L'estran est la partie du littoral située entre les niveaux connus des plus hautes et des plus basses mers. On utilise aussi pour le désigner le terme " zone de marnage " ou l'anglicisme " zone intertidale " (de l'anglais tidal signifiant " relatif à la marée ") ; en termes administratifs et juridiques, on emploie aussi l'expression "zone de balancement des marées".
L'estran est donc (au moins en partie) recouvert lors des pleines mers et découvert lors des basses mers. La durée d'exondation (important pour l'installation des organismes qui y sont inféodés) des différentes parties de l'estran dépend de leurs emplacements par rapport au niveau moyen de la mer et du nombre (deux sur les côtes atlantiques de la France mais une dans certaines régions du globe) des marées par jour.
Les termes génériques d'estran caractérisent des faciès géomorphologiques très différents qui se traduisent par l'installation de populations végétales et animales n'ayant que peu de points communs entre elles. Si nous considérons les côtes bordant des mers présentant des marées importantes, il est aisé d'observer trois systèmes principaux :
Cette structuration en " étages " est la conséquence des périodes plus ou moins longues d'exondation de l'estran en fonction du positionnement du lieu étudié. Plusieurs facteurs interviennent :
Les organismes inféodés aux estrans jouent un rôle dans leur structuration; de ce fait, nous aurons des faciès très différents en fonction du substrat.
Enfin, l'exposition de l'estran à l'action de la mer ne sera pas anodine. Une côte ouverte recevant la houle du large sans que celle-ci ne rencontre d'obstacle n'aura pas la même structure qu'une côte abritée.
Sur une côte rocheuse quatre grands étages peuvent être définis :
Sur un estran sédimentaire la structuration verticale des plages est beaucoup moins nette. Cependant, si la plage (quelle soit sableuse ou de galets) va jusqu'à la frange terrestre il est possible de distinguer la limite entre le médiolittoral et le supralittoral car ce dernier étage est le plus souvent constitué de systèmes dunaires. Si ces plages aboutissent à une falaise ou à un ensemble rocheux, on se retrouve dans la situation des estrans rocheux, et l'étage supralittoral correspond aux zones recouvertes de lichens. La limite entre le médiolittoral et l'infralittoral est beaucoup plus délicate à observer. En général les sédiments de l'infralittoral sont beaucoup plus fins et beaucoup plus imbibés d'eau. Toutefois, il existe souvent des blocs en place et ceux-ci, par les algues qui les recouvrent, permettent de se repérer.
Dans les estuaires tout dépend de la quantité d'apports terrigènes déversés par les cours d'eau et des flux de ces derniers. Le supralittoral correspond au schorre; il s'agit de banquettes de vases compactées plus ou moins sableuses qui ne se trouvent immergées qu'aux plus fortes marées. Ces banquettes sont recouvertes de plantes vasculaires et l'homme les a souvent récupérées pour l'élévage des animaux dits de prés salés; il ne faut pas oublier que ces prés sont recouverts d'eau de mer à chaque grande marée d'équinoxe. Le schorre se trouve plus ou moins découpé par des chenaux dont la partie basale est formée de vases plus ou moins fluides en fonction des sables qui y sont mélangés; c'est la slikke qui occupe tout le médiolittoral de chaque côté du cours d'eau quand la rivière qui aboutit à la mer a un faible débit, l'infralittoral correspondant alors à un milieu moins vaseux. Si la rivère a un fort débit, la slikke des berges du cours d'eau occupe médio- et infra-littoral. Comme la slikke est un milieu labile (à chaque marée la couche superficielle de l'ensemble est plus ou moins remaniée) l'observateur n'observe qu'une vase nue.
L'estran étant alternativement recouvert par la mer et exposé à l'air, il est propice à un écosystème spécifique, adapté à la fois aux conditions maritimes et aériennes, capable de résister aux vagues et à la marée. La faune typique inclut des anémones de mer, des coquillages (moules, berniques, etc.), des étoiles de mer, des crabes, etc. La flore comprend des espèces d'algues qui se répartissent sur l'estran en fonction de leur mode de vie et de la nature du substrat. En milieu tropical, les marais à mangroves peuvent occuper la zone de l'estran.
Le niveau correspondant à la limite basse de l'estran (laisse de basse mer) sert généralement d'altitude de référence pour les cartes marines (ou zéro hydrographique), à la différence des cartes terrestres qui utilisent le niveau de la mer comme référence. En revanche, tous les organismes cartographiques ne considèrent pas la même partie basse : en France par exemple, l'altitude prise en compte est le niveau des plus basses mers (coefficient de marée de 120), tandis que certaines cartes britanniques se réfèrent au niveau des basses mers moyennes de vives-eaux (coefficient de marée de 95).
Tout comme la partie sèche du littoral, la propriété et l'utilisation de l'estran peut donner lieu à des controverses légales et politiques :