Le récepteur NMDA, une cible inattendue dans l'Hypertension Artérielle Pulmonaire

Publié par Adrien le 20/02/2018 à 00:00
Source: CNRS-INSB
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L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare et sévère due au remodelage des petites artères pulmonaires. Sans traitement spécifique, la survie moyenne est de 2,8 ans. Aujourd'hui, les malades sont traités par des médicaments essentiellement vasodilatateurs qui prolongent l'espérance de vie, mais ne sont pas curatifs. Hors des sentiers battus, et de façon inattendue, l'équipe de Sylvia Cohen-Kaminsky a identifié le récepteur NMDA (NMDAR), un récepteur au glutamate connu pour jouer un rôle crucial dans la transmission synaptique neuronale, comme nouvel acteur du remodelage vasculaire pulmonaire conduisant à l'HTAP, et donc comme cible thérapeutique vasculaire potentielle. Cette étude a été publiée le 14 Février 2018 dans la revue Circulation.


Figure: Effet d'un antagoniste des NMDARs sur l'inflammation, le remodelage vasculaire et la pression artérielle moyenne.
Expériences menées dans un modèle expérimental d'HTAP, chez le rat. Trois groupes de rats ont été comparés: groupe témoin, groupe exposé à la monocrotaline (MCT, un toxique qui induit l'HTAP), groupe exposé à la MCT et traité par MK-801 (3 mg/kg/j), un antagoniste connu des NMDARs. Les images représentatives montrent l'effet simultané de MK-801 sur l'inflammation et le remodelage vasculaire pulmonaire. Les mesures montrent que le blocage pharmacologique des NMDARs par MK-801 diminue.
A) l'inflammation évaluée par l'infiltration de l'adventice par les macrophages CD68+,
B) le remodelage vasculaire, évalué par la mesure de l'hypertrophie médiale des petites artères pulmonaires avec pour conséquence,
C) une normalisation de la pression artérielle pulmonaire moyenne (mPAP, mmHg) (de gauche à droite).
© Sébastien Dumas et Sylvia Cohen-Kaminsky

Imaginez que vous soyez à bout de souffle en permanence, que le moindre geste devient impossible, c'est le cas des patients souffrant d'HTAP. L'obstruction progressive des petites artères pulmonaires conduit à une augmentation de la pression sanguine dans l'artère pulmonaire, et le coeur droit, qui doit lutter contre cette pression en envoyant le sang dans le poumon, commence par s'hypertrophier pour s'adapter et finit par défaillir, entrainant la mort sauf si le patient peut bénéficier d'une transplantation pulmonaire. Ce remodelage vasculaire pulmonaire met en jeu l'inflammation péri-vasculaire, la dysfonction endothéliale, ainsi que la prolifération incontrôlée et la résistance à l'apoptose des cellules musculaires lisses artérielles pulmonaires.

L'idée de cibler les récepteurs NMDA (NMDAR) s'appuie sur leur présence non seulement dans les cellules neuronales et astrocytaires, mais aussi sur leur découverte plus récente dans les cellules endothéliales microvasculaires cérébrales où ils jouent un rôle dans l'ouverture de la barrière hémato-encéphalique (BHE) et la neuroinflammation. Les NMDAR participent également à la prolifération des cellules cancéreuses.

Les chercheurs ont émis l'hypothèse selon laquelle, comme dans les cellules cancéreuses, le remodelage vasculaire pulmonaire pourrait être entraîné par la reprogrammation métabolique des cellules vasculaires, augmentant la glutaminolyse et la production de glutamate. Les premières observations réalisées sur les poumons explantés de patients souffrant d'HTAP, confirment que le NMDAR et son ligand sont bien dérégulés dans les artères pulmonaires. De plus, une approche originale d'imagerie par spectrométrie de masse (MSI) montre que le glutamate et son précurseur la glutamine s'accumule dans les vaisseaux pulmonaires. Le NMDAR est surexprimé et suractivé dans les petites artères pulmonaires remodelées.

A partir de ces résultats, l'équipe a montré que les éléments de la communication glutamatergique sont présents dans les cellules vasculaires pulmonaires, et que la dérégulation, dans l'HTAP, de voies de signalisation majeures, telles que celles de l'endothéline-1 et du PDGF, module l'axe glutamate/NMDAR dans les cellules vasculaires, déclenchant à la fois la libération de glutamate et la mobilisation du NMDAR à la membrane des cellules musculaires lisses. De plus, la prolifération des cellules musculaires lisses induite in vitro par leur facteur de croissance, le PDGF-BB, est inhibée par un antagoniste du NMDAR, et met en jeu le NMDAR activé (phosphorylé) aux contacts cellule-cellule. L'ensemble de ces données indique un couplage réciproque ("cross-talk") de ces voies de signalisation de l'HTAP et de la voie du NMDAR, et est en accord avec une communication glutamatergique via les NMDAR entre les cellules musculaires lisses en prolifération.

Pour achever la démonstration, des expériences ont été entreprises in vivo dans deux modèles expérimentaux. 1°) L'inactivation du NMDAR chez la souris, ciblée sur les cellules musculaires lisses, atténue le remodelage vasculaire et l'hypertension pulmonaire en réponse à l'hypoxie chronique. 2°) Le blocage pharmacologique du NMDAR par deux antagonistes connus (mémantine et MK-801) dans un modèle expérimental d'HTAP chez le rat, prévient ou réverse l'hypertension pulmonaire, module in vivo 12 paramètres pertinents de l'HTAP (dont la pression artérielle pulmonaire) en agissant sur l'inflammation péri-vasculaire, le remodelage vasculaire et le remodelage cardiaque (et donc sur les 3 systèmes impliqués dans l'HTAP). In vivo, ils diminuent aussi la prolifération cellulaire (marqueur PCNA, proliferating cell nuclear antigen), et lèvent la résistance à l'apoptose (marqueur Survivine), tout en désengageant le NMDAR.

Ces résultats révèlent un dérèglement de l'axe glutamate-NMDAR dans les artères pulmonaires des patients atteints d'HTAP, et identifient le NMDAR vasculaire comme cible pour un traitement anti-remodelage de l'HTAP. A présent, en collaboration avec l'équipe de Mouad Alami (CNRS UMR 8076) et d'Alain Pruvost (CEA-LEMM), les chercheurs mettent au point de nouveaux antagonistes des NMDARs périphériques (c'est à dire ne passant pas la BHE) pour un futur traitement de l'HTAP et un candidat médicament est attendu pour fin 2018.
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