Terre crue - Définition

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Terre crue est le terme utilisé pour désigner la terre, utilisée avec le moins de transformations possible en tant que matériau de construction. Le terme terre crue permet surtout de marquer la différence avec la terre cuite : en effet, le matériau terre se trouve aujourd'hui le plus couramment sous sa forme cuite (briques, tuiles).

Plusieurs techniques de construction utilisant la terre crue existent : le pisé, la bauge, l'adobe. D'autres techniques lui ajoutent d'autres matériaux : le torchis, la terre-paille, la terre-copeaux bois.

Composition de la terre crue

La terre crue est un matériau minéral granulaire, composé de matière solide, liquide et gazeuse. La fraction solide est constituée de grains : cailloux (taille exprimée en centimètres), de graviers (de 20mm à 5mm), de sables (5mm à 0.06mm), de silts (0.06mm à 2µm), d'argiles, qui sont des plaquettes plutôt que des grains (taille inférieure à 2 µm) et d'oxydes métalliques qui ont des propriétés colorantes (taille également inférieure à 2 µm). La fraction liquide est constituée d'eau et de corps organiques et minéraux dissous dans cette eau. La fraction gazeuse est constituée d'azote, d'oxygène, de gaz carbonique ainsi que de gaz issus de la vie présente dans la terre (hydrogène, méthane,etc.) Les fractions liquides et gazeuses subissant des modifications très rapides, on caractérise traditionnellement un sol par sa fraction solide, ce qui se traduit par l'étude de sa granulométrie. Lors de l'utilisation de la terre crue pour réaliser un ouvrage, la fraction liquide est à prendre en compte avec autant d'attention que la fraction solide : c'est l'état hydrique de la terre. Les limites entre les principaux états hydriques (solide, plastique, liquide) sont déterminées par le test dit des "limites d'Atterberg".

On peut considérer la terre crue comme un matériau composite, car sa cohésion est obtenue par la combinaison d'une ossature, constituée des grains (cailloux, graviers, sables et silts), et d'une matrice, constituée de la pate formée par les argiles et l'eau. Cela permet de classer ce matériau dans la famille des bétons , constitués d'un liant et d'une ossature granulaire.

Caractéristiques physiques de la terre crue

masse volumique

La masse volumique est liée à la quantité de matière gazeuse présente dans la terre. Elle s'étale de 1200kg/m³ à 1600kg/m³ pour de la terre foisonnée (dans un tas de terre par exemple). Cette valeur augmente suite à une mise en œuvre par compactation (pisé par exemple). On obtient alors idéalement une masse volumique de 2000kg/m³.

Les mélanges amendés en paille sont plus légers : en terre-paille, la masse volumique est de 300 à 1300kg/m³.

résistance mécanique

La terre crue est un matériau s'apparentant aux bétons. Du point de vue mécanique, elle fonctionne comme ces derniers, uniquement en compression (les valeurs de résistance à la traction, à la flexion et au cisaillement sont très faibles). La terre mise en œuvre de manière monolithique (pisé, bauge) a généralement une résistance à la compression d'environ 20kg/cm²(2MPa). Les éléments de maçonnerie (adobes) ont des résistances à la compression pouvant aller de 20 à 50kg/cm²(2 à 5MPa). L'adjonction d'éléments fibreux (paille par exemple) permet de conférer au mélange une certaine résistance en traction, flexion et cisaillement, mais qui restent tout de même négligeables.

aspects thermiques

Contrairement aux idées reçues, la terre n'est pas un matériau isolant. En revanche, elle possède une excellente inertie thermique. Ceci se traduit par une régulation des différences de températures intérieures (pour l'été : plus frais le jour car le mur se rafraîchit la nuit, rendant cette fraîcheur le jour). Voici quelques valeurs, pour une terre à 1500kg/m³ :

Soit pour du pisé à 2000kg/m³, une capacité thermique de 1800kJ/m³.°C

Histoire de la construction en terre crue

La terre crue est sans doute le matériau de construction le plus vieux du monde. Les premières cités découvertes dans l'ancienne Mésopotamie étaient construites en terre crue, avant même l'invention de l'écriture. Le problème de ce matériau pour l'archéologie est qu'il se dégrade plus rapidement que la pierre, on a donc moins de vestiges aussi marquants que les pyramides d'Égypte. De tels vestiges existent pourtant, mais ils sont moins connus : le Moyen-Orient et l'Asie centrale comptent de nombreux sites exceptionnels tels que Tchoga Zanbil (Iran), Mari (Syrie), ou Merv (Turkmenistan).

Mésopotamie

La terre crue a été employée dans toutes les zones géographiques, par la plupart des civilisations : les plus anciennes traces remontent à il y a 10 000 ans à Jéricho et Mureybet (Syrie). La technique utilisée est alors l'empilement de pains de terre façonnés à la main. Il y a 8500 ans, la brique de terre apparaît (site de Çatal Höyuk, en Anatolie). Puis il y a 7000 ans, une architecture de terre fait sont apparition avec les ouvrages de fortification, suivent l'apparition des coupoles il y a 6500 ans, les temples monumentaux et les villes temple il y a 5000 ans avec Sumer.

