Liberty ship - Définition

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SS Carlos Carrillo, un des Liberty ships
SS Carlos Carrillo, un des Liberty ships

Le terme Liberty ship désigne les cargos construits en masse aux États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale, après la déclaration du Président Franklin Delano Roosevelt, l'été 1940, affirmant la volonté des USA d'être l'arsenal du monde libre, et l'obtention du Congrès, en mars 1941, de la loi Lend-Lease pour aider la Grande Bretagne à financer les acquisitions.

Historique

Ces cargos avaient pour but de ravitailler les forces alliées, lorsque la Bataille de l'Atlantique (1939-1945) orientait et délimitait toutes les batailles futures possibles d'Europe.

Ils étaient à faible coût de production et rapides à construire. Ils sont devenus le symbole de la puissance de l'industrie de guerre des États-Unis.

Basés sur des navires commandés par le Royaume-Uni pour remplacer des bateaux torpillés par les sous-marins allemands, ils ont été achetés par la flotte américaine pour être loués et mis à la disposition de la flotte britannique dans le cadre de la loi Lend-Lease. Seize chantiers navals américains ont construit 2 751 Liberty ships entre 1941 et 1945, ce qui en fait le modèle de bateau le plus produit au monde. Le premier chantier ouvert était à Richmond dans la Baie de San Francisco, ensuite à Vancouver, WA, et Vancouver, BC, et ensuite partout, du Golfe du Mexique aux "Provinces Maritimes" canadiennes du Nouveau Brunswick et de la Nouvelle Écosse.

Contrairement à une idée reçue, les Liberty ship ne sont pas tous des Sister-ship. Il a été construit des Liberty ship de différentes tailles. L'ingénierie systémique de la construction modulaire a permis le déploiement d'une multitude de versions différentes d'un même modèle avec le maximum de simplicité. La version nouvelle et améliorée du "Liberty ship" a été le "Victory ship" qui a sacrifié la rusticité et la simplicité au profit du confort et de la performance, comme les versions successives de la Volkswagen Coccinelle et de la Citroën 2CV, au fil du temps. Avec la construction modulaire en série amorcée par les "Liberty Ships", on ne peut plus parler de "jumelles" ou "Sister-ships" qui concernaient la construction "à la pièce". Le nom de "Liberty ship" a été donné par le Président Franklin Delano Roosevelt, en citant la phrase de Patrick Henry (révolutionnaire américain) "Give me liberty or give me death". L'un des premiers vaisseaux de la série a eu le nom de "SS Patrick Henry" et les suivants étaient si nombreux qu'ils n'avaient plus qu'un numéro, comme la 42ème rue avec la 5ème avenue de Manhattan, New York City.

Cyril Thompson, l’émissaire de Churchill pour le contrat d’achat, a été contacté par Henry J. Kaiser (Henry John Kaiser) qui sera connu plus tard pour la construction automobile dont la “Henry J” des années 50 et surtout la “Jeep” civile des années 60 et ses variantes, ainsi que les véhicules militaires dérivés. Kaiser a formé une équipe de travail (Task Force) multidisciplinaire en prenant en main la production dont le produit est moins important que la technologie de production en série des bateaux sur le modèle de l’industrie auromobile, dans cette épopée.

C’est l’ingénierie systémique, reprise par le Japon de l’après-guerre en construction navale en série, sur une conception (design) de base qui peut se déployer en une foule de variantes. Ainsi, la construction navale japonaise a fait fermer beaucoup de chantiers navals d’Amérique et d’Europe dans les années 60, avant de passer la main à la Corée dans les années 70 pour se consacrer à l’automobile, l’électronique et l’optique, plus profitables et moins consommatrices de matière et d’énergie. Cette ingénierie systémique des années 40 est l’ancêtre direct de la cybernétique industrielle qui va donner plus tard les techniques de management du PPBS (Planning, Programming, Budgeting System) traduit en français en “Rationalisation des Choix Budgétaire” (RCB), de “Critical Paths Method” (CPM) traduit en français sous le nom de “Méthode des Chemins Critiques” et de PERT (Program Evaluation, Review Technic) traduisible dans la culture française par l'idée suivante : “Éviter les Retards Traditionnels”. Ce sont des techniques de gestion dans la coordination d’une multitude d’activités différentes de plusieurs entreprises pour arriver au but commun. L’exemple européen le plus récent de cette ingénierie systémique est le Airbus A380 fait de modules venus à Toulouse de différentes usines d’Europe.

Ingénierie systémique

Elle est dans les interactions entre But-Environnement-Fonction-Structure à travers des boucles de rétroactions négatives correctrices, atténuatrices des déviances. Images de la configuration générale: http://www.marinersinternational.com/end_of_an_era.html

But

Construire plus de tonnage que celui détruit par les forces nazies pendant la traversée. Il en résulte aussi une recherche opérationnelle.

