La notion de moment en mathématiques, notamment en calcul des probabilités, a pour origine la notion de moment en physique.
Soit une fonction
continue sur un intervalle
(non réduit à un point) de
. Étant donné un entier naturel n, le n-ième moment de
est défini (sous réserve d'existence) par :
Remarque : pour un entier naturel n donné, l'ensemble des fonctions continues sur
dont le moment d'ordre n existe est un espace vectoriel réel, et l'application
est une forme linéaire sur cet espace vectoriel.
Problème des moments
On peut se demander si une fonction continue
dont tous les moments existent est déterminée par la suite de ses moments. Cette question est appelée problème des moments.
En d'autres termes : soient deux fonctions continues
dont chacune admet, pour tout entier naturel n, un moment d'ordre n. Si, pour tout
, peut-on affirmer que
?
D'après un théorème de Hausdorff, la réponse est affirmative lorsque
est un segment
(c'est-à-dire lorsqu'il est fermé et borné).
La fonction
est continue sur
, et tous ses moments sont nuls, car pour tout
,
.
On en déduit, par linéarité de l'intégrale, que
quel que soit le polynôme réel
;
en effet, si
, alors
.
Or, d'après un théorème de Weierstrass, pour toute fonction continue
, il existe une suite de polynômes (réels) convergeant uniformément sur
vers cette fonction. Il existe donc une suite
de polynômes qui converge uniformément vers
sur
. Alors, la suite des produits
converge uniformément vers
sur
et il en résulte que
.
Comme
est continue sur le segment
, ceci prouve que
, c'est-à-dire
.
Dans le cas général, la réponse est négative. Voici un contre-exemple probabiliste donné par William Feller. On considère la fonction
définie par
(densité de la loi log-normale), dont tous les moments existent.
On démontre (par changement de variable) que pour tout entier naturel
,
.
Pour tout
, on définit
par
.
Alors : quels que soient
et
,
, bien que
dès que
.
Nota : pour tout
,
car
. Or, si on prend
,
est à valeurs positives : dans ce cas,
est une densité de probabilité portée par
, distincte de
si
, dont tous les moments existent et sont les mêmes que ceux de
. Ceci prouve que la loi log-normale n'est pas déterminée par ses moments.