Les moustiques vecteurs du paludisme ayant subi les assauts d'un prédateur alors qu'ils n'étaient que des larves voient leur fécondité et leur longévité réduites. Ce "stress post-prédation" durant le stade larvaire a ainsi des effets à retardement sur la capacité des moustiques adultes à transmettre la
maladie. Cette découverte est publiée le 16 décembre 2015 dans la revue
Proceedings of the Royal Society B par des chercheurs de l'IRD, du
CNRS et de l'IRSS
(1) au Burkina Faso.
Figure: Le moustique Anopheles gambiae prenant un repas de sang
© James Gathany
Les larves exposées à des punaises prédatrices
Les scientifiques ont étudié en laboratoire les effets de la prédation sur des larves d'Anopheles coluzzi femelles, un des vecteurs majeurs du
paludisme en
Afrique subsaharienne, collectées au Burkina Faso. Ils les ont exposées à des punaises aquatiques prédatrices de larves de moustiques, les notonectes. Les larves ayant survécu aux assauts des punaises se sont vu offrir, une fois devenues adultes, un repas de sang contaminé par le parasite
Plasmodium falciparum, l'agent
pathogène responsable de la forme sévère du paludisme humain en Afrique.
Des effets à retardement sur la taille, la fécondité et la longévité des moustiques
Les chercheurs ont alors observé leur durée de développement, leur taille adulte, leur fécondité, leur longévité ainsi que leur capacité à développer et transmettre le parasite (appelée "compétence pour P. falciparum").
Résultat: l'exposition des larves à des notonectes ne modifie pas significativement cette dernière faculté. En revanche, elle influence plusieurs traits biologiques chez les femelles moustiques devenues adultes, ayant des rôles clés dans la transmission du paludisme:
- la durée de développement des larves est allongée ;
- la taille adulte des femelles est affectée, celles-ci possédant notamment des ailes plus courtes ;
- mais surtout, leur fécondité s'en trouve fortement réduite: elles ont 1,6 fois moins de chance de développer des œufs, et ceux-ci sont également plus petits que la normale ;
- enfin, le "stress post-prédation" réduit leur longévité.
Jusqu'à 34 % de réduction de la transmission
Dernière étape: à l'aide d'un modèle épidémiologique, les chercheurs ont montré que l'exposition des larves de moustiques aux prédateurs pendant leur développement peut diminuer la transmission du paludisme. D'après leurs simulations, ils révèlent ainsi que la présence d'un
prédateur des larves de moustique peut réduire l'étendue des épidémies humaines jusqu'à 34 % à court et long terme.
Ces résultats soulignent l'importance de prendre en compte l'effet des stress environnementaux sur l'écologie et l'épidémiologie du paludisme et celle du maintien de la biodiversité dans les gîtes larvaires des moustiques. Ils ouvrent de nouvelles pistes de
recherche dans le domaine de la lutte contre le paludisme,
pandémie responsable de près de 438 000 décès dans le
monde en 2015, selon l'OMS.
Note:
(1) Institut de recherche en sciences de la santé (Bobo-Dioulasso).