Decauville - Définition

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Plaque de locomotive Decauville
Plaque de locomotive Decauville

La société Decauville, créée dans les années 1870 a été un constructeur de matériel ferroviaire et de manutention, de cycles et d'automobiles.

Paul Decauville (1846-1922), initialement agriculteur spécialisé dans la production de betteraves, inventa un type de voie de chemin de fer de faible écartement (40 à 60 centimètres) qui prit le nom de " Decauville ". La voie est formée d'éléments entièrement métalliques qui peuvent se démonter et transporter facilement. Cette invention a trouvé des applications dans de nombreux domaines : exploitations minières et industrielles, desserte des ouvrages militaires… Les wagonnets étaient d'abord poussés à la main ou tractés par des chevaux. Par la suite, des voitures de formes diverses et des petites locomotives firent du Decauville un véritable système de chemin de fer. L'apparition des voies étroites Decauville, mais également d'autres fabriquants, constituèrent une évolution majeure en permettant de déplacer de lourdes charges aisément à une époque où la brouette et le tombereau dominaient.

Matériel ferroviaire

Locomotive Decauville en 2005, au Chemin de fer des Chanteraines
Locomotive Decauville en 2005, au Chemin de fer des Chanteraines

Matériel à voie de 60cm

Voie
Voie "Decauville"

Emblème de la société, une gamme complète a été développée dès les premières années de production. Par la suite on verra apparaître successivement tous les éléments de ce qui était presque un jeu de construction pour pouvoir tenter de répondre à tout besoin de transport. Le concept fut d'ailleurs repris par de nombreux industriels de l'époque tels que Koppel ou Pétolat. Il fut un outil stratégique primordial lors de la Première Guerre mondiale.

L'idée et ses origines

En 1853 le père de Paul Decauville, Amand, crée au sein de la ferme familiale un atelier de chaudronnerie afin d'installer des distilleries dans les fermes de l'est de Paris. En 1864, Armand demande à son fils ainé, Paul, de venir l'aider suite à des ennuis de santé. Très vite ce dernier cherche à améliorer le fonctionnement du domaine. En 1867, afin de surmonter une pénurie de main d'œuvre, Amand Decauville cherche un moyen de mécaniser le labourage de ses champs. Il sélectionna un système anglais de l'ingénieur J. Fowler permettant de labourer à l'aide d'une locomobile et d'une charrue réversible. Un atelier de réparation de ces machines vint compléter celui de chaudronnerie. Armand Decauville meurt en 1871. Cette même année, les ateliers Decauville commencent à réaliser des travaux de chaudronnerie pour la compagnie PLM.

C'est en 1875 que les choses se précipitent. Paul Decauville essaye au début de l'année plusieurs moyens de transport dans l'enceinte même de sa ferme. Parmi ceux-ci se trouvaient le Système H. Corbin: une voie en bois, ressemblant à une échelle, dont les montants étaient recouverts d'une cornière en fer. Les wagonnets ne comportaient qu'un seul essieu, chacun reposant sur son précédent. Après essai de ce système, il fut jugé fragile et rejeté. Cette année là, la ferme Decauville a choisi de cultiver énormément de betterave sucrière et la récolte s'annonce excellente, il a aussi beaucoup plu et les moyens de transport ordinaires (le tombereau) s'avèrent inutilisables. Decauville se souvient alors du système Corbin et décide de faire réaliser par ses ateliers une voie constituée de deux fers carrés espacés de 40cm et fixés sur des traverses en fer plat. Ainsi constitué, l'ensemble ne s'enfonçait pas dans le sol… Afin d'assurer le transport, inspiré par l'allure de la voie, un ouvrier eu l'idée de créer de petits wagons de chemin de fer, ce qui fut fait. L'ensemble ayant l'air de fonctionner, étant donné l'urgence de la récolte, il fut produit en quantité et permit de finir le débardage avant les premières gelées. (lien)

Premières commercialisations

Application du chemin de fer Decauville aux caves de Champagne
Application du chemin de fer Decauville aux caves de Champagne
Un chemin de fer Decauville à traction hippomobile dans les carrières de Villetaneuse
Un chemin de fer Decauville à traction hippomobile dans les carrières de Villetaneuse

Dès 1876, les ateliers s'attachèrent à perfectionner le système de voie et le matériel roulant. Il fut par la même occasion généralisé au sein de la ferme: évacuation du fumier, transport de pièces dans les ateliers, etc. Après un peu moins d'un an d'essais et d'améliorations les premiers éléments furent commercialisés : les voies et un châssis de wagonnet, à adapter selon les besoins de l'acheteur.

