Diagonalisation - Définition

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Fig. 1. Modification par un endomorphisme diagonalisable d'un parallélotope dont les côtés sont formés par une base de vecteurs propres.
Fig. 1. Modification par un endomorphisme diagonalisable d'un parallélotope dont les côtés sont formés par une base de vecteurs propres.

La diagonalisation est un procédé d'algèbre linéaire. Il s'applique à des endomorphismes d'un espace vectoriel. Il consiste à rechercher une base de l'espace vectoriel constituée de vecteurs propres.

Ce procédé entre dans la famille des réductions d'endomorphismes. Les réductions consistent à décomposer pour un endomorphisme donné l'espace vectoriel entier en somme directe de sous-espaces stables par l'endomorphisme, tels que les restrictions de l'endomorphisme aux sous-espaces puissent être décrites simplement. Dans le cas d'un endomorphisme diagonalisable, la réduction a une forme particulièrement simple : l'application linéaire se résume à une homothétie sur chacun de ces sous-espaces. La figure 1 illustre la transformation d'une base de vecteurs propres par un endomorphisme diagonalisable. Les images de ces vecteurs sont proportionnelles à leurs antécédents.

Cette approche dispose de son équivalent dans le langage matriciel. La matrice d'un tel endomorphisme est dite diagonalisable. Elle est caractérisée par le fait d'être semblable à une matrice diagonale. Le terme diagonalisation provient du langage matriciel.

Définition

Un endomorphisme u d'un espace vectoriel E est dit diagonalisable lorsqu'il vérifie l'une des propriétés équivalentes suivantes :

  • Il existe une base de E constituée de vecteurs propres de u.
  • La somme (nécessairement directe) des sous-espaces propres de u est l'espace E.

Dans le cas où E est de dimension finie, on peut reformuler ainsi la seconde propriété : la somme des dimensions des sous-espaces propres est égale à la dimension de l'espace entier.

Motivations

Réduction

Article détaillé : Réduction d'endomorphisme

Les endomorphismes sont des structures largement utilisées, à la fois dans un cadre théorique et pratique. De multiples exemples sont donnés dans l'article endomorphisme. Or le calcul sur les endomorphismes est souvent complexe, particulièrement pour la loi de composition interne. Il est donc important de pouvoir disposer d'un mode opératoire aussi simple que possible. Une bonne approche pour atteindre cet objectif est l'utilisation du concept de réduction. La diagonalisation se présente comme un cas particulier qui est traité de manière plus générale dans l'article correspondant. Pour le cas diagonalisable, la réduction, qui consiste en une décomposition en sous-espaces, confère aux sous-espaces cinq propriétés fortes :

  • la somme des sous-espaces génère l'espace entier
  • la somme des sous-espaces est directe
  • la somme des sous-espaces est maximale en cardinal, car chaque sous-espace est de dimension 1
  • chaque sous-espace est stable par l'endomorphisme
  • la restriction de l'endomorphisme à un sous-espace est une homothétie.

Cette réduction est composée des espaces engendrés chacun par un élément d'une base de vecteurs propres.

La réduction propose un cadre d'analyse décrivant totalement l'endomorphisme. Elle ne contient aucune redondance, ce qui signifie qu'il n'existe qu'une seule manière de décomposer un vecteur sur cette réduction. Et elle est aussi simple que possible car les sous-espaces sont de dimension 1 et la restriction de l'endomorphisme est une homothétie. La diagonalisation correspond à la configuration la plus favorable de la réduction.

Cas des endomorphismes diagonalisables

Ce cas est intéressant à deux titres.

Les critères permettant de déterminer l'aspect diagonalisable d'un endomorphisme ne manquent pas. L'algèbre linéaire propose plusieurs méthodes. Une analyse des vecteurs propres offre des conditions nécessaires et suffisantes. La théorie des polynômes d'endomorphismes en propose d'autres, parfois plus opérationnelles. D'autres critères proviennent par exemple des distances. Les outils de diagonalisations quittent alors l'algèbre linéaire pure et se situent dans le cadre des formes quadratiques ou sesquilinéaires. L'analyse fonctionnelle peut aussi ouvrir la voie à des diagonalisations en dimension infinie. En conséquence, tant sur le plan pratique que théorique, un riche outillage est disponible pour réaliser une diagonalisation dans le cas où elle s'avère possible.

