Un nouveau primate fossile de Birmanie enracine les anthropoïdes en Asie

Publié par Isabelle le 07/10/2019 à 14:00
Source: CNRS INEE
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Les humains appartiennent à un vaste groupe de primates, les anthropoïdes, dont le lieu d'émergence, Afrique ou Asie, est débattu. Une équipe paléontologique internationale pilotée par le laboratoire PALEVOPRIM (CNRS/Université de Poitiers) a publié dans la revue Nature Communications un genre inédit d'anthropoïde découvert en Birmanie et daté de 40 millions d'années. Cette découverte renforce l'hypothèse d'une émergence asiatique de notre groupe souche.


Fragments de mâchoires et molaire isolée appartenant à Aseanpithecus myanmarensis, nouvel anthropoïde découvert dans la formation de Pondaung (Birmanie, 40 millions d'années). Barres d'échelles = 5 mm pour a-g et 1 mm pour h-i. © Vincent Lazzari et Olivier Chavasseau

Les anthropoïdes sont un groupe de primates représenté par les singes du Nouveau Monde (platyrrhiniens) et les singes de l'Ancien Monde (L’Ancien Monde se réfère à la partie du Monde connu par les Européens...) (catarrhiniens), ces derniers incluant notamment les grands singes et la lignée humaine (Figure 1). Ces primates se distinguent des formes les plus primitives (lémurs, loris et galagos) par plusieurs caractères dentaires et crâniens (fermeture post-orbitaire, museau court, vision tridimensionnelle accrue due à des orbites plus frontales, os frontaux fusionnés...).


Figure 1. Arbre simplifié présentant les relations de parenté au sein des primates (d'après Williams, B. A., Kay, R. F. & Kirk, C. E. New perspectives on anthropoid origins. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 107, 4797-4804 (2010)). Les formes fossiles africaines sont en rouge, les formes asiatiques apparaissent en vert. La position retrouvée pour Aseanpithecus est plus fréquemment en 1 ou en 2, suggérant une grande proximité avec l'ancêtre commun entre les singes de l'Ancien Monde (humains inclus) et ceux du Nouveau Monde. © Olivier Chavasseau

Depuis plusieurs décennies, les paléontologues s'efforcent de mieux comprendre les premières phases de l'évolution des anthropoïdes. Cette recherche est délicate car les anthropoïdes fossiles sont rares dans le registre fossile (Un fossile (dérivé du substantif du verbe latin fodere : fossile, littéralement...) et ne présentent qu'une partie des caractères diagnostiques des représentants actuels du groupe. Les plus anciens anthropoïdes avérés ont été retrouvés dans l'Eocène et sont datés de 45 millions d'années. Malgré ces découvertes, la connaissance du début de l'histoire des anthropoïdes est très lacunaire.

Les primates anthropoïdes ont longtemps été considérés comme ayant émergé sur le continent afro-arabique où ils sont enregistrés dans l'Eocène et l'Oligocène entre 39 et 32 millions d'années. Cependant, des découvertes successives en Chine et en Birmanie d'anthropoïdes basaux dans des localités datées entre 45 et 40 millions d'années ont amené à privilégier l'hypothèse d'une origine asiatique du groupe. L'équipe paléontologique Franco-Birmane pilotée par des membres du laboratoire PALEVOPRIM travaille depuis 20 ans afin de mieux comprendre l'évolution de ces premiers anthropoïdes en Asie.

Le travail de fouilles réalisé lors des missions de terrain 2015 à 2017 (Figures 2 à 4) a permis de mettre au jour un nouveau primate vieux de 40 millions d'années, Aseanpithecus myanmarensis, qui renforce et affine (En mathématiques, affine peut correspondre à :) le scénario d'un peuplement du continent africain par les anthropoïdes asiatiques durant l'Eocène.