Environnement

Il se compose de l’environnement d’utilisation et celui de production des installations et technologies disponibles: où avant de construire des navires, il a fallu construire des chantiers de construction et inventer une nouvelle technologie d’ingénierie navale à partir de chaînes de montage en série venant de l’industrie automobile. L’environnement d’utilisation est à la fois l’équipage qui manœuvre l’engin et la formation en convoi défensif où la sécurité réside dans le grand nombre de navires pour la traversée.(comme les bancs de poissons et les troupeaux d’herbivores face au prédateur). Pour protéger les convois, il a fallu concevoir et produire des corvettes plus petites et moins coûteuses que les destroyers et des porte-avions d'escorte pour la couverture aérienne dans un "système" cohérent de matériels faciles à produire rapidement et de faible coût, en toute cohésion des composantes. Ces corvettes étaient une spécialité canadienne, comme la HMCS "Blueberry".

Ces porte-avions d'escorte étaient principalement des cargos et des pétroliers convertis à la hâte avec l'ajout d'un pont d'envol-appontage et un château de navigation déporté sur le côté pour libérer l'espace du pont. Des ascenseurs donnaient un accès direct aux cales et soutes pour l'entreposage et l'entretien-réparation de l'aviation embarquée. Ces conversions étaient la solution la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse à un problème urgent posé à l'ingénierie systémique où l'élégance de l'opération est dans la simplicité du rapport coût-performance.

Pour compléter le tableau, il a fallu un dragueur de mines à coque en bois pour ne pas faire exploser les mines magnétiques sur le chemin du convoi organisé comme un système autour du Liberty ship. Le plus célèbre de ces dragueurs de mines sera, plus tard, le Calypso du Commandant Cousteau.

Les marines marchandes (Merchant Marine) alliées ont payé un lourd tribut, souvent méconnu, dans ces convois.

Fonction

Elle consiste à transporter la plus grande variété de cargaisons possibles: des locomotives et chars d’assaut aux avions et aux camions. La vitesse de 11 nœuds est moins importante que la polyvalence, la régularité et la fiabilité. Cette variété de cargaisons allait de la configuration en pétrolier à celle de transport de troupes avec un minimum d'aménagements de détail.

Structure

Elle est la plus simple, la plus éprouvée et la plus évolutive possible à partir des contraintes du but, de l’environnement et de la fonction. La structure se compose de 3 groupes d’éléments: coque, propulsion et navigation.

  • La coque se compose d’une partie centrale à laquelle s’ajoutent la proue (l’avant) et la poupe (l’arrière). Ainsi, l’évolution peut s’effectuer juste en allongeant simplement la partie centrale d’une ou de plusieurs sections, sans autre modification. Les premières coques ont eu des défauts de jeunesse dans l'ignorance des problèmes structuraux de fracture et dans les mauvaises soudures par des bulles d'air. "L'imperfection pousse au progrès" (Flaminio Bertoni) et les premiers scanners radiographiques ont été inventés pour détecter ces bulles d'air, la détection au son des coups de marteau s'avérant insuffisante.
  • La propulsion est assurée par une machine à vapeur simple utilisant le mazout. Fiable et robuste, accouplée à une seule hélice.
  • La navigation est assurée d'un “château” placé au milieu ou aux 3/4 arrière pour donner accès au chargement de 3 cales avants et d'une ou deux cale(s) arrière(s). Pour éviter la dépendance vis-à-vis des installations portuaires, ils sont gréés de leur propres apparaux de levage (mâts de chargement-déchargement).

Le résultat est une “réponse appropriée” aux contraintes du but, de l’environnement, de la fonction et de la structure.

À la construction de l’objet correspond la formation du personnel pour la construction et pour l’utilisation de l’objet, ainsi que pour son entretien et ses réparations. L'équipage d’un tel navire se compose de 45 marins et de 35 artilleurs pour la défense.

Il s’ensuit une construction modulaire en série par soudure (au lieu du rivetage classique des panneaux, à la pièce en cale sèche). Les modules sont construits par une constellation d’ateliers périphériques et transportés au chantier de construction pour l’assemblage final en série. La construction des modules suit le même processus à partir des sous-modules et ainsi de suite, de système en sous-système, jusqu’au sous-sous-système.

À cette production en série du matériel est conjointe une formation professionnelle en série des équipages. De 6 mois elle est ramenée à 6 semaines. Cette réduction du temps de formation s’est effectuée par les techniques systémiques de l' “enseignement par objectifs” et de l' “enseignement programmé” (explicités en psychopédagogie) d’une “technologie éducative” (Educational Technology) naissante dans les années 40 et arrivée à maturité dans les années 60 auprès des pays anglophones principalement.

Le renversement est le passage de l’enseignement par contenus à l’enseignement par objectifs. La perspective systémique est celle de commencer par la fin, c’est-à-dire par l’objectif qui est l’énoncé des compétences à acquérir par l’apprenant. À partir de la définition de l’objectif est configuré ou structuré l’ensemble des méthodes, moyens et voies pour atteindre cet objectif dont la dimension temporelle est le délai.

