Psychoacoustique - Définition

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Perception et cognition

Le rôle du cerveau dans la perception est particulièrement important car il fournit un gros travail d'analyse pour distinguer, reconnaître et évaluer les sons, selon leur hauteur bien sûr, mais surtout selon leur évolution au cours du temps (le terme émotion dérive étymologiquement de ce sens du mouvement). Le cerveau permet aussi la corrélation entre les deux oreilles afin de situer le son dans l'espace (différence d'intensité et phase). C'est aussi lui qui nous permet de reconnaître un instrument de musique ou une personne précise. L'oreille, elle, ne fait que transmettre des informations brutes. Il semblerait, mais le débat toujours virulent est ouvert, qu'une grande partie du travail effectué par le cerveau soit apprise et non innée.

Ainsi, la perception du timbre, et même de la justesse peut varier d'une personne à une autre, indépendamment de ses goûts personnels, non seulement à cause de la dégradation de son système auditif, mais également en raison d'une altération de ses facultés neurologiques. Une autre raison de cette différence de perception tient bien évidemment au filtrage effectué par un système auditif vieillissant. Ainsi, de même qu'un filtre optique masque ou met en évidence des éléments d'une image, l'oreille peut masquer ou mettre en évidence les éléments constitutifs du son, faisant varier d'autant sa perception.

La psychoacoustique est l'étude des sensations auditives de l'homme. Elle se situe donc à la frontière entre l'acoustique, la physiologie et la psychologie. L'acoustique étudiera la nature et les propriétés des ondes sonores qui arrivent au tympan. La psychoacoustique étudiera comment elles sont captées par le système auditif et la manière dont elles sont interprétées par le cerveau. De cette étude on déduit que la perception des caractéristiques d'un son n'a pas de valeurs de mesure objectives. Les attributs du son sont le résultat d’un mécanisme de décision au niveau neurophysiologique.

Perception et sensation

Les phénomènes perçus ne peuvent être mesurés sur une échelle de mesure continue. Ce sont avant tout des phénomènes temporels, c’est-à-dire que leur mesure n’est pas constante pour tous les instants (t)de la vibration. Pour nous faire comprendre le phénomène sonore tel qu’il s’inscrit dans le temps, le sonagraphe, appareil apparu dans les années 1950, a utilisé une représentation tridimensionnelle (fréquence, amplitude, temps) qui, quoique commode, reste grossière. La psychoacoustique doit donc contribuer à l’étude des relations entre paramètres acoustiques et attributs sensibles.

L'oreille humaine est un organe complexe, imparfait mais cependant très performant. Nous rappellerons que les deux sens de l’art sont la vue et l’ouïe, car leurs champs opératoires s’étendent de l’immédiateté aux profondeurs de l’inconscient. La vue a permis de capter des objets, donc de les nommer et d’en tirer des concepts. Elle est à la base du raisonnement scientifique. L’appareil phonatoire, qui donne à (ré)entendre des sons organisés en langage, ne peut quant à lui transcrire ces concepts que sous une forme éphémère. Cet éphémère est à la base de la charge d’émotion que transporte la musique. L’ouïe, en recueillant ces transcriptions, recueille donc plus l’émotion que la notion, car elle ne peut les fixer. L’information y est par conséquent plus d’ordre qualitative que quantitative, et l’ambiguïté de la mesure de cette information se comprend mieux. L’ouïe et la vue sont les deux sens qui nous transmettent des informations sur le temps et sur l’espace. Mais l’inégalité entre les rayonnements sonores et les rayonnements lumineux est pour beaucoup à l’origine d’une flagrante inégalité entre ces deux sens. Le seuil de perception d’un son par l’oreille est situé à 10 − 16 W, quand le seuil de perception d’une source lumineuse ponctuelle (à l’œil nu) est situé à 10 − 18 W. La vue est donc un sens réservé à l’immédiat. L’ouïe, en véhiculant des indications d’un autre ordre, nous renseigne beaucoup plus sur ce qui est du domaine de l’émotion, des sentiments : par exemple, outre qu’elle peut porter plus d’informations, la voix au téléphone nous en dit plus sur l’état psychologique de l’interlocuteur qu’une photo.