Sous de bonnes conditions, les endomorphismes sont souvent diagonalisables. Dans le cas de la dimension finie, si le corps associé à l'espace vectoriel est algébriquement clos alors ils sont presque toujours diagonalisables, au sens de la mesure. Si le cas diagonalisable est fréquent au sens de la mesure, il l'est aussi pour la topologie, ainsi l'ensemble des endomorphismes diagonalisables est partout dense. Pour les réels, aussi bien pour les cas théoriques que pour les applications pratiques, il est fréquent de plonger l'espace vectoriel dans un espace de dimension double et muni d'une structure d'espace vectoriel complexe; cette technique rend le cas diagonalisable fréquent.

Applications

Les applications sont trop nombreuses pour pouvoir être intégralement traitées dans le cadre de cet article.

Pour les cas appliqués à l'algèbre linéaire, des exemples sont donnés dans l'article matrice diagonale.

Des utilisations dans un objectif non purement mathématique comme la physique, les statistiques ou les sciences de l'ingénieur, des exemples, sont donnés dans l'article Valeur propre.

Seuls quatre cas théoriques, et dépassant le cadre strict de l'algèbre linéaire, sont traités ici. Ils illustrent, chacun dans des contextes différents, la puissance de la réduction, dans le cas diagonalisable.

  • La théorie des représentations d'un groupe fini d'un groupe fini, avec comme exemple le cas commutatif.
  • La relation entre deux distances euclidiennes ou hermitiennes, où une diagonalisation dans le contexte du théorème spectral montre l'existence d'une base orthonormale pour la première distance et orthogonale pour la deuxième.
  • L'exponentielle des endomorphismes réels et complexes utilisée à la fois dans l'étude des groupes de Lie et des équations différentielles linéaires

Propriétés

Propriétés algèbriques

Article associé: Réduction d'endomorphisme

L'analyse des valeurs propres fournit une première approche de la diagonalisation. Il fournit la proposition suivante:

  • Soit a un isomorphisme, c'est-à-dire un endomorphisme bijectif; si u est un endomorphisme diagonalisable, alors a-1.u.a est aussi diagonalisable.

La théorie générale de la réduction d'endomorphisme offre une multitude de critères de diagonalisabilité ; ils sont démontrés dans l'article associé. Dans le cas de la dimension finie, le polynôme caractéristique offre les conditions suivantes:

  • Si le polynôme caractéristique possède n racines distinctes, alors l'endomorphisme est diagonalisable.
  • Si l'endomorphisme est diagonalisable, alors le polynôme caractéristique est scindé.
  • l' ordre de multiplicité algébrique d'une valeur propre est l'ordre de multiplicité de la racine dans le polynôme caractéristique.

L'ordre de multiplicité algébrique d'une valeur propre λ correspond donc à la puissance du monôme (X-λ) dans le polynôme caractéristique. L'adjonction de cette définition permet l'expression d'une condition nécessaire et suffisante de diagonalisabilité.

  • L'endomorphisme est diagonalisable si et seulement si, tout sous-espace propre possède une dimension égale à la multiplicité algèbrique de la valeur propre associée.

Le polynôme minimal propose un critère particulièrement simple dont la preuve est donnée dans l'article Polynôme d'endomorphisme:

  • Un endomorphisme u est diagonalisable si et seulement son polynôme minimal est scindé sur K et à racines simples.

Topologie et mesure

Fig. 2. Nappe représentant l'adhérence des endomorphismes non diagonalisables sur le corps des complexes.
Fig. 2. Nappe représentant l'adhérence des endomorphismes non diagonalisables sur le corps des complexes.

L'algèbre des endomorphismes est parfois utilisée dans un contexte d'analyse fonctionnelle ou pour la représentation d'une structure continue, comme un groupe de Lie. Ses propriétés topologiques deviennent nécessaires pour certaines démonstrations, même en dimension finie.

Les endomorphismes non diagonalisables possèdent des propriétés remarquables à la fois en terme de topologie et de mesure dans le cas des nombres complexes et en dimension finie. Les propriétés suivantes sont vraies sous ces hypothèses.

  • L'adhérence de l'ensemble des endomorphismes non diagonalisables est l'ensemble des endomorphismes ayant un sous-espace caractéristique de dimension au moins égale à deux.
  • L'ensemble des endomorphismes non diagonalisables est rare, c'est-à-dire que son adhérence est d'intérieur vide.
  • L'ensemble des endomorphismes non diagonalisables est de mesure nulle.
  • L'ensemble des endomorphismes diagonalisables est dense.
  • L'ensemble des endomorphismes diagonalisables est connexe car il est connexe par arcs.

