Les prédateurs ne choisissent pas leurs proies au hasard

Publié par Isabelle le 19/03/2016 à 00:00
Source: CNRS-INEE
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Dans la forêt péruvienne du bassin de l'Amazonie, les papillons possédant des défenses chimiques arborent des colorations spécifiques que les oiseaux insectivores apprennent à reconnaître et éviter. Pour mieux échapper à ces prédateurs, différentes espèces de papillons toxiques vivant sur un même territoire s'imitent mutuellement. A l'aide de faux papillons reproduisant ces motifs colorés, une équipe scientifique française composée de chercheurs du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS/Université de Montpellier/Université Paul Valéry Montpellier 3/EPHE) et de l'Institut Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/UPMC/ EPHE), a pu analyser avec précision la manière dont les oiseaux sélectionnaient ces proies en fonction de leur abondance. Leurs travaux qui viennent d'être publiés dans PNAS démontrent que le niveau de protection des papillons dépend intimement de leur fréquence dans le milieu naturel. L'étude révèle également que les volatiles ne connaissent parfaitement que les insectes auxquels ils sont le plus souvent confrontés.


A gauche Specimen d'Heliconius numata silvana (©MNHN) A droite Faux papillon H. numata silvana ayant subi une attaque, visible par la marque de bec d'oiseau sur le corps en cire (© Mathieu Chouteau)

Lorsqu'il chasse ses proies favorites un prédateur est à l'affut de signaux visuels susceptibles de le renseigner sur l'éventuelle toxicité de celle-ci. C'est notamment la stratégie qu'adoptent les oiseaux de de la forêt amazonienne péruvienne pour sélectionner les papillons de jour qui composent une large part de leur régime alimentaire. Ces papillons ont en outre la particularité d'imiter les motifs colorés des ailes d'autres espèces de lépidoptères toxiques qui leur confère une meilleure protection contre les prédateurs. Des chercheurs du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier (CEFE, CNRS/Université de Montpellier/Université Paul Valéry Montpellier 3/EPHE) et de l'Institut Systématique, Evolution, Biodiversité de Paris (ISYEB, CNRS/MNHN/UPMC/ EPHE) ont voulu décrypter les relations proies-prédateurs au sein de cet écosystème forestier et la manière dont cette forme de mimétisme influençait ces relations. Pour cela, ils ont mené une expérience inédite en différents points de la forêt amazonienne comme l'explique Mathieu Joron, biologiste au CEFE et co-auteur de l'étude: "Dans chaque secteur géographique, nous avons disposé des centaines de faux papillons de différentes colorations fabriqués en cire et en papier afin que ceux-ci gardent les marques d'attaques des oiseaux et nous permettent ainsi de quantifier le comportement des prédateurs vis-à-vis des différentes colorations." Les scientifiques ont ensuite croisé ces observations de terrain avec l'abondance réelle des proies au niveau de chaque site.


A gauche Specimen d'Heliconius numata f. tarapotensis (© Mathieu Chouteau) A droite Faux papillon H.numata tarapotensis dont la moitié du "corps" et des ailes manquent après une attaque des oiseaux (© Mathieu Chouteau)

L'étude confirme tout d'abord pour la première fois en milieu naturel la théorie émise en 1869 par le naturaliste allemand Fritz Müller selon laquelle plus les proies portant une coloration synonyme de toxicité sont abondantes, mieux elles sont protégées Pour chaque secteur de forêt étudié, ces travaux montrent par ailleurs que la protection des papillons est directement liée à la fréquence des motifs colorés. Un type de coloration très peu représenté dans la nature n'est ainsi pas reconnu comme potentiellement toxique par les oiseaux qui vont alors l'attaquer. Mais dès qu'un de ces motifs colorés est relativement fréquent, il offre une protection efficace aux insectescar tous les prédateurs potentiels le rencontrent suffisamment souvent. De manière plus inattendue, les chercheurs ont constaté qu'une augmentation graduelle de l'abondance se traduit par une diminution du taux d'attaque et donc d'une élévation progressive du taux de survie des papillons. "Nous avons observé que lorsqu'un motif coloré est arboré par plus de 20% des papillons, le nombre total d'attaques se stabilise, explique Mathieu Joron. Au-delà de ce seuil d'abondance, ce n'est donc plus l'amélioration de la connaissance des prédateurs qui permet une meilleure survie, mais l'augmentation de la densité des proies", conclue le chercheur.

En établissant que la visibilité des proies vis à vis de leurs prédateurs joue un rôle essentiel dans les relations proies-prédateurs, ces résultats devraient contribuer à mieux appréhender les mécanismes évolutifs qui régissent les assemblages d'espèces.
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