En algèbre linéaire, un espace vectoriel est une structure algébrique permettant en pratique d'effectuer des combinaisons linéaires. Pour une introduction au concept de vecteur, voir l'article Vecteur.
Étant donné un corps (commutatif) K, un espace vectoriel E sur K est un groupe commutatif (dont la loi est notée +) munie d'une action compatible de K (voir la définition exacte). Les éléments de E sont appelés des vecteurs, et les éléments de K des scalaires.
Les premières traces de discussion concernant les espaces vectoriels
Afin de parvenir à une résolution géométrique sans utiliser la notion de coordonnées, le mathématicien Bolzano introduisit en 1804 des opérations sur les points, droites et plans, lesquelles sont les précurseurs des vecteurs [1]. Ce travail trouve un écho dans la conception des coordonnées barycentriques [2] par Möbius en 1827. L'étape fondatrice de la définition des vecteurs fut la définition par Bellavitis du bipoint, qui est un segment orienté (une extrémité est une origine et l'autre un but). La relation d'équipollence, qui rend équivalents deux bipoints lorsqu'ils déterminent un parallélogramme, achève ainsi de définir les vecteurs.
D'autres exemples d'espaces vectoriels apparaissent avec la présentation des nombres complexes par Argand et Hamilton, puis celle des quaternions par ce dernier, comme des éléments des espaces vectoriels respectifs
En 1857, Cayley introduisit la notation matricielle, qui permit d'harmoniser les notations et de simplifier l'écriture des applications linéaires entre espaces vectoriels. Il ébaucha également les opérations sur ces objets.
Vers la même époque, Grassmann reprit le calcul barycentrique [3] initié par Möbius en envisageant des ensembles d'objets abstraits munis d'opérations. Son travail dépassait le cadre des espaces vectoriels car, en définissant aussi la multiplication, il aboutissait à la notion d'algèbre. On y retrouve néanmoins les concepts de dimension et d'indépendance linéaire, ainsi que le produit scalaire apparu en 1844. La primauté de ces découvertes est disputée à Cauchy avec la publication de Sur les clefs algébrique dans les Comptes Rendus.
Le mathématicien italien Peano, dont une contribution importante a été l'axiomatisation rigoureuse des concepts existants — notamment la construction des ensembles usuels — a été un des premiers à donner une définition contemporaine du concept d'espace vectoriel, vers la fin du XIXe siècle [4].
Un développement important de ce concept est dû à la construction des espaces de fonctions par Lebesgue, construction qui a été formalisée au cours du XXe siècle par Hilbert et Banach, lors de sa thèse de doctorat en 1920.
C'est à cette époque que l'interaction entre l'analyse fonctionnelle naissante et l'algèbre se fait sentir, notamment avec l'introduction de concepts clés tels que les espaces de fonctions p-intégrables ou encore les espaces de Hilbert. C'est à cette époque qu'apparaissent les premières études sur les espaces vectoriels de dimension infinie.
Soit K un corps. On appelle K-espace vectoriel tout triplet (E,+,•) où :
Selon le corps K, on peut parler de K-espace vectoriel, espace vectoriel rationnel, réel ou complexe. Cette terminologie s'utilise notamment en analyse.
Des axiomes ci-dessus découlent les propriétés suivantes :
Dans certains ouvrages, les vecteurs peuvent être notés surmontés d'une flèche ou écrits avec des lettres en gras.
Un sous-espace vectoriel d'un espace vectoriel E est un sous-groupe additif F de E stable par l'action de K. Dit autrement, la somme de deux éléments de F est un élément de F et le produit d'un scalaire par un vecteur de F appartient à F. En d'autres termes, on demande à ce que F soit stable par combinaison linéaire.
Une combinaison linéaire est une somme finie de vecteurs affectés de coefficients (scalaires). La somme d'une famille finie d'éléments d'un groupe abélien est connue. La combinaison linéaire d'une famille de vecteurs
Lorsque l'ensemble d'indexation
Soient F et G deux sous-espaces vectoriels d'un K-espace vectoriel E. On définit la somme de F et de G par :
F+G est un sous-espace vectoriel de E, c'est même le plus petit sous-espace vectoriel de E (au sens de l'inclusion) contenant F et G.
La classe des espaces vectoriels n'est pas un ensemble. La classe des espaces vectoriels sur un corps fixé, identifiés à isomorphisme linéaire près, n'est pas non plus un ensemble. De fait, la liste suivante ne saurait être exhaustive. Les espaces vectoriels cités trouvent leur intérêt dans les structures additives dont ils sont naturellement munis.
Une famille issue d'un espace vectoriel E est une " collection " de vecteurs de E.
Une famille
Par exemple, une famille d'un seul vecteur non nul est toujours libre. A contrario, une famille quelconque comportant le vecteur nul est liée.
On peut montrer qu'une famille
Une famille d'éléments de E est dite génératrice (de E) lorsque tout élément de E peut s'exprimer d'au moins une manière sous la forme d'une combinaison linéaire des éléments de cette famille.
On appelle base de l'espace vectoriel E toute famille d'éléments de E libre et génératrice.
On peut montrer qu'une famille
On démontre au moyen de l'axiome du choix que tout espace vectoriel non réduit à
Si un espace vectoriel E admet une base ayant un nombre fini d d'éléments, alors toute base de E a ce même cardinal d.
L'entier d est appelé la dimension de E, notée
On convient qu'un espace vectoriel réduit à
On appelle droite vectorielle tout espace vectoriel de dimension finie égale à 1 et plan vectoriel tout espace vectoriel de dimension finie égale à 2.
Les espaces vectoriels qui ne sont pas de dimension finie sont dits de dimension infinie (cf. les exemples en fin d'article). Pour qu'un espace vectoriel E soit de dimension infinie, il faut et il suffit qu'il existe une famille libre infinie d'éléments de E.
Soit E un espace vectoriel de dimension finie (non nulle) égale à n. Alors :
Soient E un espace vectoriel de dimension finie n strictement supérieure à 1, et
Alors, il existe
On dit qu'on a complété la famille libre
Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Alors :
Soient E un espace vectoriel de dimension finie, et
Soit
On dit alors que
C'est une contradiction a l'hypothèse de somme directe. La décomposition, si elle existe, est donc unique. Or l'existence d'une telle décomposition est assurée par la définition même de la somme d'espaces vectoriels.
Si un sous-espace vectoriel admet toujours un supplémentaire, l'unicité de ce dernier n'est absolument pas imposée. (Par exemple, dans
La généralisation à une somme directe de
Les sous-espaces de la famille des
[à continuer]
Soient
L'ensemble des applications linéaire de
On appelle noyau de
On appelle image de
La dimension de l'image est appellée rang de
que l'on peut reformuler sous la forme
On peut munir un espace vectoriel d'une structure topologique compatible avec la structure linéaire. Compatible signifie que l'addition et la multiplication par un scalaire doivent être continues. Des exemples fondamentaux d'espaces vectoriels topologiques sont les espaces de Banach et espaces de Hilbert.
Les modules généralisent les espaces vectoriels puisqu'ils ont les mêmes axiomes de départ, mise à part le fait, important, que la loi externe est définie sur un anneau commutatif et non sur un corps.
De nombreuses propriétés vraies dans les espaces vectoriels ne sont plus vraies dans les modules, par exemple l'existence d'une base n'est plus assurée dans un modules.
[à compléter]