années.
Pour être qualifié de logiciel libre, un logiciel doit être disponible sous une licence répondant à des critères stricts. La Free Software Foundation et le projet Debian étudient avec soin chaque licence pour déterminer si elle est libre.
La FSF maintient une définition du logiciel libre basée sur quatre libertés[6] :
La liberté #3 encourage la création d'une communauté de développeurs améliorant le logiciel et permet le fork, soit la création d'une branche de développement concurrente, notamment en cas de désaccord entre développeurs.
La FSF insiste sur le fait que " libre " ne doit pas être compris comme " gratuit ". Cette confusion est particulièrement sensible en anglais, où " libre " et " gratuit " se traduisent par " free ", et " logiciel libre " s'écrit " free software ". Pour lever cette confusion, la phrase " Free as in "free speech", not as in "free beer"" (" Libre comme dans liberté d'expression, pas comme dans bière gratuite ") est souvent répétée par les promoteurs des logiciels libres. Concernant l'aspect financier, notons que les logiciels libres se trouvent gratuitement sur Internet et qu'il existe en parallèle des entreprises spécialisées dans la vente de logiciels libres, une des plus connues dans ce domaine étant Red Hat. Chacun a bien sûr le droit de redistribuer gratuitement ou non un logiciel libre, quel que soit le moyen par lequel il l'a acquis.
La FSF précise la définition : ces libertés doivent êtres irrévocables ; on doit pouvoir en jouir sans devoir prévenir un tiers ; on doit pouvoir redistribuer le programme sous toute forme, notamment compilée, cependant l'accès au code source doit être possible pour jouir des libertés d'étude et d'amélioration ; on doit pouvoir fusionner des logiciels libres dont on n'est pas soi-même l'auteur. La FSF accepte des restrictions mineures quant à la façon dont un logiciel modifié doit être présenté lorsqu'il est redistribué.
En tant que distribution Linux comptant des milliers de logiciels libres de toutes provenances, le projet Debian est confronté à des problèmes un peu différents de la FSF, qui se concentre plus sur le développement. Debian a développé Les principes du logiciel libre selon Debian[7] également connus sous l'acronyme DFSG (pour Debian Free Software Guidelines). Ils comprennent la non-discrimination des utilisateurs et des usages. Ils précisent les restrictions acceptables en matière de préservation du code source de l'auteur original. Debian accepte explicitement l'exigence que la distribution d'une forme modifiée d'un logiciel libre se fasse sous un autre nom que le logiciel original. On peut noter à ce propos que les noms de plusieurs logiciels libres sont des marques déposées : par exemple Linux[8], Mozilla[9] ou Apache[10].
Les logiciels libres sont soumis, comme tout logiciel, au droit d'auteur. La particularité des logiciels libres est que l'auteur exerce son droit en distribuant le logiciel accompagné d'une licence libre qui énumère les droits donnés à l'utilisateur. Il renonce ainsi à l'exclusivité de la plupart des droits que procure le droit d'auteur.
Le concepteur de la GPL, Eben Moglen, insiste sur la distinction entre licence et contrat : une licence est une autorisation unilatérale, tandis qu'un contrat suppose des obligations réciproques.[11] Les logiciels libres sont distribués avec de simples licences. Généralement, ils sont également distribués sans la moindre garantie.
Certaines licences, dont la plus connue et utilisée pour les logiciels libres, la licence publique générale GNU, sont relativement complexes. Ainsi la GPL ne donne le droit de redistribuer un logiciel que si l'ensemble du logiciel, y compris toutes les éventuelles modifications, sont redistribuées selon les termes exacts de la GPL. Cette licence est dite " virale " ou " contaminante " par ses opposants, car si elle autorise la fusion d'un logiciel sous GPL avec un logiciel sous une autre licence, elle n'autorise en revanche la redistribution de la fusion que sous GPL.
Les logiciels libres sont souvent divisés en trois, selon le degré de liberté accordé par la licence en matière de redistribution.
En langage courant: Le logiciel appartient à tout le monde. C'est une caractéristique juridique qui n'a pas besoin de licence du fait que le logiciel n'a aucun ayant-droit. Les droits patrimoniaux concernant ce logiciel disparaissant, il peut alors être utilisé encore plus librement, sous réserve que soient respectés les droits extra-patrimoniaux de ses auteurs. Théoriquement, tout logiciel tombe dans le domaine public une fois les droits d'auteur échus. Toutefois, la durée de protection des droits d'auteur est bien plus longue que le plus ancien des logiciels, par exemple soixante dix ans après la mort de l'auteur dans tous les pays de l'Union Européenne. On ne trouve donc dans le domaine public que des logiciels qui y ont été mis.
