International Thermonuclear Experimental Reactor - Définition

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L'International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER)[1] est un projet de réacteur expérimental à fusion nucléaire (à ne pas confondre avec la fission nucléaire) basée sur la technologie du Tokamak (voir cet article pour le principe de fonctionnement d'ITER). ITER s'inscrit dans la lignée d'engins de recherche fondamentale en Angleterre, aux États-Unis, en France et en Suisse [2], dont les promoteurs estiment qu'ils progressent vers l'objectif recherché [3].

L'objectif de ce type de réacteur est d'obtenir un moyen de production énergétique massive d'avenir, car l'aboutissement à un projet industriel permettrait d'exploiter une source d'énergie quasi inépuisable et peu polluante. Des controverses existent sur l'objectif lui-même et sur la capacité d'ITER à y contribuer.

Vue en coupe d'ITER
Vue en coupe d'ITER

Histoire

Proposition soviétique

C'est lors du Sommet de Genève, en novembre 1985 que Mikhaïl Gorbatchev a proposé de réaliser un programme international pour construire la prochaine génération de tokamak. L'Union soviétique travaillait depuis plusieurs années sur ce type de réacteur exploitant la fusion nucléaire, phénomène qui existe en permanence au sein des étoiles.

En octobre 1986, les États-Unis, l'Europe et le Japon acceptent de rejoindre l'Union soviétique au sein de ce projet. C'est ainsi qu'il a été décidé de créer ITER, qui fut placé sous l'autorité de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Initialement, seuls quatre membres participaient à ITER :

  • la Russie
  • les États-Unis
  • l'Europe, en association avec le Canada
  • le Japon

Phase d'étude, de conception et de coordination

En avril 1988, débuta la phase de conception (appelée Conceptuel design activities ou CDA). Cette phase avait pour but de faire la synthèse des résultats des différents programmes existants pour les intégrer à ITER. La CDA se termina en décembre 1990.

En juillet 1992, à Washington D.C. aux États-Unis, les quatre membres signèrent un accord qui lança la phase d'ingénierie (appelée Engineering design activity ou EDA) qui dura six ans. Cette phase se termina comme prévu fin 1998.

Les États-Unis quittèrent le projet à la fin de la phase EDA, car ils jugeaient ce projet incertain et ruineux [4].

Suite au retrait des États-Unis fut décidé le lancement de la deuxième phase de l'EDA. Cette seconde phase avait pour but de revoir à la baisse les objectifs d'ITER, de manière à prendre en considération le manque de financement apporté par le retrait des États-Unis. Cette phase se termina en juillet 2001.

La phase de coordination (appelée Coordinated technical activities ou CTA) se termina fin 2002. Elle avait pour but de préparer la phase de conception. Elle souleva la question de l'emplacement du site de construction, mais également celles du financement et du cadre juridique d'ITER.

En janvier 2003, la Chine rejoignit ITER, suivie en février du retour des États-Unis et en juin de l'arrivée de la Corée du Sud.

Choix du site de construction du prototype

Initialement, quatre sites de construction ont été proposés :

  • Cadarache, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), en France ;
  • Clarington, dans l'Ontario au Canada ;
  • Rokkasho-Mura, au nord de l'île Honshu au Japon ;
  • Vandellos, en Espagne.

Le choix du site était très important politiquement, mais surtout économiquement. L'investissement d'ITER est estimé à 10,3 milliards d'euros sur 30 ans. Une étude réalisée en France en 2002 prévoit qu'ITER créera 3 000 emplois indirects pendant les 10 ans de construction et 3 250 emplois indirects pendant les 20 ans d'exploitation (dont les 3/4 environ en région PACA). On comprend ainsi que l'implantation d'ITER puisse être considérée par certains comme une aubaine pour la région choisie.

Après une querelle franco-espagnole, l'Espagne a retiré sa proposition le 26 novembre 2003. Cadarache est ainsi resté le seul site soutenu par l'Union européenne. La proposition canadienne de Clarington a disparu d'elle-même, faute de véritable financement et de volonté politique des Canadiens, qui ont décidé de rejoindre le point de vue de l'UE. Le site de Cadarache a également reçu le soutien de la Chine et de la Russie tandis que le site de Rokkasho-Mura recevait celui des États-Unis et de la Corée du Sud.

