Twitter sa science

Publié par Michel le 11/12/2013 à 00:00
Source: Mathieu-Robert Sauvé - Université de Montréal
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Vincent Larivière et Stephanie Haustein estiment qu'à l'heure actuelle les mentions d'articles sur le réseau Twitter ne sont pas un bon indicateur d'impact des articles.
S'il faut se fier aux messages de 140 caractères ou moins diffusés sur le réseau social Twitter entre 2010 et 2012, deux articles scientifiques sur les répercussions des radiations sur l'être humain auraient obtenu le plus de citations dans le monde.

Sur les 15 articles les plus microblogués, un traite de l'acné chez les adolescents athlètes, un autre aborde la fracture du pénis et un troisième a pour sujet les liens entre l'activité physique et le taux de mortalité.

Voilà le palmarès révélé par Stefanie Haustein, postdoctorante à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal, au terme de l'analyse de 1,4 million de documents puisés dans les répertoires PubMed et Web of Science. C'est la plus vaste étude sur le sujet réalisée à ce jour. Pour rédiger son article qui vient de paraitre dans le Journal of the Association for Information Science and Technology, Mme Haustein a retenu l'information permettant de retracer les articles figurant dans les messages transmis sur le réseau créé en 2006 et comptant aujourd'hui 500 millions d'abonnés. Elle travaille sous la direction du professeur Vincent Larivière, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante à l'EBSI,

"Les articles scientifiques les plus populaires sur le réseau Twitter soulignent des implications sur la santé ou ont un volet humoristique ou étonnant. Cela laisse entendre que ce ne sont pas les articles ayant la plus grande portée intellectuelle qui font l'objet de la plus large diffusion", explique Mme Haustein en reprenant la conclusion de l'article.

L'analyse révèle en effet qu'un grand nombre de micromessages ne correspond pas à un nombre élevé de citations dans les revues savantes - une méthode de mesure de l'impact qui est généralement acceptée par la communauté scientifique. Ainsi, le premier article sur la liste des chercheurs, relatif à un gène altéré durant l'exposition à des radiations, n'a récolté que neuf citations dans les revues savantes... et 963 microbillets. Un article sur un sujet similaire à la suite de l'explosion de la centrale nucléaire de Fukushima, a obtenu 30 citations, pour 639 microtextes.

Microbloguer pour favoriser l'incidence sociale

"Pour l'instant, commente le professeur Larivière, coauteur de l'étude, Twitter ne peut pas être considéré comme un bon marqueur de l'impact scientifique. On peut tout au plus mentionner une certaine incidence sociale. Quand on regarde les articles qui arrivent en tête, plusieurs ont un caractère étonnant ou humoristique. On twitte souvent un article pour l'anecdote."

Rappelons que la manière traditionnelle de calculer l'impact scientifique d'un article s'appuie sur le nombre de citations qu'il a reçu dans d'autres articles scientifiques. Cette méthode tient compte de la notoriété des revues dans lesquelles l'article est publié et cité. Il s'agit d'un calcul basé sur l'évaluation par les pairs, puisque ce sont les scientifiques qui citent d'autres scientifiques. "Dans le cas des réseaux sociaux, n'importe qui peut relayer l'article à n'importe qui, ce qui introduit un biais dans les données", dit Mme Haustein, qui est la première auteure de l'article, auquel ont également contribué Isabella Peters, de l'Université Heinrich Heine de Düsseldorf (Allemagne), Cassidy R. Sugimoto, de l'Université de l'Indiana à Bloomington (États-Unis), et Mike Thelwall, de l'Université de Wolverhampton (Royaume-Uni).

Il faut tout de même signaler que le réseau Twitter est de plus en plus utilisé afin de diffuser des articles scientifiques. Au cours des trois années étudiées, on remarque une augmentation de la proportion des articles relayés sur le réseau, pour atteindre 20,4 % en 2012. Les deux tiers des articles sont cités une seule fois, alors que le plus populaire l'a été 963 fois. À noter, un article d'un professeur de l'Université de Montréal, Laurent Mottron, portant sur l'autisme, arrive en 12e position mondiale avec 274 mentions.

Revues prestigieuses

Fait intéressant, la plupart des articles les plus cités sur Twitter proviennent de revues réputées "prestigieuses" telles que PNAS, Science, Nature, Lancet, New England Journal of Medicine... La revue qui suscite le plus de micromessages est Nature avec 13 430 mentions, écrivent les auteurs. Et, pour une publication savante, le fait de posséder ou non un compte Twitter officiel ne modifie pas la quantité des communications.

"Considérant les corrélations révélées à partir de notre échantillon [...], nous posons que les mentions sur le réseau Twitter ne sont pas un bon indicateur de l'impact des articles. Cela pourrait être dû à de nombreux facteurs, dont le fait que Twitter n'est pas encore très populaire chez les chercheurs et le fait que la viabilité de Twitter comme outil pour la communication scientifique demeure sous-estimée", écrivent les auteurs.

Les chercheurs tiennent à préciser que l'évolution récente des réseaux sociaux laisse apparaitre de nouvelles perspectives pour la communication de la science. "Le fait que de plus en plus d'articles sont relayés est une bonne nouvelle, car cela sert la communication scientifique. Peu importe si ce sont des non-scientifiques qui relaient ces informations; c'est la preuve que la science est un élément de la culture générale", déclare M. Larivière.

À peine 15 % des diplômés universitaires au Québec sont actifs sur le réseau Twitter. Il faudrait explorer les raisons pour lesquelles les scientifiques demeurent réfractaires à l'adoption de ce réseau, concluent les chercheurs. Il demeure que Twitter est actuellement à la mode; le sera-t-il dans 10 ou 15 ans? Rien n'est moins sûr. "C'est un monde qui change très vite", observe Mme Haustein.
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