Anamorphose - Définition

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Une anamorphose est une déformation réversible d'une image à l'aide d'un système optique - tel un miroir courbe - ou un procédé mathématique.

Certains artistes ont produit des œuvres par ce procédé et ainsi créé des images déformées qui se recomposent à un point de vue préétabli et privilégié. Historiquement, l'anamorphose est l'une des applications des travaux de Piero della Francesca sur la perspective. En effet, c'est la rationalisation de la vision qui a conduit à systématiser les techniques de projection, dont les anamorphoses sont l'un des résultats. Cet " art de la perspective secrète " dont parle Dürer connaît des applications multiples, aussi bien dans le domaine de l'architecture et du trompe-l'œil que dans des utilisations utilitaires.

Application artistique

Anamorphose classique

L'anamorphose est une particularité étonnante de la perspective.

" La perspective est généralement considérée, dans l’histoire de l’art, comme un facteur de réalisme restituant la troisième dimension. C’est avant tout un artifice qui peut servir à toutes les fins. Nous en traitons ici le côté fantastique et aberrant : une perspective dépravée par une démonstration logique de ses lois. "
Introduction du livre Anamorphoses, ou Thaumaturgis opticus de Jurgis Baltrusaitis, Flammarion. " 

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On connaît de Léonard de Vinci, cette anamorphose d’un visage d’enfant et d’un œil (1485, Codex Atlanticus).  À regarder depuis la droite du dessin, en regard frisant.
On connaît de Léonard de Vinci, cette anamorphose d’un visage d’enfant et d’un œil (1485, Codex Atlanticus). À regarder depuis la droite du dessin, en regard frisant.
Image:Skull-Ambassadors.jpg

Le tableau Les Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune contient près de la base de la toile l'anamorphose d'un crâne, qui est en fait une vanité. On ne peut voir le crâne qu'en regardant le tableau avec une vue rasante.

Il s'agit dans ces deux cas d’anamorphoses directes. Il existe aussi d’autres types d’anamorphoses, où l’on interpose un miroir conique ou cylindrique entre le regard et la peinture qui, déformée, s’y reconstitue. C'est notamment le cas des anamorphoses chinoises datant de l’époque Ming (1368 à 1644).

Anamorphose à miroir
Anamorphose à miroir

Les anamorphoses à miroir permettent grâce à l'interposition d'un miroir cylindrique ou conique de faire apparaître une image qui est la réflexion d'une image déformée conçue à cet effet. L'image déformée est peinte sur une surface plane autour d'un emplacement prévu du miroir ; ce n'est qu'en y installant le miroir que l'image apparaît non déformée sur la surface de celui-ci. Répandu au XVIIe siècle et XVIIIe siècle, ce procédé d'anamorphose a permis de diffuser caricatures, scènes érotiques et scatologiques, scènes de sorcellerie et grotesques qui se révélaient pour un public confidentiel lorsque le miroir était positionné sur la peinture.

Parmi les peintres qui ont utilisé l'anamorphose, on peut par ailleurs citer Félix Labisse.

Anamorphose contemporaine

Trompe-l'œil architectural

Théâtre St Georges, Trompe-l'œil d'architecture par Dominique Antony, Paris, 9e arrdt
La

Les principales utilisations modernes de l'anamorphose interviennent dans le domaine du trompe-l'œil. Elles consistent à peindre d'une façon déformée et calculée une image qui se reconstituera, vue d'un point de vue préétabli, et donnera à la peinture murale une impression de relief et donc de réalité spatiale.

Vue de la petite place St Georges à Paris, un peu plus haut, le spectateur découvre une façade d'immeuble avec fenêtres en arcades et à fronton, volets. Mais toute cette architecture apparente (moulurations, corniches, ombres portées, vitrages et reflets) est fictive, uniquement picturale, sans réalité volumétrique; elle n'est que la résultante visuelle de l'opération que produit l'anamorphose. L'image " anamorphosée " du théâtre vous paraîtra évidente de ce point de vue privilégié, mais en vous déplaçant vous verrez alors l'image se déformer et s'étirer étrangement.