Emplacement du site de Cadarache en France
Emplacement du site de Cadarache en France

En mai 2005, avant même que le choix du site n'ait été arrêté, le site de Cadarache semblait déjà avoir l'avantage, si bien que l'Union européenne avait décidé, quelle que soit la décision, de commencer les travaux à Cadarache. La déclaration discrète du Premier ministre japonais Jun'ichir? Koizumi le 2 mai 2005 semblait déjà confirmer l'installation d'ITER en France. Celle-ci a proposé de doubler son financement pour la phase de construction, qui passerait à 914 millions d'euros. Le gouvernement français a également demandé aux collectivités locales d'augmenter leur financement, qui est actuellement de 447 millions d'euros.

Alors que le gouvernement japonais défendait toujours officiellement la candidature de son site, il laissait entendre à plusieurs reprises qu'il ne se battrait plus pour avoir 100 % du projet. Le 5 mai à Genève en Suisse, un accord technique a été signé entre le Japon et l'Union européenne, où il était stipulé que le pays hôte (aucun nom n'est alors cité) assumerait 40 % du prix de construction d'ITER, alors que le pays non hôte obtiendrait :

  • 20% des contrats industriels pour la construction ;
  • 20% des effectifs permanents d'ITER ;
  • un programme complémentaire de recherche d'un montant de 700 millions d'euros financé à moitié par le pays hôte et non-hôte ;
  • la construction d'un centre d'étude de matériaux pour la paroi d'ITER, baptisé International Fusion Materials Irradiation Facility (IFMIF) ;
  • le soutien du pays hôte à sa candidature pour le poste de directeur général d'ITER.

Tous ces avantages seront obtenus sans que la contribution n'augmente par rapport aux autres membres non hôtes, qui est de 10% du coût de construction. Le Japon renonce alors implicitement à accueillir le réacteur, mais gagne sur de nombreux tableaux.

C'est finalement à Moscou, le 28 juin 2005, qu'a été signée la déclaration commune de tous les membres du programme ITER, désignant Cadarache comme le site de construction du réacteur.

Phase de construction et d'exploitation

Le 21 novembre 2006 est signé au Palais de l'Élysée l'accord final sur la construction d'ITER, par les représentants de la Chine, de la Corée du Sud, des États-Unis, de l'Inde, du Japon, de la Russie et de l'Union européenne. Les trois textes composant cet accord devront être ratifiés par tous les signataires. La même journée, après la signature de l'accord, le premier conseil des gouverneurs d'ITER a eu lieu au Centre de conférences internationales à Paris.

La phase de construction est prévue pour commencer fin 2006 ou début 2007 et durer de 8 à 10 ans.

La phase d'exploitation devrait commencer en 2015 et durer au minimum 20 ans.

Phase de désaffectation

Une fois la phase d'exploitation terminée, il faudra démanteler l'installation. Les sous-produits issus d'ITER sont peu voire pas du tout radioactifs, ce qui n'est pas le cas de la chambre, qui devra être traitée comme il se doit pour respecter les normes de sécurité qui seront alors en vigueur. Cette phase devrait durer cinq ans [5].

Après ITER

Après la phase d'exploitation et suivant les résultats obtenus, un autre réacteur expérimental de puissance équivalente à un réacteur industriel sera créé. Nommé DEMO (pour DEMOnstration Power Plant qui en français signifie Centrale électrique de démonstration), il sera destiné à étudier la possibilité d'une exploitation commerciale à proprement parler, après quoi les premiers réacteurs d'application pourront être fabriqués, sans doute pas avant 2050 [6].

Caractéristiques annoncées

  • Petit rayon du plasma : 2 mètres
  • Grand rayon du plasma : 6,20 mètres
  • Hauteur du plasma : 6,80 mètres
  • Volume plasma : 840 m³
  • Courant plasma : 15 MAmpères
  • Puissance de fusion : 500 MWatts
  • Durée de maintien : de 6 à 16 minutes
  • Bilan énergétique : Q = 10 (Rapport entre l'énergie fournie par le plasma et l'énergie extérieure fournie au plasma)

Il est à noter que Iter est un réacteur expérimental : un réacteur économiquement viable doit posséder un bilan énergétique supérieur à 50.

