Un excès d'étoiles massives dans les galaxies à sursauts d'étoiles

Publié par Adrien le 06/06/2018 à 00:00
Source: ESO
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Grâce à ALMA et au VLT, des astronomes ont découvert que les galaxies à sursauts d'étoiles de l'Univers jeune ainsi qu'une zone de formation d'étoiles au sein d'une galaxie proche contenaient une proportion d'étoiles massives nettement supérieure à celle caractérisant les galaxies plus calmes. Ces résultats questionnent les modèles actuels d'évolution des galaxies et modifient notre compréhension de l'histoire de la formation des étoiles ainsi que de la création des éléments chimiques.


Afin de sonder l'Univers lointain et de déterminer la proportion d'étoiles massives contenues au sein de quatre galaxies à formation d'étoiles riches en gaz (1), une équipe de scientifiques pilotée par Zhi-Yu-Zhang, astronome à l'Université d'Edimbourg, a utilisé le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA). Ces galaxies ont été observées alors que l'Univers était beaucoup plus jeune. Il est donc peu probable que ces jeunes galaxies aient déjà connu de nombreux épisodes de formation stellaire, susceptibles de fausser les résultats obtenus.

Zhang et son équipe ont élaboré une nouvelle technique - semblable à la datation au carbone 14 - pour mesurer les abondances des différents types de monoxyde de carbone au sein de quatre galaxies lointaines à formation d'étoiles, emplies de poussière (2). Ils ont notamment déterminé le rapport de deux types de monoxyde de carbone contenant des isotopes différents (3).

"Les isotopes de carbone et d'oxygène sont d'origines distinctes" précise Zhang. En effet, "les étoiles massives créent davantage de 18O, tandis que les étoiles de faible masse ou de masse intermédiaire produisent davantage de 13C". L'adoption de cette nouvelle technique a permis à l'équipe de sonder la poussière galactique et d'évaluer, pour la toute première fois, la masse des étoiles contenues dans ces galaxies.

La masse d'une étoile est le facteur déterminant son évolution future. Les étoiles massives brillent intensément et s'éteignent rapidement, tandis que les étoiles de faible masse tel le Soleil émettent un rayonnement plus modeste des milliards d'années durant. Connaissant les proportions d'étoiles de masses différentes qui naissent dans les galaxies, les astronomes peuvent affiner leur compréhension de la formation et de l'évolution des galaxies au fil de l'histoire de l'Univers. S'ensuit l'acquisition de données relatives aux éléments chimiques entrant dans la composition de nouvelles étoiles ainsi que de leurs cortèges de planètes et, finalement, le nombre de trous noirs susceptibles de fusionner et donc de former les trous noirs supermassifs qui occupent les centres de nombreuses galaxies.

Donatella Romano, astronome à l'INAF - Astrophysics and Space Observatory de Bologne et co-auteur de la découverte, explique les résultats obtenus: "Le rapport 18O / 13C caractérisant les galaxies à formation d'étoiles de l'Univers jeune est dix fois supérieur à celui caractérisant les galaxies semblables à la Voie Lactée. Cela implique que les galaxies à sursauts d'étoiles contiennent une proportion nettement plus élevée d'étoiles massives.

La découverte d'ALMA est cohérente avec une autre découverte, relative à l'Univers local. Une équipe emmenée par Fabian Schneider de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni a effectué, au moyen du Very Large Telescope de l'ESO, des relevés spectroscopiques de 800 étoiles de la région de formation stellaire 30 Doradus dans le Grand Nuage de Magellan afin de cartographier la distribution des âges et des masses stellaires (4).

Schneider explique les résultats obtenus: "Nous avons détecté des étoiles dont la masse excède les 30 masses solaires dans des proportions supérieures de 30% à la norme. Les étoiles dont la masse excède les 60 masses solaires étaient quant à elles supérieures en nombre de 70% à la proportion attendue. Nos résultats questionnent l'existence supposée du seuil de 150 masses solaires qu'une étoile nouvellement formée ne pourrait dépasser. Ils suggèrent même que ce seuil pourrait être porté à 300 masses solaires !

Rob Ivison, co-auteur du nouvel article, conclut ainsi: "Nos découvertes invitent à questionner notre compréhension de l'histoire cosmique. Les astronomes qui conçoivent les modèles d'Univers doivent désormais reconsidérer leur outil de travail, et lui apporter les modifications nécessaires."

Notes

(1) Les galaxies à sursauts d'étoiles sont des galaxies traversant une phase d'intense formation stellaire. Le rythme auquel elles créent de nouvelles étoiles peut être plus de 100 fois supérieur au taux de formation stellaire caractéristique de notre galaxie, la Voie Lactée. Les étoiles massives de ces galaxies émettent un rayonnement ionisant, des vents stellaires, et achèvent leurs existences en explosions de supernovae, ce qui influence de manière significative l'évolution dynamique et chimique  du milieu environnant. L'étude de la distribution en masse des étoiles dans ces galaxies permet de mieux comprendre leur propre évolution, et plus généralement, l'évolution de l'Univers.

(2) La méthode de datation au carbone 14 est utilisée pour déterminer l'âge d'un objet composé de matière organique. En mesurant la quantité de 14C, un isotope radioactif dont l'abondance décroît continuellement, il est possible de déterminer la date de fin de vie d'un animal ou d'une plante. Les isotopes utilisés dans le cadre de l'étude d'ALMA, 13C et 18O, sont stables et leurs abondances augmentent tout au long de la durée de vie d'une galaxie, leur synthèse résultant des réactions de fusion nucléaire se produisant à l'intérieur des étoiles.

(3) Ces différentes formes de la molécule sont appelées isotopologues. Elles diffèrent entre elles au travers de leur nombre de neutrons. Les molécules de monoxyde de carbone utilisées dans le cadre de cette étude constituent un exemple de ces espèces moléculaires: le noyau d'un isotope stable de carbone peut renfermer 12 ou 13 nucléons ; le noyau d'un isotope stable d'oxygène peut contenir 16, 17 ou 18 nucléons.

(4) Schneider et al. ont effectué des observations spectroscopiques d'étoiles individuelles au sein de 30 Doradus, une région de formation d'étoiles située dans le Grand Nuage de Magellan tout proche, au moyen du spectrographe FLAMES ( Fibre Large Array Multi Element Spectrograph) installé sur le Very Large Telescope (VLT). Cette étude fut l'une des premières à produire des résultats suffisamment détaillés pour montrer que l'Univers est capable de produire des zones de formation d'étoiles caractérisées par des distributions de masses différentes de celle de la Voie Lactée.
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