Jusqu'à présent, la communauté scientifique débattait du point de départ de la solidification du manteau liquide: débutait-elle en profondeur pour progresser vers la surface, ou l'inverse ?
Grâce à une modélisation numérique avancée, intégrant une approche multiphasique de la dynamique des fluides, une étude apporte un nouvel éclairage sur les processus de différenciation chimique et thermique ayant conduit à la formation d'un océan de magma basal.
Solidification d'un océan de magma terrestre primitif conduisant progressivement à la formation d'un océan de magma basal. @Nicolas Sarter
Une équipe internationale de chercheurs de l'Institut de physique du globe de Paris (CNRS / IPGP / Université Paris Cité) et de la York University a revisité l'interprétation des structures géophysiques enracinées à la base du manteau terrestre. Leurs travaux remettent en question les modèles traditionnels de solidification du manteau primitif de la Terre.
Cette étude démontre que cette question est secondaire. L'élément déterminant réside dans la ségrégation gravitationnelle entre les liquides denses, riches en fer, et les solides plus légers, pauvres en fer. Ce phénomène naturel a conduit à l'accumulation de liquides riches en oxyde de fer au-dessus du noyau terrestre, donnant naissance à un océan de magma basal.
En intégrant les relations de phase, les diagrammes de fusion et la répartition des éléments chimiques au cours de la solidification, la modélisation numérique utilisée dans cette étude a permis d'estimer la composition et la distribution spatiale des réservoirs géochimiques primordiaux. Ces résultats trouvent un écho direct dans les anomalies isotopiques observées dans les roches anciennes.
Des implications majeures pour l'histoire géochimique de la Terre
Les chercheurs ont également mis en évidence la formation d''une quantité significative de solides en surface plutôt qu'en profondeur. Cette observation suggère que des signatures géochimiques issues du fractionnement des silicates superficiels ont été injectées dans le manteau profond, remettant en question les interactions entre la dynamique du manteau terrestre, la pétrologie et la géochimie au cours des premiers milliards d'années de l'évolution des planètes rocheuses.
Par ailleurs, ces travaux révèlent que la formation d'un océan de magma basal était inévitable sur Terre, y compris dans les conditions les plus défavorables. De plus, l'empreinte géochimique de cette solidification sur le manteau solide est bien moins marquée que ne le prédisaient les modèles géochimiques classiques, en raison d'un brassage vertical intense durant la solidification.
Ces découvertes ouvrent la voie à une réévaluation des observations géochimiques et géophysiques, permettant de reconstruire avec plus de précision l'histoire thermique et chimique de la Terre depuis sa formation. Plus largement, elles apportent un éclairage nouveau sur la diversité des corps rocheux dans notre système solaire et au-delà.