Aseanpithecus n'appartient à aucun groupe connu d'anthropoïdes asiatiques et pourrait donc représenter une toute nouvelle famille, plus proche des anthropoïdes africains. Ce nouveau primate présente une combinaison (Une combinaison peut être :) unique de caractères orbitaux ancestraux et de caractères dentaires dérivés partagés avec les anthropoïdes africains. Cette combinaison de caractères offre de précieuses informations quant à la séquence d'apparition des caractères dérivés clés des anthropoïdes: les caractères de la denture sont apparus plus tôt que ceux de l'orbite, confirmant ainsi une hypothèse inférée sur la base d'une reconstruction des liens de parenté au sein des primates anthropoïdes. En outre, la découverte d'Aseanpithecus suggère que le peuplement de l'Afro-Arabie par les anthropoïdes asiatiques n'a pas uniquement concerné des anthropoïdes basaux tels que Afrasia/Afrotarsius comme envisagé précedemment mais aussi des formes plus dérivées.

D'autres groupes de mammifères originaires d'Asie (rongeurs hystricomorphes et anomalures, cétartiodactyles hippopotamoïdes) sont également arrivés en Afrique diachroniquement durant l'Eocène et attestent de multiples événements de dispersions à cette époque, dont certains ont impliqués des primates anthropoïdes. Des reconstructions paléogéographiques indiquent que, durant l'Eocène, un étroit océan (Un océan est souvent défini, en géographie, comme une vaste étendue d'eau...) Téthys séparait l'Eurasie de l'Afro-Arabie, ce qui pose le problème de la voie de dispersion (La dispersion, en mécanique ondulatoire, est le phénomène affectant une onde dans un...) de ces mammifères. Parmi divers scénarios envisagés, la microplaque iranienne pourrait avoir servi de voie de dispersion à travers la Téthys. Une hypothèse alternative est celle d'une dispersion via des radeaux naturels formés par des débris de végétaux charriés par les fleuves.

De futures découvertes en Asie permettront d'affiner notre connaissance de l'évolution précoce des anthropoïdes, qui apparaissent de plus en plus comme un groupe de primates ayant connu une diversification rapide ainsi qu'une expansion impressionnante de leur aire de répartition en peuplant l'Afrique et l'Amérique du Sud dès l'Eocène.


Figure 2. Site de Paukkaung Kyitchaung 2 (PK2) dans la formation de Pondaung (Birmanie) où Aseanpithecus a été découvert. © Olivier Chavasseau (PALEVOPRIM)


Figure 3. Maxillaire holotype d'Aseanpithecus après sa découverte et son dégagement. © Jean-Jacques Jaeger (PALEVOPRIM)


Figure 4. Travail de terrain de l'équipe paléontologique Franco-Birmane. De haut en bas: travail au site d'excavation de la localité PK2, échantillonnage (L'échantillonnage est la sélection d'une partie dans un tout. Il s'agit d'une notion importante...) et tri des blocs fossilifères, opérations de tamisage des échantillons séchés. © Olivier Chavasseau (PALEVOPRIM)


© Yaowalak Chaimanee (PALEVOPRIM)


© Olivier Chavasseau (PALEVOPRIM)


© Olivier Chavasseau (PALEVOPRIM)

Référence:

New Eocene primate from Myanmar shares dental characters with African Eocene crown anthropoids. Jaeger JJ, Chavasseau O, Lazzari V, Naing Soe A, Sein C, Le Maître A, Shwe H, Chaimanee Y. Nat Commun. 2019 Aug 6;10(1):3531. doi: 10.1038/s41467-019-11295-6.

Modèles 3D (pdf 3D) et les surfaces imprimables en 3D des fossiles de l'étude

Contacts chercheurs:

- Olivier Chavasseau - MCF Université de Poitiers, PALEVOPRIM (CNRS/Université de Poitiers)
olivier.chavasseau at univ-poitiers.fr

- Jean-Jacques Jaeger - Professeur émérite Université (Une université est un établissement d'enseignement supérieur dont l'objectif est la...) de Poitiers

- Gildas Merceron - Communication PALEVOPRIM (CNRS/Université de Poitiers)
gildas.merceron at univ-poitiers.fr
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