Des microbes communs favorisent la persistance du VIH

Publié par Adrien le 07/09/2020 à 09:00
Source: Université de Montréal
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Si le traitement antirétroviral a révolutionné notre capacité à freiner le VIH, ce n'est pas une panacée pour autant.


Crédit: Getty

Tout au long de la trithérapie, le VIH se cache silencieusement dans des réservoirs situés au creux des lymphocytes T CD4+, des globules blancs qui participent à l'activation du système immunitaire contre les infections et à la lutte contre les microbes.

L'existence de ces sanctuaires viraux explique pourquoi le traitement antirétroviral ne permet pas de guérir et pourquoi il doit être suivi toute la vie durant afin d'empêcher le virus de "rebondir".

Dans une étude publiée dans Nature Communications, des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM) montrent, grâce à une nouvelle technique mise au point dans leur laboratoire, comment ces lymphocytes T se multiplient au contact de microbes communs et contribuent ainsi à la persistance des réservoirs du VIH.

Nous en discutons avec le chercheur Nicolas Chomont, professeur à l'Université de Montréal (Département de microbiologie, infectiologie et immunologie), et Pierre Gantner, postdoctorant dans son laboratoire et premier auteur de l'étude.


Pierre Gantner et Nicolas Chaumont. Crédit: CRCHUM
Q. Avez-vous été surpris par les résultats de votre étude ?

R. Depuis longtemps déjà, nous savons que le virus persiste dans les lymphocytes T CD4+. Chez les huit participants de notre étude, nous montrons qu'en moyenne de 70 à 80 % de ces lymphocytes, dans lesquels le virus se cache, ont été exposés à des microbes qu'on trouve communément dans la population, comme le virus de la grippe ou le cytomégalovirus. À leur contact, les lymphocytes se multiplient. Cette réponse immunitaire, tout à fait normale dans la lutte contre les infections, provoque indirectement la prolifération des cellules réservoirs du VIH.

Q. La persistance des réservoirs du VIH dans les lymphocytes T est l'obstacle principal à l'éradication du virus. En limitant la prolifération de microbes communs chez les personnes sous trithérapie, pourrait-on réduire indirectement le nombre de lymphocytes T infectés par le virus dans le temps ?

R. En théorie oui. Nous pensons qu'empêcher la prolifération de certains microbes ‒ virus ou bactéries ‒ éviterait que les lymphocytes T, qui abritent le VIH, prolifèrent eux aussi. Ainsi, nous pourrions imaginer que certains médicaments, bloquant la prolifération de microbes, diminueraient les réservoirs du VIH. Mais tout cela reste encore à démontrer.

Q. Est-ce à dire que les personnes traitées très tôt après l'infection devraient combiner la trithérapie et ce type de médicaments de façon préventive pour faciliter la disparition des réservoirs du VIH?

R. Cela pourrait même se faire chez des personnes qui ont commencé la trithérapie il y a plusieurs années, car nous pensons que ces microbes participent à la maintenance de ces réservoirs dans le temps.

Par exemple, le cytomégalovirus [CMV], dont 70 % de la population est porteuse, se réactive régulièrement, mais il est restreint par la réponse immunitaire. Chaque fois qu'il se réactive et que la réponse immunitaire se manifeste dans l'organisme, cela peut augmenter la taille des réservoirs du VIH. Donc, si nous traitons l'infection par CMV pour l'empêcher de se réactiver, nous pourrions limiter l'expansion de ces réservoirs.

Q. Selon vous, quels horizons thérapeutiques encore inexplorés votre découverte ouvre-t-elle ?

R. Grâce à la technique conçue dans notre laboratoire avec l'aide de Marion Pardons, Rémi Fromentin et Amélie Pagliuzza, nous pouvons cartographier les récepteurs spécifiques des microbes qui se trouvent sur les lymphocytes infectés par le VIH. Cette nouvelle technique expérimentale permettra bien d'autres applications en immunologie fondamentale.

Ici, elle nous permet de déduire quels microbes contribuent à la persistance des réservoirs du VIH. La difficulté ? Le virus peut persister davantage dans des lymphocytes T qui reconnaissent la grippe chez une personne et pas chez une autre. Il faudrait donc des stratégies thérapeutiques individualisées. Ce sera difficile à mettre en oeuvre, car il faut d'abord repérer ces cellules immunitaires et les microbes qu'elles reconnaissent.

Toutefois, nous pensons qu'une étude de type "preuve de concept" chez des personnes qui ont des réservoirs du VIH dans des lymphocytes T capables de reconnaître des infections qu'on sait traiter ‒ la tuberculose par exemple ‒ pourrait démontrer l'utilité d'une telle approche.

Q. Poursuivez-vous actuellement vos recherches sur un plus large échantillon de patients ?

R. Nous poursuivons nos expériences sur des échantillons issus de la cohorte d'infection aigüe du programme de recherche de l'armée américaine sur le VIH ‒ RV254/SEARCH010 ‒, qui a débuté il y a 10 ans en collaboration avec le centre de recherche sur le sida de la Croix-Rouge thaïlandaise.

Nous explorons ainsi la possibilité que les personnes vivant avec le VIH et traitées très tôt après l'infection puissent héberger des réservoirs dans un petit nombre de lymphocytes T reconnaissant un nombre limité de microbes. Si la diversité du réservoir est moindre, cela devrait faciliter la mise au point de stratégies visant à l'éliminer.
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