Des phages au secours du fromage

Publié par Adrien le 26/02/2016 à 00:00
Source: Jean Hamann - Université Laval
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Le staphylocoque doré est l'une des bactéries pathogènes les plus fréquemment rencontrées dans les produits laitiers. Elle sécrète une toxine qui cause des empoisonnements alimentaires chez l'humain.
Il n'est peut-être pas loin le jour où l'on pourra lire les mots "cocktail de phages" dans la liste des ingrédients figurant sur l'emballage d'un fromage. En effet, selon une étude dirigée par des chercheurs de l'Université Laval, il serait possible de faire appel à ces virus, qui attaquent les bactéries pour éliminer de façon ciblée certains pathogènes retrouvés dans les produits laitiers. Lynn El Haddad et Sylvain Moineau, du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, et leurs collaborateurs viennent de démontrer la faisabilité de cette approche naturelle de biocontrôle dans un article publié par l'International Journal of Food Microbiology.

Pour faire cette démonstration, les chercheurs ont fabriqué un fromage en laboratoire et ils y ont ajouté une bonne dose de staphylocoque doré (S. aureus). Cette bactérie, qui peut se retrouver dans les fromages qui n'ont pas été fabriqués selon les règles de l'art ou qui ont été contaminés après leur fabrication, produit une toxine qui cause des empoisonnements alimentaires chez l'humain. Chez la vache, elle provoque des mammites de sorte que la bactérie peut facilement se retrouver dans le lait. C'est d'ailleurs l'une des bactéries pathogènes les plus fréquemment rencontrées dans les produits laitiers.

Afin de déterminer s'il était possible de faire disparaître S. aureus de leur fromage expérimental, les chercheurs ont composé des assemblages de phages en adoptant une stratégie comparable à celle d'un entraîneur sportif. Ils ont d'abord évalué les performances individuelles de différentes espèces de phages contre des dizaines de souches de staphylocoque doré et ils ont retenu celles qui tuaient le plus efficacement ces bactéries. Ils ont ensuite sélectionné les phages les mieux adaptés au milieu dans lequel ils allaient évoluer, c'est-à-dire le lait. Enfin, ils ont composé deux trios de virus capables de se complémenter. "Les phages distincts sur le plan taxonomique reconnaissent des récepteurs différents à la surface de la bactérie, explique Sylvain Moineau. En utilisant un assemblage diversifié de phages, on augmente les chances que toutes les souches de S. aureus soient détruites et on réduit ainsi la probabilité que des souches résistantes fassent leur apparition."

Les deux trios de phages testés ont livré la marchandise. Après deux semaines de vieillissement, S. aureus était pratiquement éradiqué du fromage contaminé. "On craignait que la bactérie surproduise des toxines en raison du stress causé par les attaques des phages, mais ça n'a pas été le cas, souligne le professeur Moineau. L'utilisation de cocktails de phages et leur rotation constituent une approche prometteuse de biocontrôle de S. aureus dans l'industrie fromagère."

La seule ombre au tableau vient du fait que les trios sélectionnés performent moins bien dans le lait cru, là où les risques de contamination de S. aureus sont justement les plus élevés. La solution? "Poursuivre les recherches pour trouver des phages mieux adaptés à ce type de lait", répond le chercheur.

Comme l'étude visait d'abord à faire une preuve du concept, les chercheurs n'ont pas évalué l'effet de ce traitement sur la saveur du fromage, mais il faudra éventuellement examiner la question, admet le professeur Moineau. Quant à savoir si les consommateurs accueilleraient favorablement l'idée d'avaler des virus avec leur fromage, le chercheur se fait rassurant. "Les phages utilisés pour ce genre de traitement ne contiennent aucun facteur de virulence pour l'humain, précise-t-il d'emblée. Par ailleurs, les bactériophages sont les entités biologiques les plus abondantes sur notre planète. Ils sont présents sur notre corps et dans notre corps. Nous en consommons probablement tous les jours à notre insu."

L'article paru dans l'International Journal of Food Microbiology est signé par Lynn El Haddad et Sylvain Moineau, du Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, Steve Labrie, du Département des sciences des aliments, Jean-Pierre Roy, du Cégep de Sherbrooke, Daniel St-Gelais et Claude Champagne, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et Georges Khalil, de l'Université du Texas.
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