Faites-vous confiance aux gens qui ont un accent ?

Publié par Adrien le 02/10/2018 à 00:00
Source: Université McGill
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Imaginez-vous en plein cœur d'un quartier inconnu. Votre cellulaire est à plat, votre voiture est en panne, et vous cherchez désespérément le garage le plus près. Des passants tentent de vous venir en aide, mais leurs indications sont contradictoires. L'un deux semble venir du coin et parle d'un ton nonchalant, tandis que l'autre, visiblement sûr de lui, parle haut et fort, mais a un accent à couper au couteau. Auquel des deux ferez-vous confiance ? D'après une étude récente, la personne qui s'exprime avec un accent aura plus de mal à gagner votre confiance, à moins qu'elle parle d'un ton assuré. Et ce n'est pas tout: votre décision de lui faire confiance ou non mobilisera des régions différentes du cerveau selon que vous percevez votre interlocuteur comme un individu "intragroupe" ou un individu "hors groupe" (par exemple, un locuteur d'un autre groupe linguistique ou culturel).

Marc Pell, professeur à l'École des sciences de la communication humaine de l'Université McGill et auteur en chef, explique la raison d'être de cette étude:

"Il doit y avoir autour de deux milliards de personnes dans le monde dont la langue seconde est l'anglais, et nous sommes nombreux à vivre dans des sociétés multiculturelles. Pour déterminer si un interlocuteur différent de nous est digne de confiance, nous l'observons de très près et nous prêtons attention à sa voix. Notre objectif ici était de mieux comprendre comment nous prenons cette décision en nous fiant uniquement à sa voix. "

Les chercheurs ont constaté qu'en règle générale, nous avons un préjugé favorable envers les personnes de notre groupe; par le fait même, l'accent complique l'évaluation de la crédibilité d'un interlocuteur. Autre constat: les régions cérébrales qui s'activent lors de ce processus décisionnel ne sont pas les mêmes selon que l'interlocuteur est une personne "intragroupe" ou "hors groupe". Dans ce dernier cas, en effet, le cerveau doit effectuer des opérations supplémentaires pour résoudre le conflit entre le préjugé défavorable causé par l'accent (méfie-toi!) et la grande assurance qui se dégage de l'interlocuteur (il semble savoir de quoi il parle...).

L'assurance, gage de crédibilité

Cela dit, les chercheurs ont également découvert que si un interlocuteur ayant un accent régional ou étranger parle d'une voix très assurée, ses propos seront jugés aussi crédibles que ceux d'un locuteur natif.

"J'en conclus donc qu'à l'avenir, j'aurai sans doute intérêt à parler d'un ton très assuré pour qu'on ajoute foi à mes propos, quelle que soit la situation", lance Xiaoming Jiang, auteur principal de l'étude. Notons que l'anglais est la langue seconde de cet ancien boursier postdoctoral à l'Université McGill, aujourd'hui professeur agrégé à l'Université Tongji. "Les personnes qui ont un accent devraient prendre bonne note de ce constat, qui pourrait les servir dans tous les aspects de leur vie, notamment au travail, dans les études ou devant la justice."

Des études antérieures ont révélé que nous sommes plus enclins à croire une affirmation si elle est énoncée d'un ton assuré (voix forte, ton bas, débit rapide) plutôt que d'une voix hésitante. Les régions du cerveau mises à contribution dans ce processus décisionnel sont-elles différentes lorsque l'interlocuteur a un accent différent du nôtre ? Voilà ce que les chercheurs ont voulu savoir.

Ils ont ainsi constaté qu'en présence d'un locuteur ayant un accent identique au sien, l'auditeur peut se fier uniquement au ton de voix pour déterminer s'il a affaire à une personne crédible ou non. En pareil cas, les aires cérébrales activées (situées dans le haut du lobe pariétal) étaient celles qui permettent de faire des déductions à partir d'expériences antérieures. En revanche, pour prendre cette même décision à l'égard d'un interlocuteur "hors groupe", le cerveau s'en remettait davantage aux zones assurant le traitement des informations auditives (situées dans la région temporale). Il semble donc que pour déterminer s'ils pouvaient accorder crédit à leur interlocuteur ayant un accent, les auditeurs devaient suivre un processus en deux étapes, à savoir prêter attention non seulement aux sons produits, mais également au ton de voix.


Les zones rouges (circonvolution pariétale ascendante droite et circonvolution pariétale supérieure gauche) s'activaient lorsque l'auditeur jugeait de la crédibilité d'un interlocuteur "intragroupe", et les zones bleues (lobe temporal supérieur des deux hémisphères), lorsqu'il statuait sur la crédibilité d'un locuteur "hors groupe".

Méthodologie

Les participants (tous de langue maternelle anglaise canadienne) ont écouté une série de courts énoncés neutres exprimés sur des tons divers– parfois très assurés, parfois moins– et dans des accents divers– parfois très connus (anglais canadien), parfois moins (anglais australien et anglais parlé par un francophone du Canada). Ils devaient évaluer la crédibilité de chaque énoncé. Pendant l'écoute, on enregistrait l'activité cérébrale de l'auditeur au moyen d'une technique d'imagerie appelée "IRMf" afin de déterminer si l'écoute d'un interlocuteur "intragroupe" activait les mêmes régions que celle d'un interlocuteur "hors groupe", et ce, tant en général que selon le ton de voix.

Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, une bourse James McGill et la bourse d'études McLaughlin de l'Université McGill.

L'article "Neural architecture underlying person perception from in-group and out group voices", par Xiaoming Jiang, Ryan Sanford et Marc D.Pell, a été publié dans la revue Neuro Image.
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