Deux ans après l'épisode des betteraves, le succès du Porteur Decauville était tel que des éléments étaient envoyés aux quatre coins de la planète, comme le tableau ci-dessous l'indique. [1]

Pays Installations vendues
France 202
Belgique 9
Royaume-Uni 8
Alsace 6
Suisse 5
Brésil 4
Russie 3
Algérie, Autriche, Égypte, Espagne, île Maurice, Martinique, Portugal 2
Cochinchine, Afrique du Sud, Grèce, Hollande, île Bourbon, îles Seychelles, Italie, Jamaïque, Mexique, Monaco, Norvège 1

L'année de ce relevé, en 1878, on note aussi la première utilisation d'un chemin de fer à voie étroite au sein d'une exposition universelle, puisque 2 km de voie à l'écartement de 50 cm seront utilisés pour la mise en place des exposants. Decauville propose l'utilisation de ces voies pour le transport des voyageurs, mais l'autorisation lui en est refusée. Il proposera la même installation au jardin d'acclimatation qui l'acceptera. Ce petit train, à l'écartement de 50 cm, existe toujours.

Matériel à voie métrique

Tombereaux Decauville au Chemin de fer des Chanteraines
Tombereaux Decauville au Chemin de fer des Chanteraines

Les productions Decauville dans le domaine de la voie métrique ont débuté vers 1896 par une 020 de cinq tonnes à vide. La concurrence faisant rage dans ce domaine, la société s'est dotée d'une gamme réduite mais suffisamment polyvalente. Ainsi au catalogue 1897, cinq types sont indiqués : de 13 à 23 tonnes en marche. Côté matériel remorqué, on trouve seulement deux wagons: un wagonnet basculant "girafe" et un plat à ballast. Au catalogue 1908 la gamme s'est largement étendue, au détriment de la voie de 60 : 20 modèles de voitures sont disponibles, dont plusieurs spécialement adaptés aux climats tropicaux. On compte également 14 types de wagons, la plupart couverts. Côté matériel de traction, les 5 types sont toujours présents, mais ils se sont affinés. C'est à cette époque que Decauville commence à se spécialiser dans l'équipement de réseaux pour les colonies. On voit alors apparaître de très grosses machines à voie métrique, jusqu'à 32 t pour celles destinées au chemin de fer du Soudan français.

Le matériel Z 600 de la ligne Saint-Gervais-Vallorcine a été fabriqué par Decauville. Il a été livré en 1958.

Matériel à voie normale

locomotives à Vapeur

Autorails

L'intérêt des ingénieurs de Decauville pour ce genre d'engin, regroupant motrice et compartiments voyageurs, a existé dès 1896. Cette année, en collaboration avec Léon Serpollet, ils construisirent une automotrice à vapeur. Cette fabrication est d'ailleurs la première des établissements Decauville pour la voie "normale".

En 1932, la société reçut une commande du Nord pour deux autorails à caisse tubulaire de 2×130 ch. Ceux-ci seront immatriculés ZZ 13 et 14 puis DC 1001 et 1002 à la SNCF. La construction et les essais de ces autorails furent suivis de près par les autres réseaux. Le PLM, à son tour et selon le modèle des autorails Nord, commanda 7 puis 9 autorails. Leur puissance largement augmentée (2×320 ch) et la transmission électrique devaient les destiner aux lignes de montagne du réseau. Leur esthétique particulière les fit baptiser Nez de cochon. Immatriculés P1 à 9 à leur livraison en 1938, ils finirent leur carrière sous les numéros sncf X 52001 à 9. L'État commanda aussi deux autorails de cette famille. Mûs par deux moteurs Saurer de 150 cv, ils atteignaient facilement 130 km/h. L'esthétique revue elle aussi s'approchait étrangement de celle des TGV actuels.

En 1937, Decauville participa avec de nombreux autres constructeurs à un projet d'autorail standard. 53 véhicules furent construits de 1937 à 1939, dont 23 caisses par Decauville.

Cette même année, les ingénieurs de la société, en quête de solutions nouvelles, construisirent un autorail particulièrement étonnant, puisque sa propulsion était assurée par une hélice ! Cet autorail, très inspiré des techniques aéronautiques, fut commandé par la compagnie du Nord pour " résoudre le problème du freinage à grande vitesse ". Les essais de cet engin hors normes ne semblent pas avoir été concluants. Cet engin, très abîmé en 1945, n'a jamais été réparé. À noter qu'un second brevet a été déposé par Decauville vers 1950 pour un autorail à turbine. Le prototype n'a par contre jamais été construit.

Par la suite, de 1950 à 54, Decauville fabriqua les autorails unifiés de 600 ch, immatriculés X 2401 à 2479. Enfin, et ce furent les dernières contruction d'autorails, les X 2801 à 16 furent construits de 1955 à 1960.

