Les piARNs contre attaquent

Publié par Isabelle le 07/07/2019 à 14:00
Source: CNRS INSB
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Cette étude parue dans la revue Genome Biology, montre qu'à la suite d'une réactivation d'un élément transposable (ET = séquence d'ADN mobile) dans un tissu adjacent aux cellules germinales, cet élément est capable d'infecter et d'envahir le génome de la lignée germinale comme le ferait un virus. En retour, la lignée germinale apprend à se défendre de cette attaque en piégeant cet élément dans son ADN de façon à garder la mémoire de cette infection. Une "auto-immunisation" du génome se met ainsi en place et "vaccine" la lignée germinale de l'individu et de sa descendance contre des futures invasions.


Figure: Ces deux schémas représentent une chambre d'œuf de Drosophile, avec les cellules germinales (en vert) qui transmettront l'informatique génétique à la descendance et les cellules folliculaires de soutien d'origine somatique (en blanc et rouge) entourant la lignée germinale.
A) Réactivation d'un élément transposable dans certaines cellules folliculaires (rouge) et invasion de la lignée germinale. Au moment de l'infection, la lignée germinale ne sait pas se défendre.
B) A la suite de l'infection, l'élément transposable saute dans l'ADN de la lignée germinale dans une région particulière produisant des piARNs permettant ainsi la production de nouveaux piARNs (rouge) dirigés contre l'élément transposable envahisseur. Cette nouvelle production se visualise par l'extinction de l'expression de l'élément transposable envahisseur spécifiquement dans les cellules germinales.
© Marianne Yoth et Emilie Brasset

Les cellules germinales, spermatozoïdes et ovules, transmettent le patrimoine génétique c'est à dire l'ADN à la génération suivante. Ce matériel génétique si précieux doit donc être fortement protégé afin qu'aucune mutation n'apparaisse et ne puisse être transmise. Une menace qui pèse constamment sur nos cellules et qui peut mettre en péril la stabilité de nos génomes est portée par l'ADN lui-même: ce sont les Éléments Transposables (ET). En effet les ETs sont des séquences d'ADN mobiles qui ont la capacité de se déplacer c'est à dire de transposer et ainsi de s'insérer à une autre localisation dans le génome. Les ETs ont été retrouvés dans toutes les espèces étudiées et représentent près de la moitié du génome humain.

Le premier mécanisme de défense qui rentre en jeu au sein des cellules germinales repose sur des petits ARNs, appelés piARNs (PIWI-interacting RNA), qui vont cibler par complémentarité de séquence l'ET et ainsi bloquer sa transposition. Ce mécanisme de défense souvent comparé à un système immunitaire génomique permettant de protéger le génome des dangers de la transposition s'est développé dans les cellules germinales des animaux. Ces millions de piARNs produits par les cellules germinales proviennent de régions génomiques particulières appelées Clusters de piARNs. Ces clusters, composés d'une multitude d'ETs enchevêtrés les uns dans les autres, représentent le répertoire d'ETs que la cellule doit réprimer pour maintenir la stabilité de son génome.

Les chercheurs, en utilisant Drosophila melanogaster comme modèle d'étude, montrent qu'à la suite d'une réactivation d'un ET dans un tissu adjacent aux cellules germinales, cet élément est capable d'infecter et d'envahir la lignée germinale, comme le ferait un virus. En retour la lignée germinale apprend à se défendre de cette attaque en piégeant cet élément dans son ADN de façon à garder la mémoire de cette infection. En effet, cet élément se trouvant piégé dans un cluster de piARNs va intégrer le grand répertoire des ETs que la cellule doit réprimer. Des nouveaux piRNAs contre cet élément sont ainsi produits et protègent de façon permanente la lignée germinale. Les clusters de piARNs, en piégeant des ETs, "vaccinent" ainsi la lignée germinale de l'individu et de sa descendance contre une invasion massive d'ETs.

Pour en savoir plus:
Trapping a somatic endogenous retrovirus into a germline piRNA cluster immunizes the germline against further invasion.
Duc C, Yoth M, Jensen S, Mouniée N, Bergman CM, Vaury C, Brasset E.
Genome Biol. 2019 Jun 21;20(1):127. doi: 10.1186/s13059-019-1736-x.

Contact chercheuse:
Emilie Brasset - Enseignante-chercheuse à l'unité Génétique reproduction et développement (GReD) (CNRS/Univ.Clermont Auvergne/Inserm/CHU Clermont Ferrand), emilie.brasset at uca.fr
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