Illusions auditives

La psychoacoustique, aidée en cela par les outils de la synthèse sonore, a éclairci certains phénomènes particuliers d'interprétation : les illusions auditives. Ces illusions ont été particulièrement étudiées par John Chowning (pionnier de la synthèse numérique des sons) (lien) puis par Jean-Claude Risset, chercheurs et compositeurs, qui, à l'aide de l'ordinateur ont créé plusieurs formes d'illusions intégrées dans leurs œuvres. La forme la plus envoûtante d’illusion est celle qui permet de recréer des phénomènes contre nature, autrement appelés paradoxes . Dans ces illusions, nos schémas cognitifs s’opposent à des associations incongrues. Jean-Claude Risset, qui étudia leurs mécanismes dans le champ auditif, parvint à en composer plusieurs au moyen de l’ordinateur. Il a publié sur la matière de nombreux articles qui mettent en lumière toutes les difficultés d’appréhension de ce problème. Essayons de résumer ici le propos : En allemand, le vocabulaire reconnaît pour le même concept de “son”, deux notions, Ton et Schall, qui distinguent deux composantes de hauteurs que le français, lui, ne distingue pas : la hauteur tonale ("Ton"(lien)), liée aux variations de fréquence, et la hauteur spectrale ("Schall"(lien)), liée, elle, à la position du centre de gravité des composantes du spectre. Cette hauteur spectrale caractérise la brillance d’un instrument. Si, comme peut le faire la synthèse des sons par ordinateur, on réussit à séparer la variation de la hauteur tonale (par déplacement de la fondamentale) et celle de la hauteur spectrale (par modification de l’enveloppe spectrale), on peut réussir à créer des variations de hauteurs paradoxales. Par exemple :

— des sons donnant l’impression de monter ou de descendre sans fin (hauteur tonale fixe). Ces expériences ont été reprises de la généralisation des travaux de Roger N. Shepard sur la gamme chromatique circulaire et sont d’ordinaire représentées visuellement par l’escalier de Penrose. Mutations de Jean-Claude Risset est une œuvre où l’harmonie est sans cesse prolongée dans le timbre, et qui donne à entendre ce paradoxe.
— des sons descendant en devenant plus aigus (hauteur tonale et spectrale variant en sens inverse), transposition dans le domaine sonore de l’effet visuel réalisé par M.C. Escher dans sa Cascade.

Jean-Claude Risset a utilisé ces phénomènes dans une autre de ses œuvres : Little Boy en 1968. Travaillant à cette époque aux laboratoires Bell, il composa une grande fresque “classique” intitulée Computer suite for little Boy. Il introduit par cette œuvre la synthèse numérique dans la création musicale française. C’est en effet la première œuvre musicale classique entièrement synthétisée par ordinateur. Little Boy était le nom de code de la bombe atomique américaine sur Hiroshima. Le compositeur a utilisé le texte du dramaturge Pierre Halet retraçant les affres du pilote de l’avion de reconnaissance du raid qui a précédé son largage. Avec ces paradoxes, qui ont été généralisés à d’autres valeurs que la hauteur, on retrouve le vrai visage de l'informatique musicale, qui permet de s’éloigner du modèle pour recomposer, re-créer une nouvelle vérité. Les sons paradoxaux de J C Risset semblent avoir des effets psychologiques dépendant surtout de leur parenté symbolique avec une ascension ou une descente sans limite.

Influence de l'âge sur la perte d'audition

Cette figure montre l'influence de l'âge sur la perte d'audition à différentes fréquences. Selon les sources citées, les résultats sont différents. Cela s'explique aisément par le fait que de grandes variations sont observées dans la population et que ces études ont du mal à ne prendre en compte que l'âge des individus. Il n'est pas rare de voir des musiciens âgés avec des oreilles de jeune homme, tout comme il existe des jeunes avec des oreilles prématurément dégradées par des expositions répétées à des sons trop forts tels que ceux des concerts ou de discothèques.