Outre ces engins, Decauville se fit une spécialité de la construction de remorques d'autorails. Des véhicules qui se devaient d'être légers et pourtant très rigides. On compte parmi les productions de la société pour la SNCF :

  • XR B 6001 à 6015 (1939), seconde classe. Ce matériel de 15 tonnes seulement a circulé pendant 39 ans !
Remorque d'autorail unifiée de 2ème classe Decauville -1962-photo prise à Pacy sur Eure en novembre 1994
Remorque d'autorail unifiée de 2ème classe Decauville -1962-photo prise à Pacy sur Eure en novembre 1994
  • XR AB 7201 à 7720 (1948), première et seconde, issues des précédentes. 17 tonnes à vide. Le chaudron de ces remorques fut ensuite repris pour constituer celui des remorques unifiées, construite à plusieurs centaines d'exemplaires.
  • XR 7301 à 7350, remorques de RGP, peintes avec les mêmes couleurs.
  • XR 7351 à 7410, marché partagé avec la Compagnie Générale de Constructions. 1re et 2e classe.
  • XR 8100 à 8293, de 1956 à 1962.

On ne compte pas ici les remorques, parfois produites à l'unité, pour d'innombrables chemins de fer Africains, et qui, au total, ont certainement été plus de 300. On ne cite pas non plus la dernière série de remorques, produite en 1961 en collaboration avec la Sté Lorraine, portant sur 102 remorques à bogies destinées aux chemins de fer argentins.

Locotracteurs

Autres fabrications

Outre le domaine ferroviaire, la société s'est très tôt diversifiée dans de nombreux domaines : machines agricoles, moteurs électriques, cycles et automobiles en proposant la "voiturelle" en 1898.

Cycles

De 1891 à 1902, Decauville produisit 6 modèles de cycles dont certains étaient équipés afin de pouvoir circuler sur voie ferrée, par adjonction d'un système composé de trois tubes et d'un galet de roulement. La production emblématique de cette gamme a été celle des tricycles, qui servirent, entre autres, de base au prototype De Dion-Bouton.

Automobile

La société Decauville s'est engagée dans l'automobile aux cotés de la société De Dion-Bouton pour laquelle elle avait réalisée 3000 tricycles à moteur. Après plusieurs années d'études, Decauville présenta sa voiturelle (1898-1903). Ce petit véhicule de trois places, conçu à Bordeaux par deux ingénieurs des Messageries Maritimes, était doté d'un moteur à essence. Decauville étudia un nouveau châssis qui fut présenté en 1902 au salon du cycle. Étonnamment modulaire (il était possible d'interchanger banquettes et moteurs) ce modèle Decauville 1902 connut un grand succès. Pourtant dès 1907 les commandes diminuent et une crise s'amorce. Le peu de réactivité de Decauville entraina l'arrêt de l'activité de la branche "automobile" en 1909. La vente de modèles en stock se poursuivit toutefois jusqu'en 1911.

Constructions significatives diverses

  • Plans inclinés automoteurs, servant à franchir un dénivelé. Le mouvement était assuré par contrepoids d'eau et système de vidange automatique.
  • Ponts portatifs, brevet Eiffel, proposés de 1884 à 1897. Ces ponts, entièrement modulaires pesaient 250 kg par mètre courant en assurant la résistance à 4 tonnes de charge pour un pont de 20 m. Les éléments les plus lourds pesaient 145 kg.
  • Appareils de levage, au catalogue de 1880 à 1970, comprenant de nombreux modèles de grues fixes ou mobiles. La dernière grue produite par Decauville en 1986 était destinée à la RATP afin d'assurer la pose de sections de voies.
  • Outillage. Les outils proposés par Decauville allaient de l'outil à main aux machines spécialisés, comme les presses à caler d'une force de 800 tonnes, précise au 1/10e de millimètre. L'usine de Moulins fut spécialisée dans la fabrication d'outils D.A.C au carbure.
  • Pelles mécaniques et excavateurs ont également fait partie des productions. Le modèle produit dès 1903 fait état d'une force de levage de 16 tonnes pour une benne contenant 2 m³. Cet engin, mobile, circulait sur une voie ferrée à l'écartement de 2,60 m.

La production ferroviaire s'est arrêtée dans les années 1970 pour se tourner vers la carrosserie routière (tombereaux et citernes) aux côtés de la société Marrel. Celle-ci absorbera les ateliers un peu plus tard entrainant la disparition de la société Decauville.

Les sociétés Decauville

De la ferme familiale à Decauville SA, l'entreprise à pris diverses dénominations parmi lesquelles il n'est pas toujours aisé de se retrouver. Les premières fabrications se sont faites dans et pour la ferme des Decauville, il ne s'agissait donc pas à proprement parler d'une société puisque ses activités étaient noyées dans celles liées à l'agriculture.

