Vers une mémoire supraconductrice à effet tunnel

Publié par Adrien le 15/05/2020 à 13:00
Source: CNRS INP
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Des physiciennes et des physiciens ont mis en évidence le mécanisme à l'origine de l'électrorésistance géante dans des jonctions tunnel à base de supraconducteurs à haute température. Grâce à leur fonction mémoire, ces dispositifs ouvrent des nouvelles perspectives pour l'électronique supraconductrice.


Figure 1. Schéma de la jonction étudiée (à gauche) et image par microscopie électronique de l'interface entre les matériaux formant la jonction. Le contact avec l'électrode supérieure de MoSi se fait par une ouverture micrométrique dans la surcouche isolante et photorésistante.

L'électrorésistance décrit une variation brutale de la conductivité d'une jonction à effet tunnel lorsqu'elle est soumise à une brève tension électrique. Un peu comme si l'on actionnait un interrupteur capable de laisser passer plus ou moins de courant. Dans certain cas, l'état persiste après l'application de la tension, c'est l'effet mémoire. Ce type d'effet restait jusqu'ici limité aux jonctions tunnel à barrière ferroélectrique.

En utilisant des jonctions à base d'oxydes supraconducteurs, les scientifiques ont eu la surprise de constater que l'on peut reproduire ce comportement avec des jonctions beaucoup plus simples, où l'oxyde et le métal sont directement en contact. Contrairement aux jonctions à barrière ferroélectrique, où l'électro-résistance résulte d'un phénomène électrostatique, elle est produite ici par un mécanisme purement électrochimique, notamment une réaction d'oxydoréduction à l'interface entre les deux matériaux.


Figure 2. Variation de la conductance tunnel (G) en fonction la tension appliquée (Vpol). Les deux niveaux de conductance sont séparés de plusieurs ordre de grandeur.

Les expériences menées démontrent aussi que, lorsque l'on refroidit le dispositif et que l'oxyde entre dans sa phase supraconductrice, les effets de commutation deviennent jusqu'à 30 fois plus importants que dans la phase normale, ce qui était là encore inattendu. Ces travaux sont le résultat d'une collaboration entre l'Unité mixte de physique CNRS/Thales (UMPhy, CNRS/Thales/Université Paris Saclay), le Laboratoire de physique et d'étude des matériaux (LPEM, CNRS/Sorbonne Université/ESPCI Paris), le Laboratoire ondes et matière d'Aquitaine (LOMA, CNRS/Université de Bordeaux) et l'Université Complutense de Madrid (Espagne). Ils sont publiés dans la revue Nature Communications.

Les expériences ont été menées dans des jonctions (Figure 1) constitués d'un cuprate supraconducteur (électrode inférieure, YBCO) et un supraconducteur métallique conventionnel (électrode supérieure, MoSi). Les chercheurs ont comparé des jonctions dans lesquelles les électrodes étaient en contact direct avec des jonctions ayant une fine couche ferroélectrique entre elles (BFO). Le même comportement a été observé dans les deux cas, notamment la variation de la conductance tunnel entre deux valeurs extrêmes (ON/OFF) par l'application d'une tension Vpol (Figure 2). Les spectres de conductance tunnel ont permis de mettre en évidence une variation de la taille du gap supraconducteur lors du passage d'un état à l'autre, indiquant une variation du contenu en oxygène dans le cuprate. Cette variation résulte des réactions d'oxydoréductions.

Au-delà de leur intérêt fondamental, ces résultats élargissent le champ d'application de l'électro-résistance tunnel, notamment en ouvrant la voie vers des mémoires Josephson - un graal dans le domaine de l'électronique supraconductrice.

Référence:

Quasiparticle tunnel electroresistance in superconducting junctions.
V. Rouco, R. El Hage, A. Sander, J. Grandal, K. Seurre, X. Palermo, J. Briatico, S. Collin, J. Trastoy, K. Bouzehouane, A. I. Buzdin, G. Singh, N. Bergeal, C. Feuillet-Palma, J. Lesueur, C. Leon, M. Varela, J. Santamaria et Javier E. Villegas.
Nature Communications, le 31 janvier 2020.

DOI: 10.1038/s41467-020-14379-w.
Article disponible sur la base d'archives ouvertes HAL.
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