En mathématiques, un espace métrique M est dit complet ou espace complet si toute suite de Cauchy de M a une limite dans M (c’est-à-dire qu'elle converge dans M). La propriété de complétude dépend de la distance. Il est donc important de toujours préciser la distance que l'on prend quand on parle d'espace complet.
Intuitivement, un espace est complet s'il " n'a pas de trou ", s'il " n'a aucun point manquant ". Par exemple, les nombres rationnels ne forment pas un espace complet, puisque n'y figure pas alors qu'il existe une suite de Cauchy de nombres rationnels ayant cette limite. Il est toujours possible de " remplir les trous " amenant ainsi à la complétion d'un espace donné.
La complétude peut aussi être définie pour des espaces uniformes, comme les groupes topologiques.
Pour tout espace métrique M, il est possible de construire un espace métrique complet M' (également noté ou ) qui contient M comme sous-espace dense. Il possède la propriété suivante : si N est un espace métrique complet quelconque et f est une fonction uniformément continue de M vers N, alors il existe une unique fonction uniformément continue f' de M' vers N qui prolonge f. M' est appelée complété de M.
Le complété de M peut être construit comme l'ensemble des classes d'équivalence des suites de Cauchy de M. Pour deux suites de Cauchy et de M, on définit alors la relation :
où d est la distance sur l'ensemble M. Cette relation est bien une relation d'équivalence. On note alors son ensemble quotient.
Il s'agir alors de munir d'une distance qui le rendra complet. Sur l'ensemble des suites de Cauchy, on définit l'application f qui, à deux suites de Cauchy U = (un) et V = (vn), associe le réel . Cette relation est bien une application car, les suites U et V étant de Cauchy, on peut prouver que la suite (d(un,vn)) est une suite de Cauchy de , donc une suite convergente (car , muni de la distance usuelle, est complet). Cette application vérifie toutes les propriétés d'une distance sauf une : f(U,V) = 0 n'implique pas forcément que U = V.
En revanche, de cette application, on peut induire une application sur l'ensemble quotient , application qui, aux classes de U et V, notées et , associe . On démontre que cette définition est indépendante des représentants choisis et définit bien une distance sur .
L'espace originel est plongé dans le nouvel espace par identification d'un élément x de M à la classe d'équivalence qui contient la suite constante de valeur x.
On démontre alors que l'espace , muni de la distance d, est complet et que M est dense dans .
La construction des nombres réels est un cas particulier; l'ensemble des nombres réels est le complété de l'ensemble des nombres rationnels, la valeur absolue usuelle étant utilisée comme distance. En utilisant d'autres notions de distance sur les nombres rationnels, on obtient d'autres ensembles, les nombres p-adiques.
Si cette procédure est appliquée à un espace vectoriel normé, on obtient un espace de Banach contenant l'espace original comme sous-espace dense. Appliquée à un espace préhilbertien, on obtient un espace de Hilbert.
La complétude est une propriété métrique, mais pas topologique, ce qui signifie qu'un espace métrique complet peut être homéomorphe à un espace qui ne l'est pas. L'ensemble des nombres réels, par exemple, est complet et homéomorphe à l'intervalle ]0,1[ muni de la topologie induite par la topologie usuelle de qui n'est pas complet.
En topologie, un espace est considéré comme topologiquement complet s'il existe une métrique complète induisant la topologie de cet espace. Un tel espace est également appelé espace polonais.
Un tel espace est un cas particulier d'espace de Baire.
Exemple : c'est le cas de l'ensemble ]0,1[ qui n'est pas complet avec la distance usuelle, mais qui le devient avec la distance d(x,y) = | tan(πx − π / 2) − tan(πy − π / 2) | .
L'épithète "complet" est parfois utilisé dans le sens suivant: un ensemble ordonné est dit complet si toute partie admet une borne supérieure (avec la convention que tout élément majore l'ensemble vide et donc que ). Ceci est équivalent (voir ci-dessous) à ce que toute partie possède une borne inférieure (avec la convention opposée pour l'ensemble vide: ). Par exemple, tout segment est un ensemble ordonné complet. En revanche, est complet pour la distance usuelle mais pas en tant qu'ensemble ordonné. Pour éviter toute confusion Bourbaki avait proposé le terme achevé, qui ne s'est pas imposé. Ainsi, n'est pas achevé mais l'est, d'où son nom de droite réelle achevée. Un autre exemple est l'ensemble P(E) des parties d'un ensemble E avec pour ordre l'inclusion: la borne supérieure est la réunion et la borne inférieure l'intersection.
Soit un ensemble ordonné achevé: toute partie de E possède une borne supérieure (y compris l'ensemble vide, ce qui impose que E ait un minimum). Soit A une partie de E et M l'ensemble de ses minorants. Soit c la borne supérieure de M (qui existe car E est achevé). Alors c=inf(A). En effet:
L'implication réciproque se démontre de manière analogue.
Par ailleurs, un tel ensemble est un cas particulier de treillis complet. On dispose donc du théorème de Knaster-Tarski: toute application croissante d'un ensemble ordonné achevé dans lui-même possède un point fixe.