Chine

En Chine, les première constructions en terre crue n'étaient autres que des habitats troglodytes, creusés dans la terre (il y a 7000 ans). Puis l'habitat sort un petit peu de terre, et les fortifications en terre battue font leur apparition (il y a 3500 ans). Avec la dynastie des Han apparaissent les premières fortifications en pisé. Cette tradition du pisé perdure, on connaît en particulier les habitats des Hakkas, constitués d'une enceinte massive de pisé à l'intérieure de laquelle une vraie petite ville s'installe, et dont quelques exemples seraient encore habités. Le pisé est toujours utilisé pour la construction aujourd'hui.

Amériques

Les civilisations pré-colombiennes ont également utilisé la terre crue, particulièrement en Amérique centrale et au sud en bordure de l'océan pacifique. Un des exemples les plus connus est Chan Chan, au Pérou, grand ensemble de 12 palais construits sur une surface de 20 km² en bordure de l'océan. Les premières constructions utilisant la terre crue datent d'il y a 11 000 ans. Les civilisations américaines précolombiennes développeront la plupart des techniques connue (adobes, bauge, pisé, torchis) entre -9000 et -5000 avant J.C. Une maîtrise exceptionnelle du pisé a par exemple permis à des ouvrages vieux de plusieurs milliers d'années de nous parvenir, alors que la zone entière est soumise à de forts séismes. En Amérique du Nord, les exemples les plus célèbres de l'utilisation de la terre crue dans la construction sont les Pueblos s'accrochant aux reliefs et falaises, au sud des USA. La construction en terre crue connait un renouveau avec les techniques du pisé et de l'adobe, depuis les années 60 et la redécouverte du bioclimatisme en architecture. Ce renouveau est toutefois limité à des régions chaudes : sud-ouest des USA (Californie, Arizona, etc.)...

Afrique

Les premières traces de construction utilisant la terre crue en Afrique remontent à il y a 8000 ans, avec des cabanes de bois enduites de terre. Les civilisations antiques maîtrisaient l'utilisation de la terre, pour preuve la pyramide de Saqqarah, réalisée en briques de terre. Le développement de la construction en terre crue s'étend sur tout le continent africain, produisant une diversité et une richesse architecturale exceptionnelles. On peut citer l'architecture des mosquées soudanaises (mosquées de Tombouctou, XIIIe siècle après J.C., de Djenné), le tombeau des Askia (empire Songhaï, du XIVe au XVIe siècle), les palais d'Abomey (royaume de Dahomey, Bénin, XVIIe siècle).

La terre crue reste en Afrique un matériau de construction majeur, même si son image est souvent fortement dégradée.

Europe

Les premières traces de construction en terre crue en Europe occidentale datent de 6000 ans avant J.C., il s'agit d'un habitat primitif en Thessalie. De manière générale, le clayonnage enduit de terre est caractéristique des périodes troublées, alors que la brique de terre crue est utilisée dans des périodes de richesse et de stabilité. Il est donc logique que le Moyen Âge voie un retour au pan de bois après une époque romaine privilégiant l'emploi de la brique. Les avancées en charpenterie vont alors faire évoluer les modèles de constructions à pans de bois. Il faudra attendre le Siècle des Lumières pour observer un retour progressif à des habitats massifs en terre crue (pisé, bauge). Ce renouveau est sans aucun doute dû à François Cointeraux, qui écrira plus de 70 fascicules (dont une bonne partie traduits et diffusés sur toute la planète) sur le sujet du pisé. Ce retour en force de la terre crue concerne donc non seulement l'Europe mais le monde entier. La terre crue continuera à être utilisée jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis sera abandonnée pour des solutions plus rapides à mettre en œuvre, dans l'urgence de la reconstruction. Toutefois, le patrimoine constitué jusqu'alors représente aujourd'hui un nombre considérable de bâtiments, surtout ruraux, dans certaines zones (en France : vallées de la Saône et du Rhône, Dauphiné, Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Normandie, Midi toulousain). L'intérêt porté aujourd'hui au matériau dans certains pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, France depuis peu) date du début des années 1980.

Australie et Nouvelle-Zélande

La construction en terre crue est apparue avec les premiers colons. Toutes les techniques ont été utilisées dans premiers temps, mais aujourd'hui, deux prospèrent particulièrement : le pisé et l'adobe. L'Australie est aujourd'hui le pays qui construit le plus au monde en utilisant ces techniques. Dans certaines régions, 20 % du parc immobilier est en pisé.

Actualité de la construction en terre crue

Exemple typique de décrépitude du patrimoine en terre crue en Europe
Exemple typique de décrépitude du patrimoine en terre crue en Europe

Plusieurs mouvements coexistent. D'une part la restauration du patrimoine est l'occasion de re-construire "à l'ancienne" des bâtiments ou des portions de bâtiment. Des maisons particulières sont aussi construites "à l'ancienne" par/pour des passionnés d'authenticité. Certains se fixent "seulement" l'objectif de bénéficier du confort et des qualités énergétiques d'une maison en terre crue. C'est également le cas pour la construction d'ouvrages publics. Enfin des expériences sont tentées d'enrichir le matériau terre crue par des composés non utilisés traditionnellement - le ciment par exemple - ou par des procédés de compression "forte" (BTC).

Les organisations — régions, états, Europe, UNESCO, etc. — ont consacré des fonds importants pour la recherche sur ces différents mouvements et pour la diffusion du savoir. L'observateur attentif reste surpris par l'état du patrimoine en terre crue en Europe et par le faible nombre de constructions neuves, qui sont comparativement plus nombreuses en Amérique du Nord, par exemple.

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