Licence globale - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs est disponible ici.

Le schéma de licence globale était une proposition visant à permettre l'échange de contenus audiovisuels (hors logiciels) à travers Internet en contrepartie d'une rétribution forfaitaire. Elle proposait l'institution d'une redevance, créant un système à la manière de ce que fait déjà en France la SACEM pour les diffusions radiophoniques, en rémunérant les artistes ou leurs ayants droit avec les fonds ainsi collectés, comme pour la redevance annuelle forfaitaire liée à la possession d'un poste de radio jusqu'au troisième quart du XXe siècle.

Cette proposition faisait partie du projet de loi DADVSI lors de son passage en première lecture en décembre 2005 à l'Assemblée nationale française et donna lieu à de houleux débats. Suite à une forte réaction des lobbies [1], elle ne fut finalement pas retenue dans le texte de loi final promulgué le 1er août 2006.

Des fournisseurs privés, dont Neuf surent en revanche en proposer un équivalent partiel (car limité au catalogue Universal) et répondre ainsi à la demande du public.

Le débat

Le problème réside dans le fait que toute donnée numérique peut en principe être copiée à l'infini, sans l'utilisation d'une quelconque matière. La licence globale cherche donc à trouver un compromis entre cette réalité, et la nécéssité de rémunérer les ayant droit. Mais celle ci se bloque à une autre réalité : la difficulté de mettre en place un tel système de rémunération.

Arguments des défenseurs de la licence globale

  • La licence globale revient simplement à étendre à l'Internet des dispositions déjà existantes pour la radiodiffusion (il est ilicite d'enregistrer des émissions de radio, car celles-ci ont uniquement payé les droits pour la diffusion des contenus sans que le droit de reproduction ne soit concerné; en France et en Allemagne, une taxe est par ailleurs prélevée à la source sur les supports d'enregistrement).
  • Il est impossible d'empêcher les téléchargements d'œuvres protégées, à moins de surveiller en permanence tous les internautes dans le mépris des libertés individuelles. La licence globale est donc le seul moyen d'assurer aux artistes un revenu correct dans l'avenir.
  • Le propriétaire d'une œuvre numérique n'est pas privé de la jouissance de sa copie lorsque celle ci est copiée. La notion de propriété privée, qui a un sens avec des biens physiques (ex: une baguette de pain), n'en a alors plus vraiment. La licence globale se présente alors comme une alternative à la propriété privée assurant une juste rémunération des artistes.
  • En payant la licence globale, on ne paye que l'œuvre et non son support et sa distribution. Sur le prix d'un album acheté chez le disquaire, une très faible part revient aux artistes (10% ou moins). Au contraire, la licence globale est destinée en exclusivité aux artistes, leur donnant un rôle prédominant par rapport aux maisons d'édition.
  • Des plates formes de diffusion de musique libre en ligne (comme Jamendo ou Dogmazic) ont montré que grâce à Internet il n'y a plus forcément besoin des maisons d'édition pour faire émerger des nouveaux talents, y compris dans des domaines pointus.
  • De multiples méthodes réalisables de répartition du produit de la licence ont été identifiées : statistiques sur le téléchargement, corrélation avec les ventes de copies / de concerts, vote des auditeurs, etc ...
  • La licence globale permet d'éviter la protection des œuvres par DRM qui est vécu par les consommateurs comme une contrainte les empêchant de lire les œuvres légalement achetées sur tous les supports (interopérabilité)
  • Enfin, l'accès illimité à tout le catalogue musical à moindre coût permet de rendre la musique accessible à tous.

Arguments des opposants à la licence globale

  • D'une part une baisse de qualité des productions, ce système augmentant la difficulté de récupérer un investissement artistique important (film en superproduction, par exemple). Les producteurs ne seront-ils pas dissuadés de financer un travail en studio de plusieurs mois comme le Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles ou un film onéreux comme Amadeus ?
  • D'autre part ses difficultés d'application : si par exemple la répartition de la manne collectée se fait au pro rata du téléchargement des œuvres, des producteurs indélicats ne vont-il pas lancer à plein temps des robots de téléchargement pour augmenter artificiellement leur part ?