L'opportunité de créer une anamorphose nécessite une étude attentive et appropriée des circonstances scénographiques et topographiques satisfaisantes et un choix judicieux de points de vue obligés et privilégiés.

Ci-dessus, la façade en trompe-l'œil et la " vraie " façade du théâtre Saint-Georges, côte à côte.

Anamorphose ludique

La technique peut également servir un objectif plus ludique, rappelant les utilisations classiques, et cacher dans une image des éléments à découvrir.

Selon Dominique Antony, auteur de l'anamorphose ci-dessous :

" L'image inattendue jaillit vers le regard ébahi du spectateur. C’est un secret et celui qui l'a découvert, le garde ou le divulgue... Cette scénographie de l'anamorphose utilise les ressources et les contraintes de l’architecture pour créer un rapport magique avec celui que, soudain, l'anamorphose rencontre. " 

L'anamorphose est aussi le phénomène des miroirs déformants que l'on trouve dans les animations de foire. Les enfants s'amusent souvent avec leur reflet dans un cuiller.

Applications utilitaires

Application militaire

L'anamorphose a été utilisée pour les périscopes des chars d'assaut dès la Première Guerre mondiale, afin d'augmenter l'angle de vue : l'image était " compressée " par l'objectif du périscope, puis décompressée par l'objectif [1], sans doute afin de réduire la taille du conduit —traversant le blindage — reliant l'objectif à l'oculaire.

Application à la projection cinématographique et vidéo

Image originale (haut) et image anamorphosée sur une pellicule 35 mm (bas)
Image originale (haut) et image anamorphosée sur une pellicule 35 mm (bas)

La projection cinématographique utilise en standard une pellicule de 35 mm de large. En raison des contraintes techniques — présence de perforations pour l'avance du film, d'une bande son optique, défilement normalisé à quatre perforations par image —, la taille du photogramme est limitée à 22×18 mm², ce qui représente un image ayant un rapport largeur sur hauteur de 1,22.

Or, une salle est toujours plus large que haute ; si l'on veut avoir une image plus grande, pour avoir un " grand spectacle ", il faut donc projeter une image plus large. Les formats de projection larges peuvent être obtenus en réduisant la hauteur de l'image sur la pellicule, et en l'agrandissant plus à l'écran. On peut ainsi avoir une image ayant un rapport de 1,85, le photogramme faisant 22×11,90 mm², mais on est limité par le grain de la pellicule : si l'on grossit trop l'image, on obtient une image de qualité médiocre.

Pour avoir une image plus large avec une bonne résolution, avec une pellicule 35 mm, on utilise une anamorphose : l'image est compressée dans le sens de la largeur sur la pellicule (soit à la prise de vue, soit lors du tirage) puis est décompressée à la projection. Le système le plus célèbre est le CinemaScope.

Application en cartographie

Les anamorphoses sont utilisées en cartographie statistique pour montrer l'importance d'un phénomène donné. La carte ne représente alors plus la réalité géographique mais la réalité du phénomène. Par exemple, une commune sera agrandie par rapport aux autres si elle contient plus de chômeurs que la moyenne des autres.

On réalise également des cartes en anamorphose pour percevoir les effets des réseaux de transport. Car les moyens de transports déforment l'espace : géographiquement, Marseille est plus loin de Paris que Périgueux, cependant on peut se rendre plus rapidement à Marseille par la ligne rapide de TGV. Ainsi, l'espace peut être différemment perçu si l'on considère la mobilité humaine.

