Mais qu'est-il advenu de nos mitochondries paternelles ?

Publié par Adrien le 04/08/2014 à 12:00
Source: BE Israël numéro 109 (22/07/2014) - Ambassade de France en Israël / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/76422.htm
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Si je vous demande d'où provient votre génome, ce code génétique propre à chaque individu, il y a fort à parier que vous me répondrez sans hésitation: "pour 50% de ma mère et pour 50% de mon père". Auriez-vous raison ? Pas exactement. Certes, les chromosomes contenus dans vos cellules sont tous constitués de deux parties, ou allèles, l'une provenant de votre mère et l'autre de votre père. Mais c'est sans compter sur la présence du génome mitochondrial, aussi appelé ADNmt. Chez l'Homme, comme chez la grande majorité des êtres vivants, cet ADNmt est transmis exclusivement par la mère. Pourtant, les mitochondries paternelles sont bel et bien présentes dans les spermatozoïdes. Ce qui advient d'elles ensuite est un sujet de nombreuses controverses parmi les scientifiques. Entre les partisans d'un mécanisme de destruction active des mitochondries paternelles et les adeptes d'un simple phénomène passif de dilution, le débat fait rage. Un débat que viennent éclairer les travaux menés par l'équipe du professeur Eli Arama de l'Institut des sciences Weizmann et publiés dans le journal scientifique Developmental Cell.

Présentation des mitochondries

Les mitochondries sont de petites structures situées à l'intérieur de nos cellules et délimitées par une membrane semblable à celle des cellules. On les retrouve dans toutes les cellules eucaryotes (contenant un noyau), et donc chez les animaux, les végétaux ainsi que chez les champignons. Sans elles, ces cellules ne pourraient pas survivre. En effet, les mitochondries sont de véritables centrales énergétiques cellulaires, produisant de l'énergie grâce à l'oxydation de molécules organiques issues de la digestion.

Les mitochondries contiennent leur propre ADN, appelé ADN mitochondrial ou encore ADNmt. Ce génome, bien que de taille réduite, est essentiel au bon fonctionnement des mitochondries. Chez la grande majorité des êtres vivants, ce génome mitochondrial est quasi-exclusivement d'origine maternelle.

La désertion des mitochondries paternelles: un phénomène passif ou actif ?

Mais pourquoi l'ADN mitochondrial provient-il quasi-exclusivement de la lignée maternelle ? Jusque récemment, l'explication favorite était un simple phénomène de dilution: les mitochondries étant présentes en beaucoup plus faible quantité dans les spermatozoïdes que dans l'ovule, la quantité de génome mitochondrial présent dans les cellules filles se trouve être négligeable. Cette hypothèse est basée principalement sur une étude d'Ulf Gyllensten et al. (1991), qui a démontré la présence de faibles quantités d'ADNmt d'origine paternelle chez des souris hybrides.

Mais si cette théorie est séduisante de part sa simplicité, de récents travaux tendent à la contredire. Citons notamment l'étude de Sara Al Rawi et al. (2011), qui a mis en évidence la présence de récepteurs liés à l'autophagie au niveau des mitochondries paternelles juste après la fécondation chez la souris. Le terme autophagie désigne la dégradation active d'une partie de la cellule par cette dernière. Ce phénomène pourrait donc expliquer la disparition des mitochondries paternelles.

Mais si la présence de ces récepteurs a été attestée, le phénomène d'autophagie n'a quant à lui jamais été directement observé chez la souris. Même si la prévalence de ce mécanisme a été mise en évidence récemment chez le nématode, de nombreux scientifiques sont dubitatifs quant à la possibilité d'autophagie des mitochondries chez d'autres espèces. Et pour cause. Les spermatozoïdes du nématode ne sont en rien comparables à ceux des mammifères: dépourvus de queue, ils ne possèdent que de petites mitochondries de morphologie nettement moins complexe. S'il est facile de concevoir l'autophagie de ces petites mitochondries primitives, il n'en va pas de même pour celles d'autres espèces telles que la souris ou l'Homme. Difficile de croire que les autophagosomes, les structures responsables de l'autophagie, seraient capables de "dévorer" ces imposantes mitochondries.

La mouche à vinaigre: ennemie du commun des mortels mais amie des scientifiques

Si la plupart d'entre nous sommes exaspérés par ces insectes lors de nos barbecues estivaux, les biologistes voient dans la drosophile, aussi connue sous le nom de mouche à vinaigre, un organisme modèle inestimable. Facile à élever, à étudier, avec un code génétique entièrement connu et aisément manipulable, elle a tout pour plaire. Mais ce qui est particulièrement intéressant pour l'étude en question est que les drosophiles mâles produisent des spermatozoïdes flagellés (avec une queue) et présentant des mitochondries de morphologie semblable aux nôtres. Une autophagie de ces mitochondries complexes se produirait-elle juste après la fécondation ? Si oui, cela indiquerait la possibilité qu'un tel mécanisme de dégradation active intervienne également chez certains mammifères, dont l'Homme.

Mise en évidence de l'existence d'un processus d'autophagie des mitochondries paternelles chez la drosophile

L'équipe de chercheurs israéliens a découvert qu'un phénomène d'autophagie est bel et bien à l'origine de la disparition des mitochondries paternelles chez la drosophile. Mais comment les autophagosomes parviennent-ils à détruire ces imposantes mitochondries ? La réponse est qu'ils se font aider. En effet, dès que le spermatozoïde pénètre dans l'ovule, des vésicules cellulaires spécifiques à l'ovule viennent le rejoindre. Ces vésicules séparent ensuite les mitochondries de la queue du spermatozoïde, au sein de laquelle elles se trouvaient jusqu'alors et les réduisent en pièces. La destruction des fragments de mitochondries restants est ensuite assurée par le processus d'autophagie classique.

L'équipe du professeur Eli Arama est persuadée que ce résultat, à savoir l'intervention de ce mécanisme d'autophagie spécifique à l'ovule, ne serait pas propre à la drosophile mais existerait chez d'autres espèces produisant des spermatozoïdes flagellés, telles que l'Homme. Si cette hypothèse se révélait juste, ces travaux pourraient conduire à une meilleure compréhension de l'hérédité du génome mitochondrial mais également de certains problèmes d'infertilité. Il est par exemple possible que ce mécanisme soit en partie responsable du faible taux de réussite des fécondations in vitro. En effet, cette procédure invasive pourrait entraver la destruction des mitochondries du spermatozoïde par les vésicules cellulaires de l'ovule.
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