Les fleuves arctiques, important vecteur de mercure vers l'océan Arctique

Publié par Adrien le 29/11/2018 à 08:00
Source: CNRS-INSU
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Une nouvelle étude menée par une équipe internationale montre que les fleuves arctiques transportent de grandes quantités de mercure vers l'océan Arctique. Les résultats obtenus par cette équipe, fournissent la pièce manquante d'un puzzle qui permet de comprendre comment les émissions anthropiques de mercure des latitudes moyennes ont contribué à polluer l'une des régions les plus préservées de notre planète. Jusqu'à récemment, on supposait que les émissions de mercure atteignaient l'Arctique par voie atmosphérique pour y contaminer l'écosystème marin. L'étude révèle que les fleuves arctiques rejettent plus de mercure dans l'océan Arctique que les dépôts atmosphériques. Les chercheurs ont intégré leurs résultats dans un modèle 3D océan-atmosphère et ont trouvé un transfert net annuel de mercure de l'océan Arctique vers l'atmosphère, ce qui constitue un nouveau paradigme sur le cycle du mercure dans les hautes latitudes.


Le cycle du mercure dans l'Arctique, qui fait apparaître les flux nets (tonnes métriques par an) entre les différents réservoirs terrestres, marins et atmosphériques (tonnes métriques). La zone hachurée représente le flux de Hg provoqué par l'érosion côtière. Le flux important de mercure dans les rivières (flèche violette) confirme un nouveau paradigme selon lequel la végétation de la toundra absorbe le Hg atmosphérique et le transmets par biais des grands fleuves vers l'océan Arctique. Image de Sonke et al., 2018, PNAS.

Les concentrations en mercure (Hg) dans la faune marine arctique sont parmi les plus élevées au monde et affectent les populations autochtones qui dépendent des produits de la mer. En l'absence de sources importantes d'émissions de Hg dans la région Arctique, les scientifiques se sont questionnés sur les sources et les voies de transports du Hg des moyennes latitudes vers les hautes latitudes.

La découverte en 1998 de dépôts atmosphériques massifs de Hg, liés à des oxydants halogènes réactifs dérivés de la glace de mer, a alimenté un paradigme selon lequel les émissions urbaines et industrielles de Hg des latitudes moyennes atteignaient l'Arctique exclusivement par voie atmosphérique. Or, des recherches ultérieures ont montré que 70 à 80% du Hg déposé est photochimiquement réémis dans l'atmosphère seulement quelques heures après le dépôt. En 2012, un modèle 3D couplé océan-atmosphère du cycle arctique du mercure suggérait une source manquante pour expliquer les apports de Hg dans l'océan Arctique. Il a été proposé que les apports via les fleuves arctiques était potentiellement cette source. En particulier les fleuves russes qui représentent 80% des apports en eaux des continents vers l'océan.

En l'absence d'observations saisonnières sur les rivières russes, Jeroen Sonke du laboratoire Géoscience Environnement Toulouse (GET) s'est associé à ses collègues Oleg Pokrovsky du GET et Roman Teisserenc du laboratoire d'Ecologie Fonctionnelle et Environnement (EcoLab) pour rassembler les pièces manquantes. De 2012 à 2016, ils ont mesuré à très haute fréquence et sur les différentes saisons les niveaux de Hg dans les fleuves Ienisseï et Severnaïa Dvina. Leurs conclusions, publiées dans la revue PNAS, confirment que les fleuves russes transportent de grandes quantités de Hg vers l'océan Arctique. Les résultats ont ensuite été intégrés dans un modèle 3D du cycle de Hg en Arctique, mis au point par des collègues de l'Université de Harvard.

Les chercheurs ont confirmé ce à quoi ils s'attendaient: les émissions anthropiques de Hg n'atteignent pas directement l'écosystème de l'océan Arctique. Au lieu de cela, le Hg anthropique émis est absorbé toute l'année par la végétation et les sols de la toundra arctique. La fonte des neiges au printemps mobilise une fraction de Hg de la toundra, lié au carbone provenant des plantes, via les rivières et fleuves jusqu'à l'océan Arctique, où le Hg devient disponible pour le réseau trophique marin. Le modèle 3D suggère qu'une grande partie du Hg fluvial est réduite de manière photochimique à la surface de l'océan Arctique et est émise vers l'atmosphère. Celle-ci devenant un puit plutôt qu'une source de Hg.Le budget fluvial de Hg, associé aux observations récentes sur l'absorption de Hg atmosphérique par la toundra et la dynamique du mercure dans l'océan Arctique, offre une vue cohérente du cycle du Hg dans l'Arctique où les écosystèmes continentaux acheminent des émissions anthropiques de Hg vers l'océan Arctique via des fleuves et où l'Arctique exporte du Hg vers l'atmosphère, à l'océan Atlantique et aux sédiments marins.

Le réchauffement arctique actuel et le dégel du pergélisol risquent de mobiliser de grandes quantités de sol de toundra riche en Hg vers l'océan Arctique via les rivières, augmentant ainsi potentiellement les risques pour la santé humaine.L'étude a été financée par les contrats CNRS Chantier Arctique, projet PARCS, FP7- PEOPLE-2010-RG #277059 TOMCAR-Permafrost, ERC Starting Grant No 258537, et IPEV programme No1208, projet MESSI.
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