Il s'agit des licences qui offrent la plus grande liberté. En général, seule la citation des auteurs originaux est demandée. En particulier, ces licences permettent de redistribuer un logiciel libre sous une forme non libre. Ces licences permettent donc à tout acteur de changer la licence sous laquelle le logiciel est distribué. Un cas de changement de licence courant est l'intégration de logiciel sous licence BSD dans un logiciel sous copyleft (licence GPL). Un autre cas courant est l'intégration de logiciel sous licence BSD dans les logiciels propriétaires.
Ces licences sont notamment utilisées par la Berkeley software distribution (licence BSD), X Window (licence MIT) et Apache Software Foundation (licence Apache).
Il s'agit des licences qui interdisent la redistribution hors des principes du copyleft. Les licences du projet GNU sont les plus célèbres. Une telle licence permet d'intégrer du logiciel sous licence BSD et de le redistribuer sous licence GPL. L'inverse est impossible. Des acteurs des projets BSD critiquent un degré de liberté moindre des licences de type copyleft, et des acteurs commerciaux dénoncent une nature contaminante.
Les licences libres se sont multipliées :
On utilise le terme freeware pour les logiciels propriétaires qui sont distribués gratuitement. Les freewares ne sont pas libres car leur code source n'est pas disponible et donc seul l'auteur original peut l'améliorer et publier des versions modifiées. En outre, la revente d'un freeware est souvent restreinte. Les freewares sont de plus en plus rares et sont souvent considérés comme une sorte de frein au logiciel libre.
À l'inverse, les logiciels libres ne sont pas forcément gratuits. Pour qu'un logiciel soit libre, chacun doit avoir le droit de le distribuer à n'importe quel prix. Dans les faits, la plupart des logiciels libres se trouvent gratuitement sur Internet, mais peuvent simultanément être achetés à un prix comparable aux logiciels propriétaires. Dans ce second cas, l'achat donne généralement droit à une garantie de support.
Le shareware est un logiciel qu'on peut légitimement se procurer gratuitement, mais qu'on doit payer si l'on désire l'utiliser. Aucun logiciel libre n'est un shareware. À la limite, un logiciel libre pourrait encourager la rétribution de l'auteur, sans que cela n'ait force de licence (sans quoi il ne serait plus libre). Mais toute personne serait libre de supprimer l'encouragement et de redistribuer cette version allégée.
Le terme Shared source (code source partagé) vient de la Shared Source Initiative de Microsoft[12]. Il s'agit d'un type de licence qui donne le droit de regarder le code source et parfois d'en distribuer des versions modifiées. Toutefois, le droit de vendre n'est pas donné et les licences shared source ne sont pas considérée comme des licences de logiciel libre.
Littéralement, Open Source signifie " code source ouvert ". Toutefois, on utilise généralement Open Source en référence à l'Open Source Definition introduite par l'Open Source Initiative (OSI) en 1998 qui souhaitait une autre terminologie pour les logiciels libres, qui se voulait en anglais moins ambiguë et plus adaptée au monde des affaires que Free Software.
Cette initiative a causé une controverse avec Richard Stallman et la Free Software Foundation[13] qui regréaient la mise en avant des principes techniques au dépend de l'éthique. En pratique, un logiciel Open Source au sens de l'OSI est libre au sens de la FSF et réciproquement, la seule exception notable ayant été les versions 1.x de l'Apple Public Source License.[14]
Les développeurs et utilisateurs de logiciels libres sont indépendants, issus de toutes tendances politiques, et leurs motivations sont loin d'être homogènes.
Richard Stallman considère que le droit d'auteur, en interdisant d'aider ses amis par une simple copie, en privilégiant l'auteur aux dépends du monde entier, est nuisible pour la société[5]. Pour illustrer le principe du logiciel libre face au logiciel non libre, il compare volontiers cela à la recette de cuisine d'un gâteau :
À l'inverse quelqu'un comme Linus Torvalds ne s'exprime pas sur la portée politique du principe des logiciels libres et met plutôt en avant l'efficacité de la coopération technique que le libre rend possible. Il compare volontiers la coopération entre développeurs de logiciels libres avec la coopération scientifique : chacun publie ouvertement ses résultats qui permettent aux autres de bâtir de nouvelles solutions.[15]
Parmi les logiciels libres les plus connus du grand public figurent :
L'engouement pour le logiciel libre dépasse aujourd'hui largement le cadre de la petite communauté des techniciens dans et par lequel le concept a été primitivement créé et développé. On ne compte plus les prises de position dans la société en faveur du tout nouveau modèle de développement et de distribution du logiciel. Un grand nombre de gens totalement étrangers à la culture informatique s'entichent du concept, sans qu'il soit toutefois bien certain qu'ils distinguent les subtilités de l'"open source", de la "gratuité" des logiciels ou tout simplement de la "liberté" réellement en jeu.