  • Société Decauville Ainé est la première véritable société. Elle est fondée le 22 septembre 1887 en l'honneur d'Armand Decauville, le père de Paul.
  • Deux ans plus tard, afin de pouvoir créer le chemin de fer de l'exposition universelle, Paul, Emile et Marie Decauville décident de dissoudre la société initiale pour en créer une nouvelle, dotée de moyens plus importants. cette Société des Établissements Decauville Ainé est substituée à la première et dotée d'un capital de 20 millions le 13 novembre 1889.
  • Vers 1892, une série de manœuvres financières et un procès firent plonger les actions de la société. Ces actions profitèrent à la concurrence et particulièrement à Arthur Koppel. Pour se sortir de ces affaires, Paul Decauville décida une nouvelle fois de dissoudre la société pour en constituer la Société Nouvelle des Établissements Decauville Ainé, ce qui fut fait en juin 1894. Le capital fut réduit à 7 puis 4 millions. Le groupe De Wendel possède une part importante de ce capital. Paul Decauville abandonne la société, en désaccord avec le conseil d'administration.
  • En 1956, les marchés de la société et l'économie évoluant,Decauville S.A. fut créée. Ce changement de dénomination, provoqué par un changement d'actionnaire majoritaire (groupe Whittaker) entraîna l'abandon des activités ferroviaires.
  • Enfin, la Société Industrielle Decauville est créée le 26 aout 1985. Ses actionnaires sont Marrel, Decauville S.A., SAPHEM. L'usine de Corbeil est seule conservée.

Usines

La société fut longtemps basée à Évry-Petit-Bourg avant de s'établir à Corbeil dans le département de l'Essonne.

Les ateliers de Petit-Bourg ont été créés en 1853 dans un corps de ferme par Amand Decauville, le père de Paul. Ils construisirent tout d'abord des distilleries à betteraves et divers produits de chaudronnerie. Après l'invention du porteur Decauville en 1876, les ateliers commencent à produire du matériel de chemin de fer. L'usine de Corbeil ouvrit ses portes en 1881 afin de remplacer les ateliers de Petit-Bourg, devenus trop petits, pour les refermer en 1978. Plusieurs usines annexes ont été crées, elles sont indiquées ci-dessous.

Decauville a aussi possédé les usines suivantes :

  • Diano Marina (Italie), cédée en 1895.
  • Saint-Lambert (Belgique) ouverte la même année et qui fabriquait du matériel de voie. Cette usine fut échangée à une usine de Fives, appartenant aux établissement Orenstein et Koppel Arthur en 1911.
  • Petite-Synthe (Nord) ouverte en 1903, produisant le matériel à destination des colonies. Cette usine fut vendue en 1922 et ses activités reprises par l'usine de Marquette.
  • Moulins, construite en 1918, prévue afin de pouvoir effectuer un repliement des activités. Cette usine devait produire du matériel militaire (tanks, obus), ce qu'elle n'a jamais fait au final. Ses activités ont surtout été situées dans la construction et l'entretien de wagons pour les compagnies PLM et PO. Cette usine a été vendue en 1959.
  • Marquette-lez-Lille, construite en 1923, remplaçant les usines détruites de Fives-Lilles et de la Société Lilloise, spécialisée dans le matériel minier et les voies de fond.
  • Aulnay-sous-Bois, ateliers appartenant à la filiale Société lilloise, construisit les dernières machines à vapeur du groupe Decauville. Ces ateliers furent surtout chargés de travaux de construction et d'entretien de chaudières.

Exposition universelle de 1889

Le chemin de fer Decauville a été une des attractions phare de cette exposition universelle. Circulant entre le Champ de Mars et les Invalides sur une ligne à voie de 60 spécialement établie, avec des locomotives et un matériel remorqué "du catalogue" cette ligne provisoire transporta plusieurs millions de personnes (6 342 446 voyageurs payants) sans un seul accident. Ce chemin de fer a été inauguré le 4 mai 1889.

Les stations desservies sur les 3 km de parcours étaient :

  • Esplanade des Invalides
  • Station de la Concorde
  • Halte de l'agriculture, près du palais d'Espagne
  • Halte de l'alimentation, près du palais des industries alimentaires
  • Station du Trocadéro-Tour Eiffel

La ligne était établie en rails de 9,5 kg/m et comportait deux tunnels : celui de l'Alma (20 m) et de la tour Eiffel (106 m).

À la suite de cette exposition universelle, le ministère des transports autorisa l'utilisation de chemins de fer à voie étroite pour le transport des personnes sans les dérogations obligatoires auparavant.

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