Une frontière ou les lignes (qc et ang.) sont des mots qui désignent la ligne imaginaire qui sépare deux États souverains. En droit international, chaque État étant souverain sur son territoire, la frontière est inviolable. On peut aussi utiliser le terme " frontière " pour faire référence à d'autres lignes de démarcation que celles d'un territoire national.
Jusqu'au XVIIIe siècle, le mot " frontière " a une signification exclusivement militaire. Le terme semble apparaître au XIVe siècle. Selon Michel Foucher, à cette époque, " Faire frontière ", c'est d'abord faire front à l'ennemi, constituer une ligne de bataille défensive. La frontière en vient alors à désigner un certain type de limite territoriale.
Cette ligne est susceptible de bouger en fonction de l'évolution. On a alors une connotation du mot qui s'est maintenue dans le mot anglais Frontier et dans la locution française correspondante, front pionnier. Le terme " frontier ", par opposition à " boundary ", désigne une zone en mouvement. Aux États-Unis ou Canada, il désignait en particulier un ligne vers l'ouest perçue comme la limite d'un avancée coloniale. Au delà de la " frontier " s'étendaient les territoires à domestiquer. C'est la conquête de l'Ouest qui se déroula entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle). Une logique très comparable est à l'œuvre pour les fronts pionniers contemporains( par exemple, ceux de l'Amazonie brésilienne).
Avec l'émergence de pouvoirs concentrés et le désir de mainmise du Prince sur son territoire, la frontière devient petit à petit le moyen de désigner la limite séparant deux États. Parallèlement, à partir de la Renaissance, l'essor de la cartographie renforce ce désir de tracer des limites.
Dans la perspective d'une construction étatique et l'affirmation d'un pouvoir, le Prince a tenté d'affirmer l'existence de frontières naturelles à son territoire. Deux théories principales de la frontière naturelle on été formulées.
L'une reconnaît l'existence d'accidents géographiques (marais, rivière/fleuve, lac, montagne/ligne de crêtes, océan) qui permettraient de marquer la séparation " naturelle " entre des États, voire des peuples. Par exemple, en France, entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle, les différents dirigeants ont tenté d'affirmer l'existence d'un pré-carré français compris entre l'Atlantique, les Pyrénées, la Méditerranée, les Alpes, le Jura, le Rhin. Plus difficile à observer topographiquement la frontière avec la Belgique prend en compte une politique des enclaves des " terres pesle-meslées " (Vauban).
Le 13 janvier 1793, à la tribune de la Convention, Danton exprime la “doctrine” des frontières naturelles de la France : "Les limites de la France sont marquées par la nature, nous les atteindrons des quatre coins de l’horizon, du côté du Rhin, du côté de l’Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République. "
L'autre théorie est celle du géographe allemand Friedrich Ratzel: pour lui, les frontières naturelles ne reposent pas sur une justification topographique, mais sur une césure ethnoculturelle (critères ethniques, linguistiques, culturels...) ou frontière culturelle.
D'autres géographes ont pris le parti de considérer les frontières comme construction humaine. Pour eux, une frontière est le fruit de rapports de force et de négociations entre des forces politiques. Elles fixent durablement et dans les lois un statu quo. Élisée Reclus, dans l'Homme et la Terre (1905), dénonce ce fait : " Le cas des îles mis à part, toutes les bornes plantées entre les nations sont des œuvres de l’homme ". Le géographe Jacques Ancel, dans son ouvrage Géographie des frontières (1938), réaffirme cette position en définissant la frontière comme " un " isobare politique ", qui fixe, pour un temps, l’équilibre entre deux pressions ; équilibre de masses, équilibre de force ", pour lui, elle est le fait de " pseudo-savants ".
À partir des années 1940, la plupart des géographes s'engagent dans une critique de la théorie des frontières naturelles, à laquelle ils reprochent certaines dérives pratiques (Gonzague de Reynold).
Toutefois, l'utilisation de l'expression " frontière artificielle " a commencé elle aussi à être critiquée dans les années 1980, voire surtout 1991, dans la mesure où elles renvoyaient à des erreurs du passé, notamment des colonisations et décolonisations.
On peut s'interroger quant à l'existence d'une " bonne " frontière qui prendrait en compte de façon précise et locale des réalités sociales...