Classiquement l'âge entraîne une presbyacousie qui se manifeste par une perte d'audition sur les aigus. Il existe aussi une diminution de la fréquence de coupure sur les aigus. La fréquence de coupure aigüe est la fréquence au delà de laquelle une personne ne perçoit plus rien, quel que soit le volume utilisé, c'est-à-dire la limite, pour cette personne entre sons et ultrasons. Certains travaux ont montré qu'il existe aussi, de manière plus difficile à comprendre du point de vue physiologique, une augmentation de la fréquence de coupure sur les graves. C'est-à-dire que la limite entre sons et infrasons laisse gagner ces derniers.

Pertes d'audition dues au bruit

Les pertes d'audition dues au bruit dépendent à la fois de la durée d'exposition et de l'intensité du bruit. Remarquez que l'on désigne ici tous les sons comme du " bruit " et pas seulement ceux qui sont désagréables. Ainsi, écouter de la musique au casque à plein volume ou bien regarder les avions décoller de l'aéroport a exactement le même effet sur les cellules auditives. Il convient peut être de nuancer cette constatation. Le Pr Pierre Josserand, tentant de la quantifier a fait passer un audiogramme à des instrumentistes de hard rock avant et après leur répétition. Il avait posé l'hypothèse que, vu les amplitudes utilisées (à l'aide d'amplificateurs importants), l'audiogramme post-répétition serait détérioré, statistiquement parlant, par rapport à l'audiogramme ante-répétition. L'hypothèse dé départ n'a pu être confirmée. Elle était vérifiable seulement sur quelques individus exceptionnels mais non sur l'ensemble de la population. Josserand a interprété ce résultat comme l'indication d'un effet protecteur de l'attention des musiciens et du fait qu'avant tout son excessif, leur oreille était "préparée" car c'est eux-mêmes qui étaient à l'origine de ce son.

Notez que les effets d'un bruit excessif et/ou impulsif sont différents de ceux de l'âge. Avec l'âge, l'oreille devient moins sensible aux hautes fréquences alors que l'exposition au bruit diminue surtout la sensibilité autour de 3-4 kHz, fréquence où l'oreille intègre est la plus sensible. On observe alors une "encoche" ou "scotome auditif" sur le 4000 Hz de l'audiogramme. Ce type de perte d'audition se rencontre très fréquemment chez les utilisateurs d'armes à feu, car il est caractéristique des personnes exposées aux sons forts et percussifs. Surtout lors d'un usage insuffisant de protections auditives adéquates (casque anti-bruit)...

Réalité virtuelle et psychoacoustique

Les études portant sur la psychoacoustique influencent beaucoup les techniques de restitution de scènes sonores virtuelles. L'auditeur est plongé dans un environnement sonore souvent associé à un environnement visuel.

La stéréo, apparue dans les années 1970, est le premier exemple de réalité virtuelle acoustique. On joue simplement sur la balance entre le niveau d'émission d'un haut-parleur situé à droite de l'auditeur et un second situé à gauche. On donne ainsi l'impression que la source de son se déplace de droite à gauche ou inversement. Le système 5.1 n'est que la suite et l'amélioration de la stéréo.

Depuis, l'homme de l'art a appris à jouer sur la phase de l'onde provenant des haut-parleurs. Il a aussi appris à comprendre les phénomènes de diffraction de l'onde sonore autour du visage de l'auditeur, phénomènes qui permettent à l'homme de localiser la source sonore sans la voir (on est capable de localiser un réveil qui sonne sans le voir). La connaissance de ces phénomènes à permis de concevoir des systèmes dits binauraux (du singulier binaural).

Parallèlement, on essaye d'inventer des systèmes de restitution basés sur les propriétés physique du champ sonore. On trouve dans ces catégories l'holophonie et l'ambisonie. L'holophonie repose sur les même principes que les hologrammes visuels alors que l'ambisonie s'interdit tout autre traitement qu'un simple filtrage des signaux.

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