Des fosses océaniques qui reculent puis avancent en vieillissant

Publié par Michel,
Source: CNRS / INSU
Illustrations: © Faccena et al. 2009Autres langues:
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Les fosses océaniques formées par la subduction de plaques plongeant dans le manteau sont-elles immuables? Dans une étude à paraître dans Earth and planetary Science Letters, une équipe de chercheurs Italiens, Français et Britanniques montre que la fosse d'Izu-Bonin-Mariannes, située dans le Pacifique, est un exemple emblématique de fosse qui progresse vers les îles, après avoir été en recul pendant plusieurs millions d'années. Ce résultat conduit à réviser notre conception de la dynamique des fosses de subduction à l'échelle de la planète.

Les fosses de subduction sont formées par la flexion des plaques océaniques qui sombrent dans le manteau terrestre. Au cours du temps, un plaque océanique devient plus épaisse, plus lourde si bien qu'elle doit, en quelque sorte, sombrer plus rapidement en vieillissant, ce qui revient à dire que la charnière liée au ploiement et donc la fosse doivent reculer au cours du temps (processus appelé rollback). Or, en 2005 puis en 2008, sur la base de données cinématiques, des chercheurs (dont certains auteurs de l'article) ont montré que cette idée selon laquelle les fosses océaniques étaient ainsi condamnées à reculer sous l'effet du poids de la plaque en subduction devait être révisée.


Carte du Pacifique Ouest. Les couleurs indiquent l'âge du plancher océanique en millions d'années
obtenu par les méthodes paléomagnétiques. Les flèches indiquent le déplacement des fosses
selon deux référentiels (les flèches grises prennent comme référence les points chauds du Pacifique,
les blanches les points chauds Indo-atlantiques).

En effet, en estimant par GPS depuis la côte la position des fosses par rapport à un référentiel profond comme par exemple un groupe de volcans de points chauds, on observe aujourd'hui que 20 à 50% des fosses avancent par rapport au manteau profond au lieu de reculer. Ce qui revient à dire que la plaque en subduction se déroule devant elle dans le sens de son déplacement. Les subductions à l'Ouest du Pacifique en sont une parfaite illustration, et en particulier les fosses de la Sonde, des Tonga ou Izu-Bonin-Mariannes au sud du Japon (cf figure). Les flèches représentent les mouvements absolus des fosses suivant deux référentiels extrêmes: les points chauds Pacifique en gris et les points chauds indo-atlantiques en blanc. On voit ainsi que les fosses de la Sonde, des Tonga ou Izu-Bonin-Mariannes au Sud du Japon, sont toutes en avancée à des vitesses parfois supérieures à 5 cm/an.


Cette simulation montre le déplacement de la fosse au cours du temps pour une plaque en
subduction de plus en plus âgée.. On note (en blanc) l'âge de la plaque océanique qui arrive
à la charnière à une époque donnée. Dans ce cas on note aussi que la plaque plongeante
se replie en profondeur au cours du temps.

Comment expliquer qu'une plaque dense coulant dans le manteau voit sa charnière animée d'un mouvement prograde vers la plaque supérieure ? Pour répondre à cette question, Claudio Faccenna et ses collaborateurs se sont intéressés à la fosse Izu-Bonin-Mariannes qui borde la plaque Philippines à l'Est et qui a la particularité d'avoir subi ces derniers millions d'années un changement majeur de sa cinématique depuis un mouvement rétrograde (rollback) depuis sa naissance il y a 55 Ma, jusqu'à un mouvement prograde durant les 5 derniers Ma.

D'après les données paléomagnétiques, utilisées pour la datation du plancher océanique et le suivi de sa cinématique, cette plaque (Philippines) est née près de l'Equateur à l'Eocène (vers 55 millions d'années) et n'a cessé depuis lors de croître par extension arrière-arc (1) en subissant une rotation horaire tout en dérivant vers le nord jusqu'à sa position actuelle. C'est seulement très récemment qu'elle s'est mise à pivoter de manière antihoraire comme l'indiquent les données GPS. Les auteurs se sont aperçus qu'en reconstruisant l'âge de la plaque Pacifique en subduction au niveau de la fosse IBM au cours du temps, celui-ci n'a fait qu'augmenter jusqu'à aujourd'hui depuis un âge moyen de 50 Ma à l'Eocène jusqu'à 140 Ma de nos jours. En d'autres termes, la fosse Izu-Bonin-Mariannes a reculé tant que l'âge de la plaque en subduction était inférieur à 100-120 millions d'années et s'est mise à avancer lorsque l'âge a dépassé cette valeur. Ils ont mis en évidence que le changement de mouvement s'était produit depuis le Sud vers le Nord au cours du temps en suivant la distribution de l'âge de la plaque le long de la fosse.

L'observation selon laquelle l'âge croissant de la plaque en subduction est d'abord accompagné d'un régime cinématique rétrograde de la fosse puis prograde à partir d'un certain seuil, confirme les expériences analogiques menées par Nicolas Bellahsen et collaborateurs (2005), le rôle central de la résistance au pliage pour des plaques âgées mis en évidence par Serge Lallemand et collaborateurs (2008) et les modèles numériques réalisés par Erika di Giuseppe et collaborateurs (2009). Jamais par le passé, les plaques océaniques n'ont été aussi âgées en moyenne à leur périphérie, ce qui pourrait signifier que jamais par le passé la proportion de fosses en avancées n'a été aussi grande. Ce constat est extrêmement important dans l'exploration de l'évolution de la dynamique interne de la Terre.


Note:
(1) Extension arrière arc. Lorsque qu'une subduction se met en place loin d'un continent, un chapelet (arc) d'îles volcaniques apparaît. La région située derrière l'arc au dessus de la plaque en subduction peut subir un étirement avec formation d'une dorsale et production de croûte océanique. C'est le cas au sein de la plaque Philippines. On parle alors de bassin arrière arc.
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