Les deux principaux objectifs techniques

  • Le premier est de générer une puissance de 500 mégawatts en n’en consommant que 50, durant 400 secondes (6 minutes 40 secondes). Le record mondial est, à ce jour, de 16 mégawatts générés pour une puissance fournie de 25 MWatt, durant 1 seconde, réalisé par le Tokamak anglais JET.
  • Le second objectif vise à maintenir les réactions de fusion dans le plasma pendant au moins 1000 secondes (16 minutes 40 secondes). Dans ce cas, pour 50 mégawatts fournis, seuls 250 mégawatts seront produits. Le record mondial est, à ce jour, de 6 minutes et 30 secondes, réalisé par le Tokamak français Tore Supra.

Organisation d'ITER

La gestion d'ITER est réalisée par un ensemble d'instances où se réunissent les différents membres.

La principale instance est le Conseil ITER, situé à Moscou en Russie. Il est composé de 8 membres :

  • 2 européens,
  • 2 russes,
  • 2 japonais,
  • 2 américains.

Le Conseil ITER est assisté par 2 comités :

  • le comité technique (appelé le Technical advisory committee ou TAC) ;
  • le comité de gestion (appelé le Management advisory committee ou MAC).

La conception d'ITER est réalisée à Naka, au Japon et à Garching, (près de Munich) en Allemagne. Le nombre total de personnes présentes à Naka et à Garching est d'environ 150.

Membres du projet

Actuellement, les membres du projet sont :

  • la Russie.
  • la Chine,
  • la Corée du Sud,
  • les États-Unis,
  • le Japon,
  • l'Union européenne,
  • l'Inde, à hauteur de 10 %

La Suisse, en raison de son association au programme européen de recherche, participe via Euratom au projet. Le Brésil a également déposé sa candidature pour rejoindre le projet. Ce financement supplémentaire pourrait devenir essentiel en cas de dépassement (fréquent dans ces grands projets) du budget alloué initialement au projet.

Personnalités du projet

Certains chercheurs ou personnalités ont ouvert la voie vers le projet ITER. Parmi eux, citons :

  • René Pellat
  • Robert Aymar
  • Paul Henri Rebut
  • André Samain
  • Jean Jacquinot

Autour d'ITER

ITER est le successeur d'autres tokamaks de recherche, en particulier :

  • TFTR à Princeton aux États-Unis ;
  • Joint european torus (JET), à Culham au Royaume-Uni ;
  • Tore Supra, à Cadarache. L'equipe d'exploitation a réussi le 4 décembre 2003 à maintenir constante une décharge de plasma pendant six minutes et demie et à en extraire plus de 1 000 mégajoules d'énergie thermique. Cette décharge (ou choc, dans le jargon des chercheurs du domaine) a été rendue possible grâce à la technique de bobinages supraconducteurs et au refroidissement actif des éléments de parois, dont l'utilisation est prévue pour ITER ;
  • le JT-60 japonais, premier (et à ce jour seul) tokamak à avoir atteint un rendement Q > 1 (énergie produite = 1,25 x énergie introduite) en 1998.

Problématiques scientifiques et techniques

Neutrons rapides

Le Prix Nobel de Physique japonais Masatoshi Koshiba exprime des réserves [7]au vu des problèmes posés par les neutrons rapides : " dans ITER, la réaction de fusion produit des neutrons de grande énergie, de 14 MeV (mégaélectronvolts), niveau jamais encore atteint . […] Si les scientifiques ont déjà fait l'expérience de la manipulation de neutrons de faible énergie, ces neutrons de 14 MeV sont tout à fait nouveaux et personne à l'heure actuelle ne sait comment les manipuler (...) S'ils doivent remplacer les absorbeurs tous les six mois, cela entraînera un arrêt des opérations qui se traduira en un surcoût de l'énergie " .

Richard Majeski[8] et ses collaborateurs ont publié[9] une méthode permettant de supporter le flux des neutrons. Cette méthode consiste en une première barrière de lithium liquide avec pour but de protéger la seconde barrière, qui elle est solide. Cette méthode a été expérimentée avec succès sur le réacteur d'essai Current Drive Experiment-Upgrade (CDX-U) du laboratoire PPPL[10] de l'Université de Princeton. Les performances du réacteur ont également été améliorées, la tension pour maintenir le courant dans le plasma a été divisée par quatre [11] [12].

Pierre-Gilles de Gennes affirme que le changement d’échelle entre les prototypes existants et ITER n’est pas maîtrisé et qu’on n’a aucune preuve qu’il pourra même fournir de l’énergie : " connaissant assez bien les métaux supraconducteurs, je sais qu’ils sont extraordinairement fragiles. Alors, croire que des bobinages supraconducteurs servant à confiner le plasma, soumis à des flux de neutrons rapides comparables à une bombe H, auront la capacité de résister pendant toute la durée de vie d’un tel réacteur (dix à vingt ans), me paraît fou " [13].

