Traitement des eaux usées domestiques: quand les cyanobactéries prennent le pouvoir

Publié par Isabelle le 08/01/2018 à 12:00
Source et illustration: INRA
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La plupart des microorganismes s'agrègent spontanément dans l'environnement. Les boues activées se conforment à cette règle et sont constituées d'amas de bactéries qui consomment la pollution des eaux usées en présence d'oxygène. Des chercheurs de l'Inra et leurs collègues américains ont mis en évidence la transformation de boues activées en agrégats sphériques enrichis en cyanobactéries productrices d'oxygène, appelés photogranules. Ceux-ci ont potentiellement la capacité de traiter la pollution contenue dans les eaux usées sans apport extérieur d'oxygène et de produire une matière première valorisable en énergie et pour l'agriculture. Ces résultats sont publiés le 20 décembre 2017 dans la revue Scientific Reports.

Si le traitement des eaux usées domestiques est maintenant généralisé dans les pays développés, l'empreinte environnementale du procédé est réelle: 2 à 3 % de la consommation totale d'électricité est utilisée pour le fonctionnement des bassins de boues activées - c'est-à-dire des bactéries agrégées en amas granulaires suspendus dans l'eau usée, en particulier pour apporter aux bactéries l'oxygène qui leur est nécessaire pour minéraliser la matière organique et éliminer l'azote.

Des chercheurs de l'Inra et leurs collègues américains ont découvert que certaines bactéries photosynthétiques sont susceptibles de s'agréger d'une manière particulière dans l'espace. Cette découverte permet de proposer une alternative ingénieuse et prometteuse qui tire parti de la capacité de ces bactéries à former des agrégats sphériques et à fournir notamment de l'oxygènein situà l'écosystème de dépollution.

Des photogranules microbiens riches en cyanobactéries...

L'histoire commence de façon fortuite, avec une fiole renfermant de la boue activée oubliée près d'une fenêtre... Contre toute attente, les scientifiques ont mis en évidence la transformation de cette boue activée en quelques semaines en présence de lumière en un granule quasi-sphérique. Ce phénomène a été reproduit avec des boues de provenances diverses.

L'analyse microscopique des granules révèle la présence d'une couche externe, principalement composée de cyanobactéries filamenteuses mobiles qui forment un feutre de filaments entrelacés qui en garantissent la cohésion structurale. La coloration superficielle bleu-vert des granules qui est due à la présence simultanée de chlorophylle α et de phycocyanines confirme la présence des cyanobactéries.

En conditions hydrodynamiques turbulentes, proches des conditions usuelles de traitement des eaux usées, les scientifiques constatent également la propagation et la croissance de ces photogranules, morphologiquement similaires à ceux obtenus en conditions statiques.

... pour une utilisation innovante dans le traitement des eaux usées domestiques

S'ils génèrent de l'oxygène grâce à la photosynthèse, ces photogranules produisent également de la biomasse en fixant le gaz carbonique issus de la dégradation du carbone organique contenu dans la pollution. Ces deux propriétés sont d'un grand intérêt pour le traitement de eaux usées notamment domestiques dans la mesure où la production in situ d'oxygène peut remplacer avantageusement l'introduction d'air, au demeurant coûteuse, tandis que la biomasse produite, contenant des nutriments peut servir d'engrais ou de source d'énergie renouvelable, par exemple par la conversion en méthane. Il reste désormais à maîtriser le mécanisme de formation des photogranules pour développer leur utilisation dans le bioprocédé.

L'utilisation de photogranules dans le traitement des eaux usées bouscule le rôle traditionnellement dévolu aux stations d'épuration et couple dans un même procédé innovant une dépollution à faible empreinte énergétique avec un recyclage de la matière organique valorisable. Plus encore, elle répond potentiellement aux enjeux de durabilité d'une bioéconomie qui repose sur le développement de bioprocédés maitrisés, éco-conçus, intégrant des technologies innovantes, plus flexibles et robustes, et plus économes en ressources.

Les cyanobactéries, en quelques mots

Apparues il y a environ 2,5-3 milliards d'années, les cyanobactéries ont contribué à l'expansion des formes actuelles de vie sur Terre grâce à leur capacité à produire de l'oxygène par photosynthèse. Il existe une grande diversité de morphologies et de physiologies parmi les cyanobactéries. Elles jouent également un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes grâce à leur aptitude à fixer le carbone et l'azote atmosphériques.

Connues pour proliférer de façon parfois importante, les cyanobactéries peuvent alors être à l'origine de nombreux problèmes parmi lesquels la production de toxines potentiellement dangereuses pour l'homme et l'animal.

Présentes dans les eaux douces ou salées, à la surface des sols, dans les zones froides ou chaudes, ces bactéries sont aussi des organismes pionniers des milieux désertiques et autres environnements extrêmes.

Référence publication:
Kim Milferstedt, W. Camilla Kuo-Dahab, Caitlyn S. Butler, Jérôme Hamelin, Ahmed S. Abouhend, Kristie Stauch-White, Adam McNair, Christopher Watt, Blanca I. Carbajal González, Sona Dolan, Chul Park. The importance of filamentous cyanobacteria in the development of unusual oxygenic photogranules. Scientific Reports, doi:10.1038/s41598-017-16614-9.

Contact scientifique:
- Kim Milferstedt Laboratoire de Biotechnologie de l'environnement
- Jérôme Hamelin Laboratoire de Biotechnologie de l'environnement
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