Selon les travaux d'une mission océanographique impliquant le LSCE (CEA-CNRS-UVSQ), les sédiments du delta du Rhône participent à l'absorption du CO
2 atmosphérique.
L'alcalinité d'une eau mesure sa capacité à neutraliser les acides, notamment via sa concentration en ions carbonate CO
3- et bicarbonate HCO
3-. Or le
dioxyde de carbone dissous dans l'eau (H
2O+CO
2) est un
acide faible et peut, de ce fait, être neutralisé dans une eau alcaline. Cette propriété chimique de l'eau influence donc le cycle du
carbone.
Dans certaines conditions, une fraction du CO
2 atmosphérique pourrait donc ainsi disparaître définitivement, atténuant l'
effet de serre. Le réchauffement
planétaire étant en grande partie imputable au CO
2, il est intéressant d'étudier les sources d'alcalinité et d'en comprendre le fonctionnement.
En particulier, dans les deltas et les estuaires, les sédiments échangent des éléments chimiques avec les eaux océaniques du fait de l'activité biologique des êtres vivants de ces écosystèmes. Ces échanges ont été étudiés dans le delta du
Rhône, à des profondeurs d'eau comprises entre 20 et 75 mètres, lors d'une
campagne océanographique, menée conjointement par le LSCE et le
Georgia Institute of Technology, en septembre 2015.
Pour cela, les scientifiques ont déployé en fond de mer une chambre instrumentée autonome à l'interface eau-sédiment. Ils ont ainsi isolé un certain
volume d'eau et de sédiment et quantifié les flux d'éléments chimiques in situ pendant 10 à 12
heures.
(c) C.Rabouille, B.Bombled/CEA Dans le delta (sous-marin), les flux d'alcalinité et de CO
2 dissous (carbone inorganique dissous) des sédiments vers la colonne d'eau sont intenses (≈ 50 mmol m
-2.jour
-1) tandis que, plus au large, sur le plateau continental, ils sont plus modérés (4 mmol m
-2.jour
-1). Les sédiments du delta du Rhône sont donc des sources d'alcalinité pour les eaux côtières.
Pour comprendre l'origine de ces flux, les climatologues ont prélevé et analysé sous atmosphère
inerte des échantillons d'eau contenue dans les sédiments. En cause: la
précipitation d'une phase de
sulfure de fer (FeS) dans la partie anoxique des sédiments. Cet "enfouissement" de FeS empêche une ré-oxydation de Fe et S qui aurait produit des ions H
+ et diminué l'alcalinité de l'eau. Quasiment absent des sédiments du plateau continental, ce phénomène autorise un flux d'alcalinité plus important vers l'eau.
Ces travaux ont été réalisés au cours de la mission océanographique Amor-B-Flux dans le cadre du projet ANR-Amorad (RSNR-Investissement d'Avenir) et du programme national de l'INSU Mistral-Mermex.
Références:
Benthic alkalinity and dissolved inorganic carbon fluxes in the Rhône River prodelta generated by decoupled aerobic and anaerobic processes, Biogeosciences