Critiques

Certaines critiques du projet ITER soutiennent que l'on ne parviendra jamais à produire de l'énergie de façon industrielle avec la fusion nucléaire[14]. Le projet de recherche ITER serait donc un moyen de financer indirectement l'industrie nucléaire. Les chercheurs André Gsponer et Jean-Pierre Hurni affirment qu'ITER serait une bonne affaire pour les militaires : une fois ITER opérationnel, il y aurait sur le site de Cadarache en permanence 2 kg de tritium avec un flux annuel de 1.2 kg environ, c’est-à-dire de quoi alimenter un arsenal de plusieurs centaines de têtes nucléaires dopées au tritium [15].

D'autres opposants dénoncent ITER pour des raisons techniques, sans remettre en cause le bien fondé de la fusion nucléaire comme source d'énergie de l'avenir. L'ancien ministre de la Recherche, Claude Allègre, réprouve " un projet de prestige " qui " offre peu de chances de réussite " [16].

Selon Pierre-Gilles de Gennes, Prix Nobel de physique en 1991, " le projet ITER a été soutenu par Bruxelles pour des raisons d'image politique (...) un réacteur de fusion, c'est à la fois Superphénix et l'usine de retraitement de la Hague au même endroit " [17]. En tant qu'ancien ingénieur du CEA, il a de nombreuses réticences vis-à-vis du réacteur expérimental ITER et les multiples difficultés du projet comme l'instabilité des plasmas, les fuites thermiques et la fragilité des métaux supraconducteurs.

Des physiciens, bien que favorables à l'énergie nucléaire, estiment qu'il est prématuré de construire ITER alors que des " verrous technologiques " n'ont pas été levés : " On nous annonce que l'on va mettre le Soleil en boîte. La formule est jolie. Le problème, c'est que l'on ne sait pas fabriquer la boîte ", observe le physicien Sébastien Balibar, de l'École normale supérieure [18].

D'autres critiques remettent en cause le choix du site de Cadarache, en raison du risque sismique : Cadarache est situé sur la faille d'Aix-en-Provence - Durance, la plus active de France. Le site proposé par le Japon était encore plus sensible d'un point de vue sismique.

Critiques liées à ITER

  • La présence de plusieurs kilos de tritium, matière nécessaire à la confection des bombes thermonucléaires. Bien que la technologie des " bombe H " soit très complexe et totalement différente de celle d'ITER, la production de tritium ferait courir un risque de prolifération des armes nucléaires [15].
  • Le tritium est un élément radioactif de période courte, mais son danger vient du fait que lorsqu'il est libéré accidentellement, il s'insinue partout, ce qui crée un risque d'accident du travail grave.
  • La détérioration rapide de la chambre de confinement, évoquée ci-dessus par le professeur Masatoshi Koshiba, imposerait des remplacements réguliers et produirait une quantité importante de déchets radioactifs.
  • Investissement considérable, particulièrement aux dépends d'autres axes de recherche pour la maîtrise de l'énergie ou les énergies renouvelables.

Critique de la faisabilité d'ITER

D'après les physiciens Sébastien Balibar, Yves Pomeau et Jacques Treiner [19], la mise en œuvre d'un réacteur à fusion à l'échelle industrielle suppose de résoudre préalablement trois problèmes :

  • maîtrise des réactions de fusion, particulièrement d'une réaction auto-entretenue ;
  • production massive de tritium ;
  • invention d'un matériau résistant aux flux de neutrons (produits par la fusion) pour les enceintes de confinement.

Le tokamak ITER ne s'attaque qu'au premier problème. L'installation International Fusion Materials Irradiation Facility a été incluse dans le projet pour l'étude de la résistance des matériaux aux neutrons de 14 MeV.

Certaines critiques portent sur l'intérêt d'investir un tel budget dans un programme de recherche qui, selon ses opposants, n'a pratiquement aucune chance d'aboutir un jour.

Impact sur l'environnement

Frédéric Marillier de Greenpeace dénonce le projet : " La fusion nucléaire pose exactement les mêmes problèmes que la fission nucléaire, y compris la production de déchets radioactifs et les risques d'accidents nucléaires et de prolifération " [20].

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