En mathématiques, la notion de permutation exprime l'idée de réarrangement d'objets discernables. Une permutation de n objets distincts rangés dans un certain ordre, correspond à un changement de l'ordre de succession de ces n objets.
La permutation est une des notions fondamentales en combinatoire, c'est-à-dire pour des problèmes de dénombrement et de probabilités discrètes. Elle sert ainsi à définir et à étudier le carré magique, le carré latin, le sudoku, ou le Rubik's cube. Les permutations servent également à fonder la théorie des groupes, celle des déterminants, à définir la notion générale de symétrie, etc.
Définition
Une permutation d'un ensemble X est une bijection de l'ensemble X sur lui-même.
Notamment, une permutation de n éléments (
Une permutation de l'alphabet de 26 lettres est un mot de 26 lettres contenant chaque lettre une fois et une seule ; et il est clair que cette définition reste valable pour n'importe quel alphabet de n lettres, avec des mots de longueur n.
Il y a beaucoup d'ordres différents (sept cent vingt) dans lesquels six cloches, de différentes notes, peuvent être sonnées les unes après les autres. Si les cloches sont numérotées de 1 à 6, alors chaque ordre possible peut être représenté par une liste de 6 nombres, sans répétition, comme par exemple (3,2,6,5,1,4).
De la même façon, six livres posés sur un rayonnage et numérotés de 1 à 6, peuvent être permutés de différentes manières : rangement par ordre alphabétique, ordre alphabétique inverse, ordre de préférence, ou ordre choisi " au hasard ". Chacun de ces réarrangements peut être vu comme une bijection de l'ensemble des six livres, ou de façon identique, une bijection de l'ensemble
Finalement, les objets effectivement permutés comptent peu : la permutation peut être ramenée à une permutation de nombres : les numéros des livres, ou les numéros de cloches.
Supposons que n personnes s'assoient sur n chaises différentes numérotées de 1 à n disposées sur une même rangée. Nous pouvons considérer un placement de ces n personnes sur les chaises, comme une bijection de l'ensemble des n personnes sur lui-même, indiquant la façon dont les personnes sont placées les unes par rapport aux autres sur les chaises.
Une permutation de n éléments est aussi appelée permutation sans répétition de ces éléments. Signalons qu'autrefois une permutation était appelée substitution.
Soit E un ensemble à n éléments. Le problème est de compter les permutations de E, c'est-à-dire les bijections de E dans lui-même. Comme pour les exemples précédents, on peut toujours numéroter les éléments de E de 1 à n. Dénombrer les permutations de E revient à dénombrer tous les réarrangements possibles de la liste, c'est-à-dire tous les n-uplets formés des chiffres de 1 à n dans un certain ordre.
Il est possible de donner une liste de tous ces réarrangements, sous forme d'une représentation arborescente : il y a n choix pour le premier terme de la liste. Puis pour chacun de ces premiers choix, il y a n-1 possibilités pour le deuxième choix, n-2 pour le troisième, ainsi de suite. Finalement il y a n! (factorielle de n) choix possibles pour constituer une liste. Cette méthode permet d'énumérer une et une seule fois chaque permutation.
Si X est un ensemble fini de cardinal n (
Lorsque n = 0, le résultat reste encore valable, puisque par convention, il existe une seule application de
Il est possible de dénombrer plus généralement les p-arrangements de n éléments, ou encore les applications injectives d'un ensemble de cardinal fini p dans un ensemble de cardinal finin. Ce nombre d'arrangements se note
Soit E un ensemble fini, de n éléments. Quitte à effectuer une numérotation, permuter les éléments de E revient à permuter les entiers de 1 à n. La notation traditionnelle des permutations place les éléments qui vont être permutés dans l'ordre naturel sur une première ligne, et les images en correspondance, sur une deuxième ligne. Par exemple
est l'application σ définie par
ou schématiquement
Toutefois, la notation la pratique est la forme canonique. Sous cette forme, la permutation précédente s'écrit :
ce qui signifie 1 donne 2 (c.-à-d., 2 est l'image de 1) qui donne 5 qui donne 1 ; 3 donne 4 qui donne 3. Cette écriture correspond à une décompositon sous la forme d'une composition de permutations circulaires (voir ci-dessous).
Les permutations de E sont définies comme des applications de E dans E, il est donc possible de définir leur produit de composition, qui se note
La notation des permutations est bien adaptée au calcul du produit de composition. Ainsi en prenant par exemple
Le calcul du produit peut être présenté sur trois lignes. La première et la deuxième ligne présentent l'effet de la première permutation σ', puis on fait correspondre aux éléments de la deuxième ligne leur image par σ.