Cette ingénierie systémique se rapporte également à la production de l’engin et à la formation du personnel pour produire et pour utiliser cet engin. Cette ingénierie systémique (systems engineering) est parfois connue sous le nom de Ingénierie des systèmes en traduction littérale, comme "politiquement correct" (politically correct) au lieu de "rectitude politique".

Cette ingénierie systémique du complexe militaro-industriel des années 40 s'est développée et généralisée en une approche écosystémique qui est une méthodologie à large spectre d'applications dans les sciences et techniques.

Cette ingénierie systémique est un nœud d'enchevêtrements d'entrelacements (cum-plexus) d'ingénierie des processus physiques de la matière in-formée ou mise en forme avec l'énergie collatérale, d'ingénierie des processus psychiques de la pensée et de l'apprentissage et d'ingénierie des processus sociaux des relations sociales. L'ingénierie systémique est, alors, la résultante de ces 3 formes d'ingénierie.

L'ingénierie sociale des années 40 est devenue l'administration publique dans la langue commune d'aujourd'hui. Gregory Bateson et Margaret Mead en parlaient à propos du changement social et la Cité-État de Singapour s'en sert pour la stabilité sociale dans un équilibre précaire entre les communautés chinoise, indienne et malaise qui la constituent.

Cette ingénierie sociale, sur le front domestique (home front), est dans l’entrée massive dans les chantiers de construction des femmes et des Afro-Américains qui, de minorités invisibles, sont devenues une majorité visible, avec des hommes valides sur la ligne de front. Une femme a dit travailler pour faire revenir son homme plus vite et un Afro-Américain pour faire comme tout le monde et au même titre, à un moment où la ségrégation raciale et sexuelle était de rigueur. C'était un changement social de très grande ampleur. Cette ségrégation devient pleinement intelligible avec l'idéologie anglaise des vies égales et séparées, comme les clubs pour "gentlemen" et d'autres pour "ladies" et les "régiments de comté" d'antan et comme le "communautarisme" de la diversité culturelle d'aujourd'hui, en contraste au Jacobinisme centralisateur français de l'homogénéité. La tradition jacobine du monolinguisme contre les autres langues remonte au discours de Barère au Comité de Salut Public.

L’après-guerre

Avec la paix revenue, les Liberty ships continuaient à servir la démocratie, en nourrissant l’Europe et en lui fournissant du matériel pour sa reconstruction avec le Plan Marshall. Paradoxalement, Lorient, base de départ des sous-marins nazis, est devenu le point d’arrivée du blé canadien et du matériel lourd des États-Unis, comme les locomotives 241 (2 roues directrices à l’avant, 4 roues motrices au centre et 1 roue porteuse à l’arrière de chaque côté) neuves pour remplacer le matériel détruit. Cette fois, l’ingénierie systémique se rapporte à la logistique du transport trans-atlantique et de la répartition sur l’Europe occidentale.

Au retour, ces Liberty ships transportaient vers les États-Unis et le Canada les immigrants et les réfugiés de l'Europe dévastée au 3/4 vers une Amérique qui détenait les 3/4 de la richesse mondiale. À partir de ce point est née en France l'idée de "cocacolacolonisation" pour le Plan Marshall d'un impérialisme américain. En Allemagne, en contraste, c'était l'idée de sauvetage et de sauvegarde de la démocratie qui justifie le nom de Liberty ship. Cette divergence franco-allemande s'exprime encore dans le nouveau livre d'histoire franco-allemand, commun dans les écoles de ces deux pays.

Pour reconstituer sa marine marchande, le gouvernement français reçut 75 bâtiments qu'il pouvait louer à des armateurs. D'autres pays alliés reçurent aussi leur contingent de Liberty ships, qui n'étaient pas perçus comme un geste impérialiste. Ces bâtiments avaient eu plusieurs vies, de la guerre d'Indochine à la guerre d'Algérie, où ils furent réquisitionnés, l'été 1962, pour évacuer en masse, d'Alger et d'Oran, les rapatriés d'Algérie.

Dans les années 50, ils transportaient vers les États-Unis des Renault "Dauphine" qui ne se vendaient pas, parce qu'on avait oublié de joindre à ces voitures leurs pièces détachées, leurs réparateurs et leurs vendeurs, dans l'esprit cartésien élémentariste, en contraste à l'ingénierie systémique de conception-production-distribution, avec le système commercial de vente-entretien-réparation.

Le dernier Liberty ship, construit en septembre 1945, sert encore comme barge industrielle pour les flottilles de pêche en Alaska.

Au dixième rang derrière la Roumanie, comme puissance militaire en 1940, les États-Unis sont devenus la 1ère puissance industrielle en 1945 avec l'ingénierie systémique des Liberty ships, où la rapidité de construction et la mobilisation industrielle de tous les secteurs ont été le plus puissant argument de propagande et de publicité qui a répandu la culture et la langue anglo-américaines dans le monde.

Comme Aristote Onassis, des armateurs ont commencé leur fortune en achetant des Liberty ships du surplus des inventaires pour faire du cabotage avant de se lancer dans le transport pétrolier.

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