On distingue différents types de lignes frontières terrestres :
À regarder sur une carte, bon nombre de frontières ne semblent pas avoir de justifications évidentes, la frontière entre la France et la Belgique par exemple. Ces frontières sont souvent le fruit d'une longue histoire faite de guerres et de compromis entre les pays. Le plus souvent, elles tiennent également compte de l'identité culturelle des populations vivant près de la frontière.
La question de la souveraineté des États sur les espaces maritimes qui les bordent a été réglée lors de la Conférence de Montego Bay (1982).
On reconnaît aux États un droit de pleine souveraineté sur les eaux territoriales qui s'étendent sur douze milles à partir des côtes. Cette zone est donc considérée comme partie intégrante du territoire national. Les navires étrangers y ont cependant un droit de passage innocent et le droit de poser des câbles sous-marins.
Jusqu'à deux cents milles des côtes, l'État possède une zone économique exclusive (ZEE), dans lequel il a un droit de gestion des ressources.
Dans certaines régions, ces règles ne peuvent être appliquées car la mer est trop étroite. C'est le cas, par exemple, en Méditerranée. Lorsque deux États sont séparés par un détroit, la frontière passe au milieu.
La frontière peut représenter un obstacle aux communications et aux échanges entre deux États en imposant des restrictions au passage des biens, des capitaux ou des personnes.
On peut idéalement distinguer entre :
Certaines entités politiques ont édifié des murs pour protéger leur territoires. Certains sont encore visibles de nos jours:
Avec les transformations technologiques (essor de l'aviation), les murailles ont perdu de leur importance militaire. Certaines régions frontalières restent toutefois fortement militarisées, en particulier celle entre les deux Corée. Dans le monde, d'assez nombreuses frontières sont actuellement matérialisées par des barrières dont on trouve ci-dessous une liste. On peut noter que leur rôle est de plus en plus fréquemment de lutter contre l'immigration clandestine.
Le concept de frontière ayant une origine militaire, il est sujet à des tensions ou à des crises/conflits régionaux, voire parfois internationaux. Parmi ces conflits ou ces tensions, on peut dégager deux types : d'un côté les conflits/crises ayant pour origine une tentative d'agrandissement du territoire (affirmation de la puissance, recherche de nouvelles ressources naturelles, etc.) ; de l'autre, des conflits/crises tenant principalement au tracé de cette limite.
Dans ces situations, il n'est pas rare de voir la région frontalière militarisée (forts, casernes, etc.). Cette présence militaire, d'un point de vue stratégique, devient limitée dans la mesure où les États possèdent une puissance aérienne suffisante.
Exemples de crises ou conflits duês à une question de frontière :
La question du partage de l'eau est épineuse dans les régions frontalières. Les fleuves qui passent sur la frontière peuvent poser différents problèmes, bien que le principe de la liberté de navigation sur les fleuves internationaux ait été énoncé depuis le traité de Vienne en 1815.
L'Iran et l'Irak se sont ainsi fait la guerre (1980-1990) pour la maîtrise du chenal de navigation sur le Chott-el-Arab (fleuve né du confluent du Tigre et de l'Euphrate).
Mais la principale difficulté réside dans des conflits sur l'utilisation des eaux, en particulier pour l'irrigation et l'approvisionnement des populations. Le conflit israélo-palestinien en est l'illustration puisque la colonisation des Territoires occupés est justifiée par le besoin israélien de contrôler les nappes phréatiques de Cisjordanie. Il en est de même des tensions entre Turquie, Syrie et Irak à propos du partage des eaux de l'Euphrate.
Les taux d'imposition et les niveaux de développement économiques diffèrent souvent entre les deux côtés de la frontière. Certains acteurs économiques peuvent dès lors tirer profit de l'existence de ces contrastes.
Le cas le plus spectaculaire est sans doute celui de la région frontalière entre le Mexique et les États-Unis. On a assisté au développement de villes jumelles de part et d'autre de la frontière. Côté États-Unis se trouvent les quartiers résidentiels les plus aisés, ce qui permet par exemple aux habitants de bénéficier du système éducatif américain. De l'autre côté de la frontière se trouvent les industries de type maquiladoras qui jouisssent d'avantages fiscaux accordés à la région par le gouvernement de Mexico.
Les frontières sont également un lieu privilégié pour le trafic et la contrebande, certains lieux servant de plaque tournante aux commerces illicites les plus divers.