Soit, finalement, en rayant la ligne de calcul intermédiaire
Soient n éléments distincts dans un certain ordre. Appliquer une permutation σ revient à en modifier l'ordre. Revenir à l'ordre initial se fait aussi par une permutation ; celle-ci est notée σ-1. Plus généralement, cette application σ-1, est l'application réciproque de la bijection σ, puisqu'appliquer σ puis σ-1 revient à appliquer la permutation identique. La permutation σ-1 s'appelle la permutation réciproque ou permutation inverse de σ.
Soit E un ensemble quelconque. L'ensemble
Si nous considérons un ensemble fini E (formé d'éléments qui ne sont pas nécessairement des entiers) de cardinal
Toute permutation peut être décomposée en un produit de transpositions. Par exemple, cela signifie qu'on peut, par des échanges deux à deux, modifier à volonté l'ordre des cartes d'un paquet.
Une telle décomposition n'est pas unique : on peut par exemple ajouter un échange de deux cartes, puis l'échange des deux mêmes cartes. En revanche on démontre que la parité du nombre de transpositions nécessaire reste la même. Ceci permet de définir la parité et la signature d'une permutation (voir groupe symétrique).
Une permutation paire est une permutation qui peut être exprimée comme le produit d'un nombre pair de transpositions. Une définition équivalente est que sa décomposition en cycles disjoints donne un nombre pair (éventuellement nul) de cycles pairs. Une permutation impaire est une permutation qui peut être exprimée comme produit d'un nombre impair de transpositions.
La permutation identique est une permutation paire car elle peut être considérée comme le produit de 0 transposition, selon la convention sur le produit vide.
Voici l'étape générale de l'algorithme de décomposition d'une permutation σ
Alors en appelant τ la transposition qui échange k et σ(k), on forme
On forme ainsi des permutations σ1, σ2 etc. obtenues en multipliant σ par une succession de transpositions τ1, τ2 etc., jusqu'à atteindre la permutation identique. Alors il vient
La validité de l'algorithme se justifie en remarquant que la position du premier point non fixe augmente strictement à chaque étape, jusqu'à ce que tous les points soient fixes. L'algorithme se conclut après au plus n-1 opérations, puisque si les n-1 premiers points sont fixes, ils le sont tous. Ainsi il est possible d'affirmer plus précisément que toute permutation peut s'écrire comme produit d'au plus n-1 transpositions.
L'orbite d'un élément selon une permutation σ est l'ensemble de ses images successives obtenues par applications répétées de σ. Ainsi en introduisant la permutation σ
L'élément 1 a pour images successivement 3,5,6 puis de nouveau 1,3,5 etc. L'orbite de 1 est donc l'ensemble {1,3,5,6}. L'orbite de 3 est également l'ensemble {1,3,5,6}, mais l'orbite de 2 est {2,4,7,8}.
Plus généralement, pour une permutation quelconque, les orbites sont disjointes et forment une partition de l'ensemble {1,2,...,n}. En restriction à une orbite donnée de taille p, la permutation se comporte comme une permutation circulaire des p éléments.
Pour décrire la permutation, il suffit de prendre un élément dans chaque orbite et de donner l'ordre de succession de ses images par itération de σ. Ainsi toujours avec le même exemple, la permutation σ peut s'écrire sous la forme d'une succession des deux cycles (1,3,5,6) et (2,4,7,8). L'ordre des cycles n'importe pas mais l'ordre des éléments à l'intérieur d'un cycle doit être respecté jusqu'à l'obtention d'un cycle complet. Ainsi, la même permutation peut être écrite par exemple
Dans cette notation on omet souvent le symbole de composition
La décomposition " canonique " d'une permutation en " produit " de cycles s'obtient en plaçant d'abord le plus petit nombre en première position dans chaque cycle et en ordonnant les cycles selon leur premier élément. Cette notation omet souvent les points fixes, c'est-à-dire les éléments qui sont leur propre image par la permutation; ainsi la permutation (1 3)(2)(4 5) s'écrit simplement (1 3)(4 5), puisqu'un cycle d'un seul élément n'a aucun effet.
De nombreuses propriétés de la permutation σ peuvent se lire facilement sur la décomposition en cycles disjoints : s'il y a p cycles de longueurs s1, ..., sp (en comptant les points fixes comme cycles de longueur 1)