Le logiciel libre n'est plus seulement une solution juridique protégeant le droit d'auteurs choisissant de travailler de façon ouverte et collaborative, cela devient un véritable phénomène de société. Il passionne des jeunes gens qui se découvrent des vocations de promoteurs de cette nouvelle philosophie, avec un élan qui touche parfois au romantisme. Le logiciel propriétaire (peut-être comprendrez-vous commercial et industriel) dont le "libre" est une alternative affichée devient aux yeux de certains un ennemi objectif. La simple concurrence du marché ne peut suffire à expliquer leur engouement. Ils parlent de choix de société et trouvent parfois un écho favorable chez certains responsables politiques nationaux, qui ajoutent le thème dans leurs programmes.
Les libertés d'étudier et améliorer un logiciel supposent un accès au code source du logiciel. L'accès au code source est important car les logiciels sont généralement distribués sous une forme compilée en langage machine, prêt à être exécuté par un ordinateur. Mais le langage machine est très peu lisible et rend l'étude du logiciel excessivement pénible. L'accès au code source a donné lieu à la notion d'Open Source (source ouverte).
La raison d'être du label Open Source (en français : source ouverte) est qu'en anglais le terme free software est ambigu, pouvant signifier logiciel libre ou logiciel gratuit. Cette ambiguïté a été perçue comme un frein à l'adoption du modèle des logiciels libres par les entreprises.
On qualifie souvent un logiciel libre d'Open Source puisqu'il suit nécessairement les obligations de cette norme, mais il s'en distingue en garantissant une libre évolution hors de toute limite choisie par le créateur. La réciproque est donc fausse, un logiciel Open Source n'est pas forcément libre, bien qu'en pratique, la plupart des logiciels importants Open Source respectent également la définition de Richard Stallman.
Le projet Darwin a quelque temps formé une exception célèbre, mais sa licence a depuis été modifiée et reconnue comme libre par la Fondation pour le logiciel libre.
La différence entre logiciel libre et Open Source tient pour beaucoup dans l'approche philosophique. Richard Stallman a créé les logiciels libres car il considère que le partage des logiciels est une obligation morale. De nombreuses autres personnes, dont Linus Torvalds, considèrent que c'est un système de développement efficace, sans considération morale ni politique.
Par extension, on parle de contenu libre pour des documents dont le contenu est librement consultable et copiable, voire parfois modifiable par tout le monde, notamment les documents régis par la GFDL, comme Wikipédia.
Un logiciel non libre est appelé logiciel propriétaire. L'appellation peut apparaître trompeuse, car à l'exception de logiciels dans le domaine public, les logiciels libres ont tout de même des propriétaires, encore que le terme auteurs soit plus approprié, qui conservent certains droits dépendants du type de licence libre employée.
De façon plus générale, le logiciel libre s'oriente vers des implémentations totalement libres basées sur des spécifications faisant l'objet d'un processus réglementé, centré sur le modèle des RFC (Request For Comments). Certaines de ces spécifications, comme OpenGL (de SGI) sont propriétaires; leurs implémentations comme Mesa 3D de Brian Paul sont libres.
Le logiciel libre s'impose de plus en plus comme une solution de remplacement moins coûteuse (du strict point de vue de "l'acquisition") de logiciels propriétaires. Il devient également un produit de plus en plus mis en avant par des revendeurs, soit pour sa fiabilité (cas de fournisseurs de serveurs), soit pour son coût de licence nul, permettant au client d’investir la différence dans des services associés.
2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 (estimation) |
2007 (prévision) |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Chiffre d’affaires du logiciel libre (Millions d’€) | 60 | 100 | 140 | 250 | 430 | 700 |
Part de marché du LL (dans l’industrie du logiciel) |
0,2 % | 0,4 % | 0,5 % | 0,9 % | 1,4 % | 2,1 % |
Croissance du marché du LL | 67 % | 40 % | 79 % | 72 % | 63 % | |
Croissance du reste du marché | -4,2 % | 3,8 % | 6,3 % | 6,6 % | 7,1 % |
Du côté des administrations, on peut citer les gouvernements brésilien, sud-africain, d'Andalousie et d'Estrémadure en Espagne, qui ont officiellement affiché leur orientation vers le logiciel libre. En France, on peut noter, après la gendarmerie nationale, le passage de l'ensemble de l'administration centrale à OpenOffice.org. Ce serait la plus grande migration de ce type (selon le Figaro en 2006)[17].