Méditerranée: des écosystèmes millénaires construits avec le feu

Publié par Adrien le 18/10/2020 à 09:00
Source: CNRS INSU - Boris Vannière, CNRS
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On ignore souvent que la biodiversité méditerranéenne a fortement évolué depuis le début de l'occupation humaine, et cela, en partie au moins, en lien avec les feux utilisés dans les pratiques agro-pastorales. Aussi notre perception des feux de forêt, alimentée par les images effrayantes de méga-feux, n'a pas toujours été négative.


Feu de forêt de nuit, 2007 © B. Vannière

Nos données sur les régimes de feux, c'est-à-dire leur fréquence, intensité, saisonnalité et leurs facteurs de contrôle, couvrent une période de temps courte relativement à l'échelle des processus. Dans le cadre du projet PALEOMEX-MISTRALS, qui s'intéresse aux interactions passées entre climat, environnement et sociétés, plusieurs reconstructions et analyses des régimes de feux holocènes en région méditerranéenne ont été réalisées, notamment grâce à la quantification et à la caractérisation des microparticules de charbons de bois produites par les feux, et conservées dans les sédiments qui se déposent dans les lacs et tourbières. Ces archives sédimentaires permettent, en complément des régimes de feux, de documenter l'histoire de la végétation, du climat et des occupations humaines qui interagissent avec ces feux.

Au début de l'Holocène, les conditions climatiques, liées aux paramètres orbitaux de la Terre, ont alimenté des incendies de grande ampleur, en particulier dans les pinèdes du pourtour du Bassin Méditerranéen. Si, il y a 7 000 ans environ, grâce à un climat plus humide, les incendies deviennent beaucoup moins fréquents et plus localisés, les activités humaines altèrent cette évolution naturelle dès le Néolithique, l'Homme ayant appris à cultiver, utilise alors le feu pour gagner des terres sur la forêt afin de se nourrir. Cette première étape dans l'ouverture de la couverture végétale a entraîné dans un premier temps une augmentation de la diversité végétale dans la chênaie autour des premiers établissements agricoles.

Entre 4 000 à 2 000 ans environ, la transformation des paysages se généralise jusqu'à s'intensifier avec l'Empire Romain. Les pratiques agro-pastorales, incluant l'usage répété du feu, conduisent alors à des transitions irréversibles dans les écosystèmes caractérisées notamment par une diversification des espèces des milieux ouverts, une diminution de la biodiversité forestière et de la richesse végétale à l'échelle régionale. Les feux agro-pastoraux jouent alors un rôle primordial, en limitant l'accumulation de combustible et donc la propagation de feux incontrôlables. Le brûlage dirigé peut être aussi utilisé pour créer une perturbation intermédiaire régénératrice de la dynamique écologique.

Comparée aux valeurs des six millénaires précédents, la durée de la saison de feux a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, alors qu'en même temps les étés sont devenus beaucoup plus chauds. Les valeurs s'avèrent à présent comparables à celles du début de l'Holocène. Le bassin méditerranéen est donc confronté à une accumulation des facteurs de risque de feux inédite dans son histoire: réchauffement climatique, abandon des terres, accumulation de combustible et superposition des espaces forestiers avec les activités et aménagements anthropiques favorisant le déclenchement de feux non souhaités et destructeurs. Les politiques de gestion du risque auraient tout à gagner à prendre en compte les pratiques millénaires.
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