La figure 2 illustre la situation. Elle représente l'algèbre des endomorphismes réels d'un espace de dimension 2. Cette algèbre est de dimension 4; pour une représentation en dimension 3 l'axe vectical représente le produit de -b avec c. L'adhérence des endomorphismes non diagonalisables apparaît comme une conique de dimension 3 dans un espace de dimension 4 (en dimension 2 sur la figure). L'espace est décomposé en deux composantes connexes, la partie supérieure représente les endomorphismes diagonalisables uniquement sur les complexes, la partie inférieure les endomorphismes diagonalisables sur les nombres réels et la surface l'adhérence des non diagonalisables. La droite d'équation d = a avec b = c = 0 est la droite des endomorphismes dans l'adhérence mais diagonalisables. Dans le cas représenté, ce sont les homothéties.

Si le prolongement par continuité est possible, alors une propriété vraie sur les endomorphismes diagonalisables est vraie partout. Un exemple de démonstration de cette nature est donnée pour le calcul de l'exponentielle.

Pour le cas réel, la situation est différente. Par exemple, si l'espace vectoriel est de dimension 2, l'espace est séparé en deux composantes connexes par une conique. Une composante ne contient que des endomorphismes diagonalisables, l'autre que des endomorphismes non diagonalisables, et la conique contient les deux situations.

Applications

Les applications dans le cadre strict de l'algèbre linéaire se trouvent dans l'article Matrice diagonale. Ce paragraphe contient des exemples d'utilisation de l'algèbre linéaire dans un contexte qui dépasse son cadre d'origine. Elles illustrent la richesse de la notion de diagonalisation au sein des différentes branches des mathématiques. Par construction, la compréhension des exemples exige une culture mathématique plus étendue que ceux donnés dans l'article sur les matrices diagonales.

Représentation de groupe fini commutatif

Le premier exemple traite d'un cas algébrique pur, provenant de la théorie des groupes. Il se limite aux groupes dont le cardinal est fini. Si le cas général se révèle extraordinairement vaste et complexe, il existe une exception, les structures des groupes abéliens finis, beaucoup plus simple.

Dans la suite du paragraphe G désigne un groupe fini commutatif. Une approche pour l'analyse de cette théorie consiste à établir une représentation φ du groupe G. Établir une représentation revient à définir un morphisme de groupe, vers une structure où l'on dispose d'un certain nombre d'outils permettant d'analyser l'image du groupe. Cette approche, consistant à établir un pont entre deux branches des mathématiques, peut se révéler féconde; elle est donc largement utilisée. Ce cas particulier en est une illustration.

Dans le cas étudié ici, la structure d'arrivée du morphisme est le groupe orthogonal SO_n(\mathbb C)\; d'un espace vectoriel Hermitien E de même dimension n que le cardinal du groupe. C'est un cas classique d'action de groupe, c'est-à-dire où le groupe agit sur un ensemble, en l'occurrence E.

Il est possible d'identifier une base orthonormale quelconque de E avec les éléments du groupe G. En conséquence, la famille (gi) représente donc à la fois le groupe, mais aussi une base. Le théorème de Cayley nous indique que le morphisme de G dans l'ensemble des permutations de G, défini par:

\forall g \in G \; \phi (g).g_i= g.g_i \;

est un morphisme de groupe injectif. L'application φ(g) est une permutation d'une de E. Il est possible de prolonger cette permutation en un endomorphisme. En effet, un endomorphisme est défini de manière univoque par l'image d'une base. L'image par φ(g) de la base orthonormale est encore une base orthonormale, elle est en effet égale à une permutation de la base d'origine. Ceci démontre que l'ensemble d'arrivée est bien SO_n(\mathbb C)\;. Le théorème de Cayley nous garantit que l'application est injective. En conclusion la représention est un isomorphisme de G sur son image. Il est donc possible d'identifier les éléments de G avec leurs actions, c'est-à-dire les endomorphismes orthogonaux.

Cette approche démontre que tout groupe fini possède une représentation isomorphe dans un sous-groupe fini de SO_n(\mathbb C)\;. Ce résultat donne accès aux techniques de diagonalisations sur la représentation, et permet de montrer les résultats suivants :

  • Il existe une base qui diagonalise tous les éléments de la représentation du groupe.

Ce résultat possède le corollaire suivant:

Remarque: Ce résultat est utilisé pour la théorie de Galois sous une forme légèrement plus restrictive. Le corps utilisé n'est plus celui des nombres complexes, mais une extension algébrique. Cette extension contient les n racines n-ièmes de l'unité. Souvent cette extension algébrique est l'extension du corps des nombres rationnels contenant une racine primitive n-ième de l'unité. Cette hypothèse suffit pour que chaque polynôme minimal des représentations des éléments du groupe soit scindé.