Ainsi, le directeur de la FNAC donne son avis de la difficulté dans le quotidien Libération[2] le 14 février 2007 :

"L’idée d’une licence globale n’est pas absurde sur le principe mais elle reste totalement irréalisable. Comment rétribuer les ayants-droits à partir des milliards d’échanges qui se font chaque mois sur les sites de P2P? Comment distinguer ceux qui téléchargent de ceux qui ne le font pas, trier entre les usages des internautes? Tout cela est un cauchemar de la raison et n’est absolument pas concevable dans des conditions d’équité et de justice. C’est dans l’état actuel des choses impossible".

Questions voisines

  • Le débat consistant à déterminer s'il vaut mieux prélever moins sur une assiette plus grande ou davantage sur une assiette plus petite est voisin de celui soulevé dans les années 1980 avec la courbe de Laffer. On sait que ce dernier n'a toujours pas engendré de consensus.
  • Le concept est voisin aussi de ce qui existe avec l'Internet : un péage modéré pour l'accès à la bretelle de raccordement, qui donne ensuite accès à la liberté de circulation totale sur les autoroutes de l'information. Il s'agit bien, en matière de propriété intellectuelle, d'un changement de paradigme.
  • Enfin, et bien que les logiciels ne soient pas concernés par la licence globale, le modèle de gratuité participative du logiciel libre est très présent. Une retransmission des débats sur La Chaîne parlementaire montre cette expression utilisée 38 fois en une seule séance.

Estimations

Si 10 millions de personnes téléchargent sur Internet, une licence globale de 7 euros par mois représenterait 70 millions d'euros par mois, soit 840 millions d'euros par an.

Par comparaison, l'ordre de grandeur du revenu annuel déclaré (droits + concerts + droits dérivés) des 5 à 10 artistes français les plus vendus[3] - cumulant droits d'auteurs et revenus de spectacles - avoisine 10 millions d'euros pour chacun. Les revenus décroissent ensuite assez vite (voir Loi de Zipf pour information) Mais ce calcul ne prend évidemment pas en compte les droits des autres acteurs de la filières - producteurs de disques - éditeurs - auteurs compositeurs - distributeurs; or les artistes ne sont pas les seuls maillons de la filière musicales à être rémunérés au volume.

Alternative

L'INA propose depuis avril 2006 un système hybride : 100 000 œuvres sont visionnables gratuitement sur son site (service public assuré donc au frais du contribuable), et chaque utilisateur peut s'il le désire télécharger le contenu correspondant en grand format pour un peu plus d'un euro.

Une autre alternative consiste à fonctionner par don volontaire[4], cette solution, déjà en cours sur certaines plateformes de musique diffusée librement comme Magnatune ou Jamendo permet aux artistes d'être rémunéré selon la qualité de leurs œuvres, en plus de satisfaire aux visiteurs qui peuvent choisir eux-même le montant de leurs déboursements. En fait, si le site reçoit un grand nombre de visiteurs, les personne qui ne déboursent rien ou qui déboursent peu sont souvent balancés par le fait qu'ils sont nombreux à faire des dons.

D'autres comme Pragmazic (distributeur de musique libre en lien avec le portail Dogmazic) ne fonctionne pas par don mais propose aux visiteurs d'acheter des oeuvres (distribuées gratuitement sur Dogmazic) sur CD ou à des formats de qualité supérieure à la moyenne. Ce dernier système est comparable à celui de l'INA décrit plus haut.

Notes

  1. Histoire de la loi DADVSI
  2. Les verrous numériques sont une incitation au piratage, Libération, 1re EDITION - 2007-02-15
  3. sur la base des chiffres publiés de 2002 à 2007
  4. La philosophie de la musique libre: un des textes fondateurs de la musique libre, dans lequel l'auteur défend pour la rémunération des artistes un système de don, à l'instar des pratiques déjà utilisées dans le domaine du logiciel. L'auteur pense que cette pratique, comparée aux pourboires, pourrait s'enraciner dans les coutumes, car déjà existante dans certains domaines, tel que la restauration dans les pays anglo-saxons.
Page générée en 1.291 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise