Mercure brûle. Mars gèle. La Terre est tiède. Quand on songe aux températures des planètes, on imagine forcément qu'elles doivent être plus froides au fur et à mesure que l'on s'éloigne du Soleil. Au bout du chemin se trouve Pluton. Les scientifiques ont toujours soupçonné que ce monde lointain pourrait être encore plus froid qu'il ne le devrait. Les chercheurs du Centre Harvard-Smithsonian ont désormais montré que cela est vrai.
Pluton et sa lune Charon vus depuis la surface d'un des deux nouveaux satellites récemment découverts (Vue d'artiste)
Les astronomes discutent encore pour déterminer si Pluton est une planète ou devrait plutôt être considéré comme un astre émigré de la Ceinture de Kuiper. Quelle que soit sa nature, Pluton et sa lune Charon recèlent certainement quelques secrets des débuts de l'histoire de la formation des planètes. Le diamètre de Charon est d'environ la moitié de celui de la planète elle-même, et ils forment ensemble une paire unique dans notre Système Solaire. La façon dont ils se sont réunis reste encore un mystère.
Pluton étant situé trente fois plus loin du Soleil que la Terre, la lumière du Soleil qui atteint sa surface est extrêmement faible, la lumière diurne équivalant au mieux à celle de nos crépuscules. La température de Pluton varie considérablement lors de son orbite puisqu'au plus près du Soleil, où il se situe à 30 Unités Astronomique, et au plus loin à 50 UA. (Une Unité Astronomique représente la distance de la Terre au Soleil soit environ 150 millions de km). Lorsque Pluton s'éloigne du Soleil, on pense que son atmosphère ténue gèle et tombe comme de la glace sur sa surface.
La lumière du Soleil refléchie par Pluton et recueillie à l'aide d'instruments tels que le télescope Keck à Hawaï et le télescope spatial Hubble montre que la surface de la planète pourrait être plus froide qu'elle ne devrait l'être, et ceci à la différence de Charon. Cependant, aucun télescope capable de mesurer directement leur émission thermique (leur chaleur) n'avait jamais pu discerner les deux corps. Leur proximité présentait un défi considérable puisqu'ils sont distants de moins de 0.9 secondes d'arc, soit la longueur d'un crayon vu à 50 kilomètres de distance !
Un anti-effet de serre
Pour la première fois, les astronomes du Centre Harvard-Smithsonian ont réalisé des mesures directes de la chaleur des deux corps en utilisant le SMA (Submillimeter Array) sur le Mauna Kea à Hawaï. Ils ont constaté que Pluton est effectivement plus froid que prévu et également plus froid que Charon.
"Nous connaissons Vénus et son effet de serre", indique Mark Gurwell du CfA, "Pluton est un exemple dynamique de ce que nous pourrions appeler un anti-effet de serre. La nature aime nous poser des énigmes, et celle-ci est fameuse".
Pendant les observations, le SMA a utilisé sa configuration la plus étendue pour obtenir des données interférométriques à haute résolution, permettant des lectures séparées de "thermomètre" pour Pluton et Charon. La température de la surface couverte de glace de Pluton est d'environ 43°K (-230°C) au lieu des 53°K prévus (-220°C) et que l'on retrouve sur Charon. Cela confirme le modèle actuel qui soutient que la basse température de Pluton est provoquée par un équilibrage entre la glace extérieure et l'atmosphère ténue d'azote, et non pas seulement par le rayonnement solaire entrant. La lumière du Soleil (l'énergie) atteignant la surface de Pluton est employée pour convertir une partie de la glace d'azote en gaz, plutôt que pour réchauffer la surface. Le phénomène est semblable à la façon dont l'évaporation d'un liquide peut refroidir une surface, telle celle de la sueur qui refroidit la peau.