Le virus Ebola code pour une protéine "L" essentielle à la réplication/transcription du virus. Les chercheurs ont caractérisé un domaine méthyltransférase (MTase) de L qui méthyle les structures coiffes des ARNs nécessaires à la synthèse des protéines virales. Ils montrent que la MTase méthyle également les adénosines internes des ARNs. Le rôle de cette modification épitranscriptomique reste à élucider, mais pourrait être impliquée dans la réplication virale et l'échappement à la réponse antivirale.
Figure: Modifications des ARNs par la MTase du virus Ebola et implications fonctionnelles dans la réplication virale.
© Baptiste Martin & Etienne Decroly
En 2015, une épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola a conduit au décès de plus de 11 000 personnes. Cette épidémie a mis en exergue le manque d'outils thérapeutiques pour traiter les patients atteints du virus Ebola. Depuis, de nombreuses études ont permis de développer des candidats vaccins ou médicaments en cours de validation. Cependant, la
recherche sur le virus Ebola reste limitée, notamment parce que le virus doit être cultivé dans un
environnement de très haute sécurité.
Pour pallier cette difficulté, des chercheurs du laboratoire marseillais AFMB (Aix Marseille Université/CNRS) ont isolé du génome du virus Ebola une séquence codant pour un domaine de la
protéine L impliquée dans la réplication virale. Cette
protéine a été produite par
ingénierie dans une bactérie non
pathogène, puis purifiée et caractérisée en collaboration avec l'équipe Oligonucléotides Modifiés de l'IBMM (CNRS, Montpellier) et l'équipe de J. Grimes du laboratoire STRUBI (Oxford, UK).
Les chercheurs ont montré que, comme dans des modèles viraux proches (pneumovirus, virus respiratoire syncitial), cette protéine participe à la maturation des ARNs messagers viraux en ajoutant des groupements méthyls sur la structure coiffe présente à l'extrémité 5' des ARNs. Cette fonction permet d'activer les ARNs messagers pour initier la traduction des protéines nécessaires à la réplication virale et à la formation de nouvelles particules virales. D'autre part, les ARNs messagers ainsi modifiés sont masqués dans la cellule et ne sont pas reconnus par les sentinelles cellulaires en charge de détecter et/ou de détruire les éléments exogènes.
Les chercheurs ont également observé que, de manière inattendue, la protéine est aussi capable de méthyler les séquences internes des ARNs sur les adénosines. Une activité similaire a déjà été caractérisée chez des virus de la famille des flavivirus (virus Zika et de la dengue), mais il s'agit du premier rapport d'une telle activité chez les
virus à ARN négatif de la famille des mononegavirus comprenant des pathogènes importants tels que les
virus de la rage, de la
rougeole, des
oreillons etc. Bien que le rôle d'une telle modification de l'ARN viral reste à démontrer, un nouveau modèle de
régulation est à l'étude et pourrait contribuer à une avancée majeure dans la compréhension de la pathogénicité du virus Ebola et sa capacité à échapper à la détection précoce du
système immunitaire. Ces résultats pourraient permettre d'initier des projets de développement de molécules à potentiel
antiviral en ciblant spécifiquement ces fonctions essentielles à la réplication de ce virus mortel.