En géométrie vectorielle, le produit scalaire est une opération algébrique s'ajoutant aux lois définissant la structure d'espace vectoriel. À deux vecteurs elle associe leur produit, qui est un nombre (ou scalaire). Elle permet de retrouver les notions de la géométrie euclidienne traditionnelle : longueurs, angles, orthogonalité en dimension deux et trois, mais aussi de les étendre à des espaces vectoriels réels de toute dimension, et parfois aux espaces vectoriels complexes.
C'est ainsi, par exemple, qu'une fois qu'on aura muni un espace de polynômes d'un produit scalaire, on pourra parler de distance ou d'angle entre deux polynômes.
Toutefois, un même espace vectoriel peut être muni d'une multitude de produits scalaires distincts qui aboutiront à des résultats non équivalents d'angles, distances, orthogonalité. Le choix du produit scalaire adapté à un problème, notamment d'analyse fonctionnelle peut être la clef de sa résolution.
Élement important de calcul en géométrie euclidienne, le produit scalaire apparaît cependant assez tard dans l'histoire des mathématiques. On en trouve trace chez Hamilton en 1843 lorsqu'il crée le corps des quaternions. Peano le définit ensuite associé à un calcul d'aire ou de déterminant. Roberto Marcolongo et Cesare Burali-Forti le définissent seulement à l'aide du cosinus d'un angle et lui donne le nom de produit intérieur ou produit scalaire. C'est sous cette forme qu'il apparaît par la suite. Sa qualité de forme bilinéaire symétrique sera ensuite exploitée en algèbre linéaire et, de propriété, deviendra définition.
La notation du produit scalaire à l'aide d'un point ou d'une croix provient de Josiah Willard Gibbs, dans les années 1880.
Le produit scalaire se révèle très utile, aussi bien en physique pour le calcul du travail d'une force qu'en géométrie élémentaire pour démontrer des propriétés sur les angles et les distances ou en algèbre linéaire pour munir un espace vectoriel d'une distance.
En géométrie euclidienne élémentaire, le produit scalaire des vecteurs
Cette forme est indépendante de l'ordre des vecteurs, on dit qu'elle est symétrique.
Elle ne s'annule que lorsque les vecteurs sont orthogonaux et se révèle donc un outil puissant de contrôle d'orthogonalité.
Elle est liée à la distance par la relation suivante:
Cette expression est toujours positive et nulle seulement si le vecteur
Si les points A et B sont distincts, la trigonométrie du triangle rectangle permet de calculer le produit scalaire grâce à une projection orthogonale: si H est le projeté orthogonal de C sur (AB) , le produit scalaire est alors :
Cas où AC × cos(BAC) = AH |
Cas où AC × cos(BAC) = - AH |
C'est sous cette forme que le produit scalaire est utilisé pour le travail d'une force lors d'un déplacement : Le travail de la force
C'est sous cette forme aussi que l'on peut démontrer que le produit scalaire est linéaire selon le deuxième vecteur car la projection orthogonale est une application linéaire.
Ces propriétés se généralisent au cas où les points A et B sont confondus. La forme étant symétrique, elle est aussi linéaire selon le premier vecteur. Le produit scalaire se comporte alors presque comme un produit classique (commutativité, distributivité) permettant ainsi de créer des formules comme les identités remarquables. Il faut cependant prendre garde que ce n'est pas un produit classique car, à deux vecteurs, il associe, non pas un vecteur, mais un réel.
Les identités remarquables permettent d'établir la formule suivante
Il suffit pour cela de développer
Dans tout repère orthonormé, le produit scalaire s'exprime de la manière suivante : si
Il suffit pour cela d'utiliser la formule précédente en sachant que AB2 = x2 + y2( + z2), AC2 = x'2 + y'2( + z'2) et BC2 = (x − x')2 + (y − y')2 + (z − z')2
Cette forme permet de déterminer très rapidement si deux vecteurs sont orthogonaux.
Remarque : cette formule, contrairement à la définition, n'est pas valide en base non orthonormée.
On peut, à la suite de Peano, voir le produit scalaire comme une aire. Si on oriente le plan de x vers y, le produit scalaire des vecteurs x et y est égal à l'aire orientée du parallélogramme construit grâce aux vecteurs y et xr. Le vecteur xr est l'image du vecteur x par une rotation d'angle droit direct. Le produit scalaire peut donc se calculer à l'aide d'un déterminant :
Sous cette forme, peuvent être retrouvées toutes les propriétés de symétrie et de bilinéarité du produit scalaire.
Sur le dessin, les parallélogrammes ont été déformés en rectangle de même aire par la propriété de cisaillement. L'aire verte correspond à un produit scalaire positif et l'aire rose à un produit scalaire négatif.
Les propriétés définies précédemment font du produit scalaire une forme bilinéaire symétrique définie positive. Par la suite, ce sont ces propriétés qui caractériseront un produit scalaire dans un espace vectoriel quelconque.
Notation : Deux notations sont en concurrence pour représenter le produit scalaire. On utilise soit la simple barre verticale (
Soit
On dit qu'une application φ :
est un produit scalaire si elle est :
On peut dire "définie positive" au lieu de strictement positive mais il est peu recommandable d'utiliser seul le mot "défini" car il engendre une confusion entre deux notions : celles de forme bilinéaire non dégénérée et celle de forme bilinéaire anisotrope.
En géométrie, le produit scalaire de deux vecteurs
Pour adapter cette définition aux espaces vectoriels complexes, nous avons besoin de la notion de " semi-linéarité ":
Une application f d'un espace vectoriel complexe
Soit donc maintenant
On dit qu'une application φ :
est un produit scalaire hermitien (ou simplement un produit scalaire) si elle est :
On peut dire "définie positive" au lieu de strictement positive.
Remarque : la convention de linéarité à droite, semi-linéarité à gauche n'est pas universelle, certains auteurs utilisent la convention inverse.
On introduit la norme (dite " euclidienne ") du vecteur x :
Il est aisé de démontrer qu'il s'agit bien d'une norme
Un produit scalaire sur un espace vectoriel réel ou complexe satisfait les deux inégalités fondamentales suivantes
Les articles inégalité de Cauchy-Schwarz et inégalité de Minkowski précisent les cas d'égalités.
On dit que des vecteurs x et y sont orthogonaux si (x | y) = 0. On trouvera dans l'article orthogonalité le développement des définitions et propriétés qui accompagnent cette notion : familles et parties orthogonales, théorème de Pythagore. Voir aussi projection orthogonale.
L'angle θ entre deux vecteurs x et y non nuls peut être défini à partir de leur produit scalaire par la formule
En effet, l'inégalité de Cauchy-Schwarz s'écrit
donc si
on a :
i.e.
On peut donc poser :
Attention : il s'agit d'un angle non orienté. Ce n'est que dans un plan euclidien orienté qu'on sait définir la notion d'angle orienté.
On sait que tout espace vectoriel (réel ou complexe) normé de dimension finie est complet. Ainsi, les espaces euclidiens et les espaces hermitiens sont des espaces de Hilbert (respectivement réels, complexes).