Lisibilité selon l'angle de vue

L'anamorphose permet d'améliorer la lisibilité de messages ou symboles vu d'une certaine distance. Dans ce cas, la déformation optique subie par le motif représenté à cause l'angle aigu sous lequel il est vu par le spectateur nuit à sa compréhension. Cet inconvénient peut être contourné grâce à l'anamorphose qui permet de rétablir des proportions optiques satisfaisantes pour la bonne perception du message.

Publicité

Depuis les années 1990, les annonceurs exploitent l'aire de jeu de certains sports comme espace publicitaire. Le procédé est apparu aux États-Unis dans le cadre de sports utilisant des surfaces synthétiques (ex. : football américain) ou du parquet (ex. : basket-ball). Cette pratique a été transposée en Europe sur des sports utilisant des terrains gazonnés, en particulier au rugby mais l'angle de prise de vue rasant des caméras retransmettant les matchs à la télévision déformait les logotypes et les faisait apparaître très allongés. Des anamorphoses ont donc été appliquées aux visuels des annonceurs de façon à s'afficher à l'écran de manière conforme à l'apparence d'origine du logotype.

Signalisation routière

Anamorphose routière

La signalisation routière peinte directement sur le sol fait également appel à ce procédé afin que les usagers de la route aient une vue non-déformée d'une image ou d'un texte lorsqu'il se situe à une certaine distance. Dans de nombreux pays, une anamorphose sert à indiquer une piste cyclable, par un vélo peint sur le sol et qui semble étiré en hauteur quand on le regarde du dessus.

Emballages

Certains emballages sont imprimés par flexographie (sorte de tampon encreur, qui permet des impressions en plusieurs couleurs et de grande dimension, jusqu'à 1,3 m × 2 m, y compris sur des films minces comme des sacs plastique (lien)). Le dessin sur la matrice doit être étiré dans le sens de défilement, donc anamorphosé.

De même, l'impression sur un support cylindrique, de type canette, ou de forme plus complexe, nécessite d'avoir un dessin anamorphosé sur la matrice (lien).

Un certain nombre d'emballages sont des feuilles de polymère déformées (thermoformage, soufflage), par exemple pour donner des barquettes. Plutôt que coller un étiquette, qui complique le recyclage (adjonctin de matériaux différents), il est possible d'imprimer un dessin anomorphisé sur la feuille plane, qui sera " remis en forme " par la déformation du matériau (par exemple, procédé Anamap de Kallisto).

Prise de vue à 180 °

Si l'on utilise un miroir hémisphérique convexe, celui-ci reflète le demi-espace qui lui fait face. Si l'on filme ce miroir dans l'axe de son ouverture, on a alors une image déformée sur les bords.

On peut sélectionner une portion de cette image et la désanamorphoser pour obtenir une vision " plate ". En changeant la partie de l'image sur laquelle on travaille, on peut simuler un changement d'angle de vue, voir même simuler un panoramique : la caméra reste en fixe que le miroir, seul change l'interprétation de l'image filmée.

On peut aussi, à partir de plusieurs photographies, recomposer une image globale à 180 ou 360 ° qui permettra de calculer une vue dans n'importe quelle direction (par exemple avec les logiciels PTMac et CubicConverter, le panoramique pouvant être visualisé avec QuickTime (lien)).

Psychanalyse

Le psychanalyste Jacques Lacan, commente largement l'anamorphose dans ses séminaires à propos du regard et de " de la constitution du sujet et de son rapport à la vision ", en se référant au tableau de Holbein, les Ambassadeurs.

" Comment se fait-il que personne n’ait jamais songé à y évoquer quelque chose qui ressemble à l’effet d’une érection.
[...] que voyez-vous qu’est cet objet, étrange, suspendu, oblique au premier plan en avant de ces deux personnages dont la valeur comme regard, je pense, vous est apparue à tous, ces deux personnages figés, raidis dans leur ornement monstrateur entre lesquels toute une série d’objets qui ne sont rien d’autre, que ces objets là même qui dans la peinture de l’époque figurent, les symboles de la veritas. " 

in Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964
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