"La vraie drogue du viol, c'est l'alcool !"

Publié par Isabelle le 10/10/2014 à 12:00
Source: Mathieu-Robert Sauvé - Université de Montréal
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Le profil type de la victime est celui d'une jeune femme peu habituée aux excès, qui se fait entraîner dans une soirée où il y a consommation d'alcool. (Photo: Thinkstock)
L'acide gamma-hydroxybutyrate ou GHB, surnommé "drogue du viol" en raison de ses effets amnésiants chez les victimes qui en ingèrent à leur insu, aurait une réputation surfaite. Des 1274 cas d'agressions sexuelles ayant fait l'objet d'une analyse toxicologique au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML) du Québec entre 2008 et 2013, aucun ne mettait en cause le GHB.

"On a relevé la présence de GHB à sept reprises dans nos échantillons, mais un seul cas correspondait au scénario d'un agresseur qui avait drogué sa victime. Et encore, celle-ci a pu s'en tirer à temps", signale Catherine Lavallée, toxicologue judiciaire au LSJML.

Cela signifie que la quasi- totalité des ingestions avérées de GHB ont été volontaires. Les victimes ont elles-mêmes consommé cette drogue vendue principalement sous forme liquide: une fiole de 15 ml vaut environ 15 $ sur le marché illicite. Il faut dire que l'effet combiné du GHB et de l'alcool ou d'autres drogues peut être très puissant.

Le laboratoire de la rue Parthenais, à Montréal, a dévoilé les huit cas de soumission chimique - ainsi qu'on nomme en toxicologie le geste fait par un agresseur pour intoxiquer sa victime à l'aide d'une substance psychotrope - analysés au cours des cinq dernières années. "On a enregistré cinq cas de benzodiazépine, un de cyclobenzaprine, un de quétiapine et le cas de GHB mentionné précédemment", énumère Mme Lavallée. Toutefois, il n'y a pas eu agression sexuelle dans le cas du GHB, puisque la victime a détecté un goût particulièrement désagréable dans son verre, ce qui lui a permis de s'isoler de l'agresseur.

La division toxicologique du Laboratoire reçoit tous les échantillons d'urine ou de sang prélevés sur le territoire québécois à la suite d'une agression déclarée dans un centre désigné. "On nous en envoie près de 500 par année de partout au Québec", indique Mme Lavallée, diplômée en biochimie de l'Université de Montréal.

Alcool en cause !

Des quelque 2800 cas d'agressions sexuelles figurant dans la banque de données brutes du LSJML, 45 % ont été analysés sur le plan toxicologique. Dans plus des trois quarts de ces cas, on a noté la présence d'alcool ou d'autres drogues. Le cannabis (26 %), la cocaïne (17 %), les amphétamines (11 %) et les benzodiazépines (9 %) sont les drogues les plus souvent mises au jour. Mais l'alcool, avec plus du tiers des tests positifs, est de loin la substance la plus courante malgré le fait qu'elle est rapidement éliminée par l'organisme.

Ce qui fait dire à Mme Lavallée que "la vraie drogue du viol semble être l'alcool". Le profil type de la victime est celui d'une jeune femme peu habituée aux excès, qui se fait entraîner dans une soirée où il y a consommation d'alcool. Au réveil, elle constate qu'elle a un grand trou de mémoire. Elle soupçonne son agresseur d'avoir versé un produit dans son verre et se présente à un hôpital ou un centre désigné où un suivi médical et psychosocial sera assuré et où l'on prendra des échantillons biologiques pour analyse. "J'ai eu un cas semblable le mois dernier. L'analyse s'est avérée négative quant au GHB, mais elle a révélé une alcoolémie de l'ordre de 120 mg/100 ml de sang, cinq heures après l'évènement. Comme le taux moyen d'élimination de l'alcool dans le sang est de 15 mg/100 ml, la personne était fortement intoxiquée au moment des faits rapportés. Pas besoin d'en avoir plus pour expliquer l'amnésie partielle."

Il est vrai que le métabolisme du GHB est relativement rapide et que les traces de consommation ont presque complètement disparu de l'urine et du sang après une vingtaine et une dizaine d'heures respectivement. Des laboratoires spécialisés peuvent recueillir des indices chimiques dans les cheveux d'un consommateur, mais à des coûts élevés et certaines variables limitent l'interprétation des résultats d'analyse relatifs au GHB.

Le constat de l'équipe toxicologique du LSJML va dans le sens des observations du National Institute of Justice des États-Unis, qui concluait dans une grande étude sur les agressions sexuelles sur les campus américains qu'une minorité de cas de soumissions chimiques (moins de 3 %) étaient dus au GHB ou au Rohypnol, une drogue semblable. Cependant, 63 % des échantillons pris sur des victimes de viols contenaient des traces, parfois importantes, d'alcool.
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