Cas de deux distances euclidiennes ou hermitiennes en dimension finie

Fig. 1. La sphère rouge représente la sphère unité pour la première distance, la figure bleue représente la sphère unité pour la deuxième distance. La figure bleue est un ellipsoïde dont les axes peuvent être choisis orthogonaux pour la première distance.
Fig. 1. La sphère rouge représente la sphère unité pour la première distance, la figure bleue représente la sphère unité pour la deuxième distance. La figure bleue est un ellipsoïde dont les axes peuvent être choisis orthogonaux pour la première distance.

Article détaillé : Théorème spectral

Un autre cas important est donné par un contexte théorique plus riche, celui des espaces munis d'une bonne distance. Là encore, la diagonalisation joue un rôle central. Comme dans l'exemple précédent, les méthodes utilisées différent du cadre pur de l'algèbre linéaire.

L'algèbre bilinéaire est l'étude d'applications de deux variables, linaires pour chaque variable. Elle admet un cas particulièrement important, la distance euclidienne. C'est l'application qui, à deux points associe leur distance usuelle. On peut remarquer que le carré de la distance est linéaire en chacun de ses points (le point est ici considéré comme un vecteur), cette propriété connue depuis longtemps s'appelle le théorème de Pythagore. Cette notion se généralise si l'on considère un espace vectoriel non plus réel mais complexe. Cette généralisation définit la distance hermitienne.

Cette notion de distance peut s'exprimer dans un vocabulaire précis, celui des formes bilinéaires c'est-à-dire des applications qui à deux vecteurs associent un nombre et qui sont linéaires pour chaque vecteur. Si l'on appelle φ une telle forme, φ est dite symétrique si pour deux vecteurs x et y on a l'égalité de φ(x,y) avec φ(y,x). Cette propriété est vraie pour une distance; cela signifie que la distance entre x et y est la même que la distance entre y et x. Dans le cas complexe, la bonne symétrie est la symétrie hermitienne; la notion associée est celle de Forme sesquilinéaire. Elle signifie que φ(x,y) est le nombre conjugué de φ(y,x). Dans le cas d'une distance, la longueur au carré d'un vecteur nous est donnée par le nombre φ(x,x). Ce nombre est toujours positif; pour cette raison, on dit qu'une forme quadratique ou hermitienne est positive si φ(x,x) est toujours positif. Un vecteur est de longueur nulle si et seulement s'il est le vecteur nul. On dit donc qu'une forme bilinéaire symétrique ou hermitienne est définie positive si et seulement si elle est positive et que l'égalité φ(x,x) = 0 signifie que x est le vecteur nul. En fait, une conséquence fondamentale du théorème de Pythagore est qu'il existe une équivalence entre les distances euclidiennes et les formes bilinéaires symétriques définies positives que l'on appelle aussi produits scalaires.

Un des résultats les plus importants de l'algèbre bilinéaire réside dans le fait que, si un espace vectoriel est muni de deux distances euclidiennes ou hermitiennes, alors il existe une base, à la fois orthonormale pour la première distance et orthogonale pour la deuxième. Ce résultat est est une conséquence du Théorème spectral. Ce théorème résulte directement de la notion de vecteur propre. En effet, la base apparaît comme une base de vecteurs propres pour le bon endomorphisme. La figure 1 nous montre un exemple. Les valeurs propres sont les abscisses positives des intersections entre la figure bleue et les axes de la base.

Exponentielle

Article détaillé : Équation différentielle linéaire

Les techniques de diagonalisation dépassent largement le cas de l'algèbre. L'exemple donné ici traite d'un cas d'analyse fonctionnelle. Comme souvent, dans ce contexte, des considérations topologiques supplémentaires sont nécessaires.

Il existe un cas particulier important d'équations différentielles, celui où elles sont linéaires. L'article sur les équations différentielles linéaires nous montre que sa résolution est intimement liée à la résolution de l'équation suivante, où a désigne un endomorphisme:

\frac{d}{dt}\phi\; = \; a.\phi \quad avec\quad \phi(0)=Id

La fonction exponentielle sur l'espace des endomorphismes est l'unique solution de cette équation. Or, en dimension finie, sur le corps des nombres réels ou complexes, une analyse à l'aide d'une diagonalisation montre que cette fonction s'exprime sous la forme de la série d'endomorphismes suivante:

\exp(a)\; = \; \sum_{n=0}^{\infty} \frac{a^n}{n!} \;

Cette fonction vérifie de plus la propriété suivante:

si ab = ba\, alors \exp(a + b) = \exp(a) \exp(b)\,

Pour le calcul effectif de la solution, une analyse plus poussée de la réduction des endomorphismes est nécessaire.

La démonstration donnée ici n'est pas la plus générale. Des résultats analogues se démontrent sur les algèbres de Banach.

Diagonalisation et Hilbert

A faire

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